Ligeti puis Strauss

Samedi dernier.

(A venir : la ville morte – ce n’est plus du retard mais du souvenir, à ce niveau-, le concours de l’Opéra, Joyaux, Amoveo/Répliques/Genus)

 

Space. Zinzin. Je suppose que c’est un peu comme Tristam Shandy en littérature : un pur délire qui nécessite une certaine pratique pour être vraiment jouissif. Il faut avoir lu abondamment et de travers pour s’amuser du détournement des conventions narratives, et je suis presque certaine qu’une oreille exercée trouverait semblable amusement au concerto pour violon de Ligeti. Il y a de drôles d’instruments dans lesquels on souffle comme dans un coquillage, et de curieuses façons d’user des autres ; les violonistes forment ainsi un temps un groupe mexicain, leurs violons devenus de ridicules mini guitares. Tout ce petit monde joue rarement ensemble – mais de façon savamment désynchronisée, de sorte qu’on croit à chaque instant au début d’une mélodie. Mais sitôt l’oreille s’est-elle posée qu’on lui coupe l’herbe sous le pied (métrique) et l’on est tout tendu de ne rien pouvoir attendre ; un autre rythme, un autre instrument aura pris le relais (et nous de court). Ils se courent les uns après les autres, jusqu’à se concurrencer en un déluge au Pays des merveilles – course-poursuite dans le tunnel, les notes se posent des lapins. La baguette du chef d’orchestre avance comme son dos rond, furtivement, et d’un coup Alice se retrouve dans un manoir hanté. Partie solo allumée, il se tient religieusement coi. Quoique… quoi ? Couac ! Le violon n’est fait qu’à sa fantaisie et déclare son indépendance au milieu de l’harmonie. Caprice. Cela part en vrille (non, pas les oreilles), comme le tressautement nerveux de celui qui n’arrive pas à dormir. Sursaut irrité. La Belle au bois dormant se fait la malle ; soyez bons princes, c’est bientôt expédié.

 

 

Ligeti… li-ge-ti… le-gi… le-gi-te… le-gi-to… le-gi-to-te… le-ga-to…les gâteaux… je pense encore à manger. Mais point au salon des snobs, Palpat’ vous ne me traînerez. Une pomme pour la soirée n’est point assez. Eviter la discorde – cela me rend acariâtre. Ou complètement léthargique. Rien de tel que le grand air pour se remettre : Strauss nous emmène faire un tour à la montagne.

 

 

Après Ligeti, eine Alpensinfonie, c’est une promenade de santé. On court dans les hautes herbes, une nymphe s’abreuve au ruisseau chantonnant, et la vache, c’est reposant. Jusqu’à l’orage qui balaye les poussières champêtres et secoue la rosée romantique. C’est grandiose et puis ça se calme, après la pluie. Le beau temps, rayonnant, se réinstalle paisiblement dans le silence.

 

J’ai beaucoup observé le berger en queue de pie (quelle époque, le roman précieux est sans dessus dessous – on ne se déguise même plus). Obséquieux, il s’efface pour laisser passer les violons (à votre service) avant que la main tendue ne se soulève (rébellion) depuis le coude et plonge, condamnant implacablement le gladiateur à mort (un des instruments au silence, suivez un peu, s’il vous plaît – la métaphore est le chef). Puis furtif, il écoute à la porte de quelque grandiose apothéose, mais c’est pour plus tard et, sait-on jaais, il guette et fait le gué entre deux rivages musicaux. Les vaches ne lui font pas d’effet bœuf, il s’adoucit et le miel de la musique le fait sourire. Mais c’est l’œil de la tempête et, à nouveau, il doit lutter – le corps penché en avant, l’alpiniste lutte contre les vents, reste attaché aux cordes. Jusqu’à suspendre le son d’un main en bec de canard. Et le public fait l’otarie : applaudissements.

 

2 réflexions sur « Ligeti puis Strauss »

  1. Tu as un problème, décidément, avec les dessus-dessous : tu me le copieras 20 fois. 😉

    Bon, je vais entreprendre une éducation au Ligeti. D’ailleurs, ça repassait ce soir à la CdM, avec un violoniste que je ne connais pas (j’ai séché).

    1. Hein ? où ça, un problème de fond (pas mis d’s) ?

      Éducation au Ligeti… tu vas avoir du mal. Et ce n’est pas Répliques qui me rendra fascinée par cette musique (j’ai peut-être un peu plus apprécié que la dernière fois, mais ça ne m’emballe pas non plus).

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