Février 2024, journal

Début à mi-février

Février, ça a avant tout été un tutorat riche en apprentissage et en émotions. J’ai tout raconté ici.

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Jeudi 1er février

2003 était bien il y a vingt ans : mon examen de conservatoire de cette année-là est sur cassette VHS, l’année suivante encore aussi. Je retrouve les gestes, les bruits oubliés, de pousser la cassette dans le magnétoscope et tâtonner à coup d’avance et retour plus ou moins rapides pour retrouver mon entrée. C’est ma première année en supérieur et seconde année de pointes — un peu catastrophique pour la première et pas si mal pour la seconde. Surtout si je compare avec la vidéo de l’année précédente : je n’en avais pas du tout conscience à l’époque, mais le gap technique est énorme entre la variation aboutie du supérieur (aujourd’hui 3e cycle) et ce travail propret bien posé sur la musique de fin de cycle élémentaire (aujourd’hui 2e cycle). Papageno apprend à faire des poinpointes ; la première phrase musicale et chorégraphique est restée gravée dans ma mémoire depuis vingt ans. Il y a des drôleries dans ma maladresse. Je n’avais pas encore bien compris le concept d’en-dehors à l’époque, et je ne sais pas si je suis plus surprise par mes jolies quatrième dans les pas de bourrée ou par mes pieds résolument en serpette dans les attitudes. Je ris franchement en découvrant mes double pirouettes en-dehors : les coudes ne sont pas le moins du monde arrondis, mes bras tendus comme s’ils tenaient une rambarde de sécurité sur les montagnes russes, au secours, ça touuuuurne. Tout est de traviole, mais survendu avec le smile, c’est féérique. Je repense à ce qu’a suggéré le boyfriend sur ma « construction », ne m’oubliez pas, regarde-moi papa, regardez-moi tous, la présence scénique comme la qualité d’un défaut de.

Lignes allongées ou pied en serpette, tout est dans le timing de la capture…

La vision ne colle pas à mes souvenirs et ressentis, mais l’époque non plus, qui semble avoir coagulé en une période déjà datée : les justaucorps en velours moiré ne se font plus du tout, ni en velours tout court, d’ailleurs ; les jupettes sont taillées beaucoup plus longues (ou courtes) qu’aujourd’hui ; la musique d’Amélie Poulain, dont les accents nostalgiques étaient bien récents alors, fait désormais partie des ritournelles trop entendues par le passé ; et ne parlons pas des académiques en lycra brillants tout droits hérités de la période Maurice Béjart, musique de Messe pour le temps présent ou Boulez-style à l’appui.

Je retrouve des signatures gestuelles bien connues, des visages dont je me souviens et d’autres plus du tout. Qui donc est cette Bénédicte ? ai-je vraiment passé un an avec elle ? Je crois m’en souvenir, peut-être, recrée bien plus sûrement un souvenir. Julie, en revanche, je l’avais oubliée mais je m’en souviens, l’autre grande, des rubans dans les cheveux. Et ce détail me revient de nulle part : elle avait 38° de fièvre le jour de l’examen. La vidéo ne comporte pas tous les niveaux, mais à l’annonce des résultats, mon amie V. trottine pour venir saluer, fillette qui flotte dans son justaucorps, aujourd’hui danseuse pro et maman.

Dans la même journée, je regarde des cours du prix de Lausanne. Deux salles, deux ambiances. Les concurrentes semblent appartenir à une autre espèce animale tant leurs corps sont modelés pour et par la danse —  des avions de chasse, je pense spontanément dans une perspective compétitive / guerrière / technologique, oubliant complètement la dimension sexuelle de l’expression.

Séance de découpage-collage avec les vieux Échos de Mum
Usine au bord de l'eau, avec une gerbe de roses en guise de ciel, et deux silhouettes qui s'étreignent, avec une auréole-champignon derrière la tête.
Collage non collé

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Vendredi 2 février

Palak paneer, biryani, naan peshwari et discussion feutrée avec L.

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Samedi 3 février 

Le boyfriend m’accueille tablette allumée, prêt à reprendre depuis le début le prix de Lausanne que j’ai tenté de regarder sur le trajet, sans le son, l’image tantôt freezée tantôt pixellisée. Si ce n’est pas de l’amour, ça.  La semaine précédente, dans la même configuration, il regardait des combats de sumo — deux extrêmes de corpulences.

