Journal de lecture : Sortir au jour

Lu en juillet 2024

Cela peut sembler à la fois présomptueux et naïf, mais je mentirais en le formulant autrement : je voulais écrire un texte réconfortant sur la mort.

Cela dit bien ce qu’est Sortir au jour : un texte réconfortant sur la mort, sur tous les liens qui se tissent en dépit d’elle, s’intensifient parfois même à son approche. Du moins pour la partie d’Amandine Dhée, qui raconte autre chose que la maladie d’une amie, l’annonce du cancer de son père, d’une chanteuse qui symbolise son enfance, de son chat, du Covid — la mort proche comme lointaine, vague spectre ou douleur intense, quelque part entre le sacré et le médical, dont on se demande s’il faut ou non en parler aux enfants, qui éclaire en creux tout ce qu’il y a de famille, de vivant et de liens.

On parle de liens du sang, mais les familles sont d’abord faites de beurre et de sucre, n’en déplaise aux scientifiques et aux diététiciens.

Je ne suis plus une petite fille, je suis une femme adulte, elle-même mère de deux enfants. Cette mort me le rappelle. J’avance d’une case sur l’échiquier familial ou je recule, difficile à dire.

Ce sont les femmes qui conservent les photos, m’a dit ma tante. […] C’est vrai, c’est moi qui fais les albums photos dans la famille. Et ma mère conservait comme un trésor sa boîte à chaussures remplie à ras bord de photos. Et c’est peut-être plus juste, ces clichés pêle-mêle, plus fidèle à nos mémoires et nos souvenirs qui se télescopent.

Les mains qui se cherchent pour braver la mort, ça, ça ne changera jamais. On n’est rien, à part du lien.

En regard, la parole est donnée à Gabriele, qui regarde sinon la mort du moins les morts en face. Elle est thanatopractrice et son métier l’oblige à apprivoiser différemment la mort, seulement armée d’une trousse de maquillage. On plonge dans le monde des soins, des paroles qu’elle adresse à ses patients, toujours Madame et Monsieur, ne jamais les réduire en papis et mamies — tendresse et déférence —, de la difficulté à s’occuper d’un corps jeune, trop jeune pour être entre ses mains, ou encore des manières parfois étranges dont elle est traitée par les familles endeuillées.

Je réalise soudain que lorsque Gabriele m’a parlé de son arrière-grand-mère, mon imaginaire l’a replacée dans la cuisine de cette grand-tante.

Je crois aussi que Gabriele et moi faisons un peu le même métier : raconter une histoire.
Gabriele dénoue les traits des visages défunts, ferme les yeux, fait se joindre des mains. Elle met en scène une fin paisible, elle oppose un récit au chaos.

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