Azzedine Alaïa au Design Museum

L’exposition dédiée à Azzedine Alaïa présentée au Design Museum est à la fois magnifique et décevante. Le nom même du musée aurait dû me mettre la puce à l’oreille : nous ne sommes pas au musée de la mode, mais du design. Le manque de mise en perspective (un peu léger à 16 £ l’entrée) s’oublie si l’on veut bien apprécier l’exposition comme une installation d’art contemporain.

Hormis une frise chronologique qui rappelle ou apprend quelques collaborations étonnantes (il est le premier couturier à collaborer avec une marque populaire – Tati – et a réalisé des costumes de danse pour Angelin Preljocaj et Carolyn Carlson), aucun panneau lié aux robes, aucune citation, aucune vidéo explicative comme c’était le cas à la merveilleuse exposition Dior où l’on voyait la réalisation de certaines pièces complexes. Mieux vaut également oublier le montage vidéo de défilés transposés sur des fonds kaléidoscopiques : le détourage des mannequins a manifestement été réalisé par un stagiaire, et les bras restent souvent rattachés aux hanches par un losange blanc. Pour tout commentaire, il faut se référer au joli livret fourni avec les tickets. N’ayant pas compris sur le moment que chaque partie était liée à une section de l’exposition, j’en ai remis la lecture à plus tard et me suis consacrée à l’admiration muette.

Les reflets aquatiques projetés au plafond par les panneaux métalliques accentuent encore les silhouettes de sirène…

La scénographie, simple et léchée, met les robes en valeur – et peut-être plus encore, l’idée de ces robes portées, s’il est vrai qu’Azzedine Alaïa voulait que l’on ne remarque pas le vêtement mais la femme qui le porte. Les mannequins en plastique transparent, moulés tout en courbes (jusqu’au genou asymétriquement lâché), donnent corps aux robes, à défaut de mouvement. Ils s’effacent admirablement derrière chaque modèle, découpés à la lanière près. J’ai découvert à la lecture du livret que ces mannequins en plastique, moulés d’après Naomi Campbell, appartenaient au couturier. Ceci explique cela. Le soin apporté à la scénographie, poussé jusqu’à la commande de panneaux à des amis designers d’Alaïa, prolonge le perfectionnisme du couturier… qui a participé à la préparation de cette exposition, juste avant sa mort. Cette collaboration explique probablement en partie le caractère succinct du commentaire : l’artiste a manifestement choisi de s’effacer derrière son œuvre, comme il cherchait à effacer son travail devant les corps ainsi sublimés. Même si les robes sont exposées de manière à ce qu’on puisse les voir de près, et souvent même en faire le tour, on reste en tant que béotien sur sa faim et son ignorance, sans deviner grand-chose du processus de création.

« Black often reduced Alaïa’s complex, painstaking work to a graphic silhouette, disguising the extent of his labour – you had to look closer at a black dress to appreciate its workmanship. »

Restent les robes, évidemment, l’essentiel. Une quarantaine / cinquantaine de robes, quand même, toutes longues (où sont passées les mini-robes hyper sexy ?), certaines enchanteresses. La robe fourreau à zip me plaît toujours autant, mais mon coup de cœur propre à cette exposition, c’est la robe de déesse dresseuse de cobra, où le voile, protégeant du soleil, se termine en col bénitier, et le dos s’ouvre, de manière totalement improbable, au niveau des reins. J’adore.

« He combined his rigorous technical skills with an understanding of how women want to feel. »

In a nutshell : Mermaid. Goddess. Naomi Campbell.
Reine égyptienne dresseuse de cobra.

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