Le temps retrouvé

        Surtout ne chercher aucune logique. J’ai passé ma matinée du samedi à danser. Le début d’après-midi a été consacré à une révision efficace d’un contrôle d’allemand imminent. Puis nonobstant les réjouissances de la semaine à venir, (i.e. 
– un commentaire sur Proust à présenter à la classe –en passant après l’exposé de la madeleine parfaitement réussi, c’est plus drôle
– une khôlle d’histoire –programme cumulatif
– une préparation de commentaire d’anglais sur Shakespeare
– un contrôle de géographie française – mais le camembert a dépassé le Brie de Meaux, donc nous sommes sauvés ), nonobstant cette énumération passant et repassant dans mon esprit pour finir par être aussi emmêlée que les guirlandes électriques de Noël ayant séjourné un an à la cave, je laisse tout en plan pour rejoindre à Paris trois amies prépaïennes, et non pas simplement hypokhâgneuses, puisque contrairement à Clio et Melpomène, Polymnie est chartiste. Cette subtilité ne nous a pas empêché de traîner ensemble un temps infini au milieu des livres ; à apercevoir toutes nos lectures en retard sur les listes de khôlles, à repérer les délices de l’été lointain, à farfouiller dans les bac d’occasion, en parcourant les rangées à arrêter le regard sur les petites étiquettes jaunes, à déplorer le prix des livres neufs, à comparer les éditions et les couvertures, à conseiller tel ou tel bouquins, faire une remarque acerbe ou élogieuse sur tel ou tel autre, à découvrir le concept de la cuisine des séries (un plat par série télévisée… vous prendrez bien un dallas ?) ou au détour d’un présentoir le regard accusateur de Max Weber.
        Un combat cornélien s’engage entre la raison qui vous rappelle avec un cartésianisme implacable que les Illusions perdues et l’Assommoir sont en train de prendre la poussière à votre chevet, et l’envie d’acheter le magasin entier. Je décline chaque ouvrage qu’on m’indique en invoquant le manque de temps. Les assauts répétés des pavés ont raison sur la mienne : avec une petite pierre déculpabilisatrice de Proust, j’emporte ma pierre tombale en la forme d’un modeste ouvrage d’environ huit cents pages. Déformation hypokhâgneuse poussant à chercher des volumes qui tiennent bien en main, encart orange en quatrième de couverture ou titre improbable, peu importe, Les chroniques de l’oiseau à ressort se retrouvent dans mon sac. Mais après une orgie de XVIII et XIX ème, comment ne pas céder à la simplicité de cette première phrase : « J’étais debout dans la cuisine, en train de me faire cuire des spaghettis, et je sifflotais en même temps que la radio le prélude de la Pie voleuse de Rossini, musique on ne peut plus appropriée à la cuisson des pâtes, lorsque cette femme me téléphona. » ?
        Je suis un estomac sur pattes, certes. Mais je ne suis pas seule.  Je vous entends d’ici… Voici une bien meilleure excuse : la fondue au chocolat Häagen-Dazs qui a suivi, pour célèbrer dignement les dix-huit ans de Polymnie (enfin dignement si vous otez la difficulté inhérente à la fondue et au caractère tachant du chocolat). Accompagnée d’un chocolat chaud, tant qu’on y est (la fondue, pas Polymnie, hein). Vous noterez à ma décharge que Melpomène n’a pas ensuite réussi à me corrompre avec les frites de son Mac Do – mais j’avais grande envie de kebab, je le confesse ; il y en a à tous les coins de rues dans le quartier latin ! Nous avons fini par nous échouer devant Notre-Dame. C’est beau, c’est très très beau quand même. Et puis le hamburger post-fondue au chocolat ajoute à la magie de la chose dixit Melpomène. Je dirais plutôt que c’est la petit air hobby que Polymnie a interprété à la flûte. Quoiqu’il en soit, nous nous sommes arrachés à ce trop plein d’esthétique pour aller attraper le RER C. Fin de soirée consumée en lecture dudit livre tentateur. Plus d’approximation sur le nombre de pages restantes pour évaluer le temps de la lecture et organiser le planning des suivantes, mais un grappillage incessant de chapitres. Celui-ci ne fait que dix pages, celui-là  n’est pas bien long – au diable l’histoire et la géographie. Le plaisir de lire retrouvé.