Quelle idée d’avoir accepté une soirée jeux ? Je songe battre en retraite, la fatigue poussant à la lâcheté, mais je n’en fais rien et je fais bien : nous mangeons et discutons tant et si bien que nous en oublions de jouer. Les boîtes restent sur la table haute, nous autour de la basse. Je pille le bol de pois chiches croustillants et il est question de spectacles lyriques pour la jeunesse, de cours de dessin et de praliné — la merveille de Yann Couvreur ne vole pas son nom.

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Lundi 5 février

Déjeuner-retrouvailles avec trois anciennes du conservatoire que je n’avais pas vues depuis une bonne dizaine d’années, ainsi que notre professeure, retraitée depuis un bout de temps déjà, et le pianiste, qui accompagne toujours les cours, désormais dans de nouveaux locaux. Toutes trois sont devenues professeure de danse (et mère), avec un éventail parfait des statuts sous lesquels on peut exercer : l’une enseigne en  conservatoire, une autre dans une association et la troisième a monté son école privée. Cela me fait plaisir de les retrouver, mais au cours du déjeuner, j’ai la désagréable sensation de redevenir la petite dernière qui se tient coite (elles étaient de quelques années mes aînées, les « grandes » que j’ai rejoint en supérieur). Quelques jugements implicites me gênent, pétris de moraline versaillaise — elles n’y peuvent mais, c’est leur monde, leur éducation, mais cela me heurte davantage avec le temps. La pizza était très bien, je ne prendrai juste pas de dessert.

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Jeudi 9 février

Déjeuner avec L. chez elle. On discute de tout, de rien, de cacio e pepe, de lectures, un peu, de vieux souvenirs de prépa, pas mal, comme si de rien n’était, comme si on n’avait pas chacune apporté une partie du repas sous plastique et carton, comme si l’hôpital était une réalité parallèle, car c’en est une : en même temps que nous parlons, quelqu’un occupe un lit là-bas, et en même temps qu’il occupe un lit là-bas, nous nous occupons ici et nous prenons du plaisir à causer ; l’un et l’autre sont aussi réels, et c’est peut-être ça le plus irréel.

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Vendredi 10 février

S’il y a bien une chose stupéfiante que j’ai apprise sur moi-même pendant ce tutorat, c’est que je suis capable de ne pas manger pendant sept (7) heures d’affilée, ce qui relève normalement de la science-fiction hors période de sommeil.

Qu’on se rassure néanmoins, le soir même, j’étais redevenue une harpie affamée, et j’ai bien cru qu’avec le boyfriend nous allions nous engueuler, je suis chiante parfois, sous les jolis dragons chinois au corps-guirlande de papier. J’ai noyé ma vergogne dans le tofu sauté et caramélisé au gingembre — du gingembre vietnamien qui avait le même goût que l’infusion dans les montagnes de Sapa !

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Dimanche 11 février

Les stories défilent, mais pouce, je connais cet endroit du fin fond du monde, incrédule qu’il existe dans l’instant pour d’autres que moi : ce sont les îles Lofoten, je reconnais les lieux, les rorbu, la plage de Ramstand, méconnaissable pourtant en nuit et blanc. Et vert boréal. Je regarde les lumières irréelles de ce lieu irréel, les rasades de neige à même le sol comme du sable, qui disent que, peut-être, on n’aimerait pas tant y être, au fond, l’intensité du froid contre celle de la beauté. Les jours suivants, je prends garde à ne manquer aucune story de @la_petite_photographe, pour découvrir une autre saison ce lieu de vacances passées.

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Mardi 13 février

Sur la route pour aller chez ma grand-mère, un panneau lumineux affiche en alternance 55 et 🙁
les 5 km/h au-dessus de la limitation de vitesse me font sourire tristement
j’ai reçu un autre smiley triste le matin même
par texto
un smiley autrement triste
de quand on n’a plus les mots
ni les smileys donc, jaunes et joyeusement dramaqueen
🙁

Nous dînons indien avec ma grand-mère, toujours prolixe lorsque lui est temporairement rendu le public permanent (quoique distrait) que la mort de mon grand-père lui a ôté. Elle nous raconte des souvenirs de dans le temps, j’aime bien, découvrir une époque beaucoup moins ressassée que les broutilles d’aujourd’hui. Il n’y avait pas de frigo dans le temps, c’est vrai ça, et ce souvenir seul ou presque surnage de la conversation comme les œufs que la grand-mère (mon arrière-arrière-grand-mère, donc) conservait dans un liquide brun, elle ne sait pas ce que c’était, une sorte de saumure probablement.

