Rameau renverse la tragédie de Phèdre en un drame qui tourne autour du fils de Thésée et de son amour pour Aricie, avec un large détour par les Enfers, où Thésée est descendu à la recherche de Pirithoüs. En somme, Phèdre n’est plus là que comme élément perturbateur.
Les vrais ressorts de l’intrigue, ce sont les dieux que l’on invoque toutes les vingt minutes comme si c’était le room service de ce bas monde, et qui s’opposent façon cartes Pokémon : Diane règne sur la forêt, Neptune sur la mer, Pluton sous terre et Amour, sur les coeurs. Avec en joker le destin, qui surveille la cour de récréation divine et empêche d’accorder les souhaits à tort et à travers. Il n’y a pas vraiment de qualification particulière pour devenir dieu, pourvu qu’on n’ait pas le vertige, car ils descendent toujours du ciel en nacelle – plein de machineries pour plein de manigances. Et pour devenir un fidèle serviteur de Diane (chasseresse, mais en robe lourdement drapée), il suffira d’avoir un coeur inaccessible aux traits de l’Amour (affublé d’une cuirasse à bedon). J’aurais bien rajouté une épreuve de maintien, car on décèle dans l’attitude empruntée de ces messieurs en jupette le perplexité qu’ont dû éprouver les courtisans mis au pas (de danse) par Louis XIV. Sans surprise, cela va beaucoup mieux aux danseurs baroques, ainsi qu’à Tisiphone chez qui elle prend l’allure d’une toile d’araignée, assortie aux fils auxquels sont suspendues les Parques chauve-souris (je n’en ai malheureusement trouvé aucune photo).
Je suis contente d’être au premier rang. Outre que la simulation d’un éclairage de rampe doit parfois fatiguer les yeux distants, on a en prime le droit au spectacle de la fosse, avec, dans le rôle du lion, la chef d’orchestre, dont la crinière rousse et bouclée (disciplinée en un chignon après l’entracte) n’est pas l’attribut le plus exubérant. Ses mimiques sont d’une folle inventivité ; esquive, feinte, ruse, courroux (surtout lors des changements bruyants de décot), exaltation allant jusqu’au chant et plaisir plus tranquille lorsqu’elle observe les chanteurs accompagnés par trois cordes en roue libre. Les musiciens sont à fond, même les flûtistes tout au fond, qui ne jouent pas en continu. J’observe d’ailleurs l’un d’eux se transformer en cornemuseur après s’être aranaché avec un soufflet pour remplir l’instrument-poumon que je voyais en vrai pour la première fois. Il y a aussi sur scène de quoi se repaître les yeux, même lors des scènes statique, grâce à certain(e)s disciples de Diane diaphanes (le teint blanc aidant, on voit apparaîre la figure androgyne du jeune homme aux traits féminins). Cela aide à tenir éveillé quand les semaines passées ont été épuisantes, la soirée précédée d’une bonne heure de musique a cappella et qu’on finit par confondre son coccyx et ses fesses, pour avoir secoué sa torpeur dans toutes les positions.
Une fois le rideau baissé, des applaudissements éclatent, bientôt doublés par un choeur de voix : ça, c’est un chant d’anniversaire ! Très lyrique, il déclenche une dernière salve d’applaudissements dans le public.
Vous pouvez aller lire la chronique de Joël, plus rapide que son ombre, et Fomalhaut, qui a dégainé l’appareil photo.
Oh ! Rameau ! J’aime ^^
J’aimerais beaucoup un jour voir un spectacle comme ça…
J’étais dans Phèdre il y a peu, je n’ai jamais eu l’occasion de voir Hippolyte et Aricie , je crois que c’est un spectacle qui me plairait !