Celle que vous croyez

(je suis, je ne suis pas)

Une femme d’une cinquantaine d’années, quittée par son mari puis par son plan cul, se fait passer en ligne pour une jeune fille et tombe amoureuse d’un jeune homme. Le scénario en a un peu plus sous la pédale que cette seule amorce (qui occupe quand même à elle seule au moins la moitié du film), mais le rythme fait paraître tout cela un peu court. Comme dans : c’est un peu court, jeune homme.

Le film flirte avec le ridicule et, sans Juliette Binoche, il serait carrément mauvais. Seulement voilà, il y a Juliette Binoche, et cette actrice est extraordinaire. Lorsque son personnage confie à sa psy qu’elle ne jouait pas à avoir 24 ans, qu’elle avait 24, on ne le croit pas, on le voit : non pas lors de la scène où elle danse seule et alcoolisée dans une soirée tranquille (le scénario frise le ridicule et s’y vautre peu après), mais lorsqu’elle marche tout simplement, les cheveux libres et le rose au joue, lorsque la commissure de ses lèvres clignote en sourire, ou que ses yeux se gorgent de larmes sans qu’elles ne tombent. La jeunesse se lit dans ses rides – des rides d’expression, comme on dit, preuve que la vie n’en finit pas de jaillir de ce visage. Les gros plans ne s’y trompent pas : la justesse est toute entière dans ce visage, toujours sur le point de (sourire, pleurer), dans l’instant qui voit affleurer l’émotion.

Et dans son miroir, le visage de la psy (Nicole Garcia), changeant comme un ciel nuageux par temps de grand vent ; elle est touchée, et ne l’est pas, en contrôle d’émotions sur lesquelles elle fait l’effort de ne pas s’arrêter – la parole de jugement, de même, réfrénée. Peut-être est-ce elle, la spectatrice idéale que souhaiterait le réalisateur, Safy Nebbou.

Nicole Garcia en psy pokerface
Juliette Binoche, le visage déformé par les pleurs à venir

Je veux bien mourir, mais pas abandonnée.