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Jeudi 15 février

Le vrombissement est incessant, couvre largement mon acouphène et entame ma résistance nerveuse. On ne sait pas d’où ça vient avec le boyfriend, de tuyaux probablement, un compteur peut-être ; je trouve en voulant fuir et lire dans le jardin : au sous-sol la chaudière est restée allumée alors que tout l’immeuble est passé à l’électrique et qu’il n’y a plus de fioul depuis des mois.

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Vendredi 16 février

Pour fuir les vibrations infernales de la chaudière, je pars faire la connaissance de la médiathèque de Montrouge. La partie littérature générale est tristounette, vibre elle aussi sous les néons et aérations — c’est une malédiction—, mais je migre vers les bande-dessinées et en lis une entière, assise là, feuilletant les pages à ma main droite en me demandant si j’aurai le temps de finir avant la fermeture ou s’il me faudra revenir demain. Je veux savoir, comment ça se passe pour l’héroïne de Coming in une fois qu’enfin elle se fait son coming out à elle-même, comment elle guérit de ce qu’elle s’est infligé en se maintenant de force dans l’hétérosexualité — et qui elle va embrasser aussi, évidemment, il faut conclure.

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Samedi 17 février

Anatomie d’une chute me laisse sur ma faim par rapport aux précédents films où jouait Sandra Hüller ; je regrette d’y avoir entraîné le boyfriend, qui n’y va presque jamais et a payé sa place plein pot. Le Kodawari ramen d’Odéon ne propose plus son option végétarienne sans champignon et le serveur ne ramènera jamais le dessert que j’ai commandé pour accompagner le boyfriend. Quant à la glace de substitution, je la finis plantée debout, sur place, avant de rentrer dans la bouchée de métro. Rien n’est vraiment réussi et pourtant, je passe une excellente après-midi, ravie qu’on sorte et fasse des trucs ensemble.

Je sautille dans les rayons de soleil enfin retrouvés entre le métro et le ciné, que, seule, c’est vrai, j’aurais reculé à la séance suivante. Le boyfriend me laisse coloniser son fauteuil rouge au cinéma (depuis quand n’avais-je pas été dans un MK2, accompagnée ?), son épaule sous ma tête, son torse sous ma main, son parfum tout autour de moi. On s’esbaudit de la lumière sur Paris pendant que mon téléphone continue de faire la queue pour le restaurant. É. m’offre la moitié de son œuf tamago (je dis œuf œuf si je veux) et j’en viens à espérer que le serveur oublie définitivement mon dessert pour aller prendre une glace chez Grom à la place. Ce sera pistacchio con crema di pistacchio ; ce n’est pas du tout redondant, c’est une tuerie.

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Dimanche 18 février 

Dans la vitre du TGV passe un relief impossible à qualifier de colline boisée : un terril où les arbres sont plantés comme, sur un dessin d’enfant, les épines maladroites d’un hérisson sur un demi-cercle qui, avant cette attaque, aurait tout aussi bien pu représenter la carapace d’une tortue.

À mon retour, de l’eau s’étend sous le frigo dégivré et débranché depuis un mois. Ce suspect écarté, le coupable ne peut qu’être le ballon d’eau chaude derrière le coffrage. Joie, mail, proprio.

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Mardi 20 février

Journée de cours de 9h à 20h.

Personne n’a envie de revenir en cours après le tutorat. La perspective de l’examen, qu’on avait gardée au loin, floue, en vision périphérique, nous attaque comme un aigle en fovéale. Ça irrite l’œil et dès la première heure de l’eau coule chez une, deux, trois, quatre personnes. Jpp de moi.