[Ce matin, je me suis mise à mon commentaire de Proust et nom de Dieu pays !  je me suis bien amusée.]

Les éditions GF Flemmardons vous présentent…

      J’ai redécouvert qu’il y avait une vie après les réformes de la Pac, et pas seulement sous le forme du chapitre sur « les mutations du système productif » –français, il va sans dire, pourrait-on ne pas étudier la France, je vous le demande bien. En même temps, entre la France et l’Afrique subsaharienne, où est le moindre mal, je vous le demande (mais pas bien cette fois-ci).
[Le mal absolu reste pour moi incarné par l’Europe rhénane. Chacun ses phobies. Je suis Europe-rhénanophobe. Et arachnophobe aussi – on est commune ou on ne l’est pas].
Donc, revenons à nos moutons – oh, d’ailleurs, il y avait un paragraphe sur la viande bovine, un sur le porc et quelques lignes sur la viande ovine, mais rien sur les moutons ! Mes agneaux ! Si c’est Dieu possible ! Je disais, je disais…

     Allions l’utile à l’agréable, sortons de notre caverne studieuse et allons faire un achat non moins studieux à Gibert.
L’éducation sentimentale et les œuvres de Walter Benjamin, ça vous fera 15 € ma p’tite dame.
– Vous m’en mettrez 500 grammes alors.

Evidemment, loi de la tartine oblige, je n’ai que 14, 70 €. Aller-retour au distributeur de billets – quel nom inadapté ! est-ce qu’il distribue ? Il rechigne et vous tend les billets du bout des lèvres. Retour chez mon bon ami GiLbert. En bonne souris de bibliothèque, je musaraigne musarde dans les rayons. Et me dit que je commence à être vraiment atteinte quand je m’arrête devant l’édition bilingue des Amours d’Ovide – cela dit, la quatrième de couverture était extrêmement bien rédigée, ce qui est, soit dit en passant, extrêmement rare (oui, avec prononciation du chapeau). Pas de tartinage de culture académique périmée, mais une invite badine et curieuse où l’on vous fait résonner Mozart et Fragonard. Je muse-art- devant les rayons, et frustrant est de constater la quantité de livres que je ne pourrai pas lire avant…* bruit de la calculette pourtant sous copyright chez Miss Me*  avant deux ans !

     La prochaine fois, j’essayerai de ne pas rebondir sur chaque mot que j’écris et de ne pas partir sur une nouvelle idée avant d’avoir commencé à exposer la précédente… mais peut-être n’y arriverai-je pas. 

Ce n’est pas pour rien qu’on habite Versailles.

     L’année dernière on avait déjà eu La Bruyère et sa Cour.

Cette semaine, je vous propose :

         en philo : « Peut-on ne croire en rien ? » ou comment par ces quelques mots « Et le cynique ? Et le libertin ? » une khôlle peut devenir une colle.

         en histoire : « La religion catholique dans la société et les débats politiques français de 1870 à 1914 »

 Et Dieu dans tout ça ?

Bon courage !

          Le premier janvier, outre un comatage général et un abus de sms tous plus originaux les uns que les autres, se marque par un ensemble de déclarations quelque peu surréalistes auxquelles il convient de ne pas croire soi-même. Elles énoncent une quête vers un idéal incertain, d’autant plus incertain que l’année commence généralement par une exception, minuit ayant la mauvaise idée de faire basculer 2006 dans 2007 en pleine fête. Encore une dernière clope / un dernier gâteau / une dernière bière australienne (personne n’est visé, mais tu peux toujours réagir^^)…
          Les bonnes résolutions sont tout sauf des résolutions. La seule résolution vraiment bonne serait de décider de tenir ce qu’on appelle communément ses bonnes résolutions. On les tient comme on peut : en laisse, mais plus souvent à distance.

