De chaque instant

De chaque instant, documentaire de Nicolas Philibert consacré aux infirmiers et infirmières en formation, comporte trois volets qui suivent le cursus des apprentis.

Cours et travaux pratiques

La caméra nous introduit comme auditeurs libres. On picore quelques règles, quelques connaissances, d’une salle à l’autre, comment se laver les mains avant de donner des soins (j’ai eu très envie de couper le robinet), enlever une bulle dans une seringue, tendre la peau pour piquer,  prendre la tension, déplacer une personne plus grande que soi au bord d’un lit pour la soulever et l’asseoir dans un fauteuil roulant…

Je ne l’aurais pas imaginé, mais j’ai plaisir à picorer ces connaissances sans soucis de rien retenir, comme ça, pour la curiosité – des aperçus sur le mode le saviez-vous ? Et l’on découvre ainsi les apprentis, d’un large éventail d’âges et d’origines, leur visage, leur humour (mise en situation d’accouchement avec un homme ; blague sur le faux papa noir qui tient un poupon blanc ; « je suis désolée, vous n’avez pas de coeur » en n’entendant rien dans le stéthoscope…). J’ai un sourire à chaque fois que je vois reparaître deux étudiantes hyper choupies qui assistent à toutes les démonstrations en se tenant l’une à l’autre.

Stage en milieu hospitalier

Après les mannequins en plastiques, les patients de chair et d’humeur variable. Pas évident de se confronter aux corps malades sous l’oeil de ceux qui les incarnent. Certains sont plein de bienveillance pour les apprentis, d’autres ont l’exaspération qui arrive vite (et dans la douleur d’une piqûre ratée, cela se comprend facilement). Pédiatrie, cancérologie, psychiatrie… les stages sont variés, les exigences aussi.

Debrief de stage avec un responsable pédagogique

C’est peut-être là le plus intéressant. Les formateurs reçoivent les étudiants individuellement pour faire le point sur leur parcours, voir ce qui leur conviendrait pour la suite, et les faire parler de ce qu’il ont vécu : des progrès dont ils peuvent être fiers, des lacunes qu’ils ont identifiées, et surtout, surtout, des émotions ressenties ou refoulées, que cela relève de la prise en charge de patients en fin de vie ou de problèmes de management. Dans ces derniers cas, il est souvent difficile de distinguer ce qui pourrait s’apparenter à du harcèlement, de la sensibilité blessée de jeunes apprentis sous pression. On touche là à un paradoxe semble-t-il essentiel à la profession : il faut se soucier des autres pour vouloir faire ce métier, mais la sensibilité qui motive leur choix professionnel les expose à prendre de plein fouet la dureté du milieu (dureté inhérente à la tâche, renforcée par les coupes budgétaires qui font fonctionner pas mal d’hôpitaux en sous-effectifs). Se blinder semble difficile, et même peu souhaitable : il faut apprendre à faire avec les émotions, et non tenter de les supprimer. Leur vulnérabilité est aussi leur force, qui feront d’eux de bons soignants, doués de compétences techniques, certes, mais humains avant tout.

J’ai repensé aux exclamations d’admiration de Mum pour les infirmières lors de son séjour à Marie Curie. C’est peut-être un chirurgien qui vous sauve la vie sur la table d’opération, mais votre gratitude va aux personnes qui vous accompagnent et vous soulagent dans l’épreuve – qui font preuve d’empathie, a contrario de pas mal de médecins qui vous assènent leurs conclusions sans prendre de gants. Sans surprise, le réalisateur a tourné ce documentaire après être lui-même passé comme patient entre les mains d’infirmiers et d’infirmières… Il leur rend là un bel hommage.

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