Après avoir déclenché des niveaux de stress disproportionnés, la mise en situation se passe… bien ? Je donne mon premier cours au format examen, barre asymétrique et milieu complet en 50 minutes. La formatrice a tiqué en recevant mon thème de cours : les épaulements, ce n’est pas très malin quand on se remet d’une hernie discale. « Mais ça correspond bien à ta manière de danser », reconnaît-elle. J’ai de la chance, le pianiste ce soir-là est génial et la moitié des élèves doit partir plus tôt pour aller voir un spectacle ; sauvée par le gong, me voilà dispensée de mener cet atelier que je ne sentais pas du tout.

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Jeudi 22 février

Le cours interne est donné par J. aujourd’hui, la J. dont je vous parlais le mois dernier, à qui la maitresse de ballet demandait pourquoi elle n’auditionnait pas. Structurés autour de la notion de poids, ses exercices sont surtout plein d’élans et c’est très très plaisant dans le corps. Telle suspension en retiré à la cheville qui devient une respiration vers la gauche avant un pas de bourrée vers la droite : tout à fait le genre de chose qui me fait léviter à quelques centimètres du sol pour reprendre de mémoire une citation de Jiří Kylián. Cela fait longtemps que je n’avais pas dansé, en-deça au-delà du mouvement chorégraphié. Je ne m’étais pas non plus lancée à fond dans les sauts depuis le printemps dernier : j’ai l’impression de voler dans de bêtes changements de pieds ; j’avais oublié que la sensation pouvait être grisante.

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Vendredi 23 février

La prof donne les exercices à tout berzingue, la démonstration entrecoupée de pas marqués, voire simplement nommés. Je n’ai pas encore saisi la structure de l’exercice que déjà elle s’interrompt pour donner des indications sur la qualité du mouvement. Mon incapacité à mémoriser me mène à la lisière des larmes et plus je me concentre pour ne pas pleurer, moins je parviens à mémoriser quoi que ce soit. La prof râle : on fait ce dont on a l’habitude au lieu de ce qu’elle nous demande. Le trajet du bras. Son relâché à tel moment. Telle qualité du pas. Meuf, si je chope ce que font les jambes, je m’estime déjà heureuse. Au milieu, je me place en cinquième par habitude docile, mais au bout de deux dégagés, c’est moi qui me dégage sur le côté. L’adage m’apaise un peu : c’est assez lent pour que je puisse copier et retrouver un semblant de sensation. Trop de colère rentrée néanmoins, j’en ressors une partie en donnant beaucoup trop de force pour les tours ; c’est nul, mais ça défoule. Aux sauts, je déclare forfait, couverte par ma ceinture lombaire, et ne me remettrai pas en selle pour les pointes parce que je n’ai pas mis la bonne paire dans mon sac. Sans le cours de la veille, je me demanderais si j’aime encore danser.

Le moral dans les chaussons-troués-qui-puent-la-mort, je me résous à rester improductive et maussade sur le temps de TP, quand la directrice vient, d’une proposition dont je ne sais pas encore si elle aboutira, me témoigner une marque de confiance qui me touche et me redonne un peu d’aplomb.

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Samedi 24 février

Les regards énamourés des deux ados de Heartstopper, c’est tout à fait ce qu’il fallait à mon petit cœur en ce samedi après-midi.

Photo d’écran réalisée pour bitcher sur le titre de la station, sans e dans l’o.

Dans le jardin, les feuilles naissent vertes et minuscules sur les lianes du saule pleureur : sans lunettes et même avec, de loin, on dirait de la mousse.

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Dimanche 25 février

Au parc Barbieux, un géant centenaire a été abattu par le p’tit Louis (et un champignon). Mes semelles se couvrent de boue tandis que je fais le tour du ruban de signalisation. Je suis vaguement soulagée qu’il ne s’agisse pas d’un de mes arbres préférés. Il paraît encore plus grand allongé, les écorces se parcourent de gauche à droite comme des lignes qui n’en finissent plus, se perdent à la fin dans un tas de branches qui tient plus du feu que de la cime. La circonférence des racines mêlées de terre est plus grande que moi, et ce ne sont pas des racines comme on les dessine fines sur les dessins d’enfant ; ce sont des branches souterraines robustes — du moins qui l’étaient avant d’être rongées par le parasite. Dans la chute, d’immenses échardes ont surgi des embranchements et un bois orange vif saille à ces articulations ; un écorché, vraiment. Ici, là, un petit oiseau sautille, picore.