          Je passe sur les bonnes résolutions classiques  [telles que : arrêter de boire / fumer / grignoter ; faire du sport et travailler. Sain idéal de vie.] pour m’arrêter sur celles de l’hypokhâgneux.
Chaque semaine  [chaque semaine, hein, chaque jour est inimaginable même pour un auteur de science-fiction], je vais à coup sûr et dans la plus grande joie non dissimulée :

         Recopier trois pages d’un grand classique dans un carnet qui deviendra ma bible de chevet (parce que la bible de bureau, c’est le Gaffiot) afin d’améliorer mon style et par la même occasion ma culture littéraire. Au bout d’une centaine d’extraits, les effets commencent à se sentir. Dixit le tueur d’ange. Sic ! –> sick.

         Apprendre trois (oui, on fait dans la Sainte Trinité) pages des Mots latins pour pouvoir comme le vates lyricus pouvoir jeter ses lumières à 7h du soir un lundi en S 309 en déclarant que, bien évidemment, aper, aperi, n , c’est un sanglier. Et accessoirement emprunter un peu de vocabulaire à Shakespeare et Goethe.

         Apprendre mes leçons au fur et à mesure. Là pour le coup, j’aurais aimé pouvoir continuer la Trinité, moins nombreuse.

         Lire un roman. Misérables : mot compte triple.

         Lire un ouvrage critique. Les lectures à haute voix de morceaux choisis au CDI n’ont pu qu’aiguiser ma curiosité pour les Figures de G. Genet.

         Aller au cinéma, puisqu’il faut garder une vie. Charmante accroche de la prof de latin à une semaine du concours blanc et qui a bien failli la faire lapider à coup de gaffiots de poche.

         Me tenir au courant de l’actualité. Autre que l’actualité de la danse ou celle d’il y a cinquante ans.

         Ne pas oublier de dormir. Et racheter du mascara pour rehausser l’anticerne.

Je soussignée, mimylasouris, m’engage à tenir ces bonnes résolutions à la condition express que l’on m’octroie un retourneur de temps.

        Au milieu des années, de la santé, du bonheur des saoulards, je nous souhaite donc bon courage, ainsi qu’une pensée émue pour les étudiants en fac qui doivent réviser leurs partiels pendant les vacances *plaisir sadique de l’hypokhâgneux qui a passé son concours blanc avant les vacances*

Appelez-moi Rouletabille

There are some days, you tell yourself it’s good, there’s gonna be other days.Different other days.

      C’est officiel, je hais non cordialement les marches du lycée. Le contentieux est particulièrement fort avec celles de la cantine, que je considérais pourtant jusqu’à présent avec une relative clémence au regard de leur position antérieure à celles du bâtiment scientifique qui m’achèvent chaque jour.
      Alors que je descendais ces fameuses marches, je n’ai même pas glissé mais je me suis retrouvée à faire un roulé-boulé sur les marches, un peu comme les gamelles effet boule de neige au ski. Surtout que dans ces cas là, on se voit tomber. On voit la marche qui se rapproche au ralenti, comme dans les films –sauf qu’en général c’est pour une cascade héroïque ou un baiser, ce qui est autrement plus attractif. On a le temps de se dire Oh non, non, je veux pme casser la gueule. Surtout qu’en tombant en avant, tu ne retombes pas sur ton postérieur. (Douée en anatomie, je sais.) D’ailleurs fait étrange, j’aurais du tomber sur l’arrière-train, vu que le sac à dos aurait du jouer en corrélation avec la pesanteur. M’en fous, après-demain, je ramène mon Gaffiot. Un peu d’ordre dans ce monde de brutalité *chuis une vraie adepte de Lindt oui. Leur chocolat pâtissier est autrement meilleur que le Nestlé* Résultat des courses du riz au lait au chocolat : un avant-bras éraflé malgré la couche de protection pull-manteau <presque aussi poétique qu’une couche de sédiment de géologie africaine, non ?> et une bosse qui selon le point de vue apparaît soit comme un deuxième genou, soit comme une ébauche de mollet de l’autre côté de l’axe du tibia.
       Heureusement, voyons le point positif de la chose, ce n’était pas une heure d’affluence, donc pas de regard moqueur pour cette cascade de haut bas vol – <dash power !> juste un visage effaré. Et d’avoir la tremblote jusqu’à poser mon séant sur une chaise de la cantine. Réjouissons-nous, les carottes rendent aimables, peut-être un jour arrêterai-je de ma plaindre. Ou peut-être pas.

 

[Les jours se suivent mais ne se ressemblent pas.]
[Encore heureux.]