La prochaine fois que je propose à M. de venir manger des gyozas, il faudra penser à lui interdire de m’offrir du thé : c’est encore un Palais des thés beaucoup trop beau pour un repas surgelé, cette fois-ci parfumé à la fraise. On parle des derniers temps, de douleurs aussi, physiques et symboliques. C’est bon signe, pourtant, quand on guette l’heure des métros pour étirer la soirée, malgré notre calme un peu fatigué.

Ensuite, je retrouve le boyfriend en visio après deux jours sans son visage sur mon écran pour cause de week-end amical. Cela me semblait bien peu en amont ; il m’avait manqué en aval.

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Lundi 26 février

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Mardi 27 février

Ma main suit le trajet de l’écorce sur une branche devenue second tronc, massif et noueux comme les jambes du boyfriend, je dois être bizarre de penser ça. L’écorce est plus douce que j’aurais pensé. Surtout, je peux somnoler debout contre le coude de l’arbre au soleil, ignorant le siège créé par la souche d’un second second tronc, quel arbre bizarre lui aussi. Je tente de compter les années, mais passés 40 ans, les traces de scie brouillent tout sur la voie sans graffiti que j’avais empruntée.

J’aère mon anxiété au Parc Barbieux et elle finit par se dissoudre au soleil sur un banc. Un canard à tête blanche émet des bruits de klaxon plaintifs. Des bottines trop citadines pour le lieu sont en quête de data. Debout devant mon banc, on ne peut pas dire que je danse : j’expédie l’adaptation de cours dont je me faisais tout un plat. Tout au bout du parc, dans un téléphone tenu conjointement par un homme âgée et une femme qui pourrait être sa fille, une voix est installée sur un siège et lit quelque chose de tout à fait distrayant — je me demande si elle à l’hôpital ou dans sa véranda. Partout, le printemps est sur les starting blocks, les bourgeons des magnolias sont gonflés à bloc, les saules hérissés de chatons, quelques arbres déjà en fleurs. Je me laisse ébouriffer les cheveux par quelques lianes basses d’un saule, et me rends compte que j’aime les arbres qui dansent en hiver : dont les branches sont suffisamment souples pour que, même nu, l’arbre frémisse dans le vent.

Souris grise sur le goudron gris

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Les aubergines chinoises ressemblent à des anguilles. Il faut encore que je trouve une recette qui leur rende justice, mais je pense que c’est bien ce qu’on avait mangé à La Mer de Chine dans le XIIIe (si vous avez l’occasion, allez-y : le restaurant est moche et le service pas terrible, mais alors ces aubergines… divines).

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Jeudi 29 février

Ma perception émotionnelle rejoint peu à peu la réalité qui n’avait pas bougé — retour à une certaine normalité.

Mes muscles tétanisent vite au cours de posture, mais je veux croire que c’est parce que je comprends mieux comment les engager, pas uniquement parce que les reprises reprennent un peu moins à chaque fois. Une nouvelle sensation s’est installée, une poussée derrière lehaut des cuisses, comme un rouage qui permet de combiner la rotation des cuisses et l’avancée du pubis, et installe la posture pour tous les sauts et relevés. Je suis contente de croiser des visages, d’observer certains mécanismes se chercher ou se mettre en place sur d’autres corps.

Personne chez le glacier. Mon enthousiasme conduit la serveuse amusée à ne pas lésiner sur les quantités. Elle creuse carrément un petit puits dans la glace à la pistache, comme si c’était de la purée Mousseline, pour y verser un beau supplément pâte à tartiner, elle aussi à la pistache. Ce n’est pas aussi divin que chez Grom, mais c’est quand même très réjouissant, surtout par un temps gris comme aujourd’hui (les gens semblent ne pas savoir que les glaces fondent moins vite et se dégustent plus longtemps quand il fait gris).

Une partie de l’après-midi est consumée à refaire mon CV : l’exercice devient difficile dans le cadre d’une reconversion professionnelle, où tout un pan d’expérience, censément le plus important, devient obsolète. La reprise des études crée un paradoxe temporel dans la présentation antéchronologique : faut-il les mettre avec les premières ? faire un fourre-tout de son ancienne vie ? Je noie le poisson en plusieurs colonnes.

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