Lire deux romans du même auteur d’affilée ou presque, c’est prolonger le plaisir de l’immersion dans son univers, mais aussi prendre le risque de voir les mécanismes stylistiques empiéter sur la narration. Le comique de répétition s’enraye dans la production de périphrases homériques héroï-comiques (la directrice de l’école à la jupe immense parsemée de diverses fleurs des champs, le secrétaire général du comité central du Parti communiste bulgare et président du conseil de l’État de la République populaire de Bulgarie, le camarade Todor Jivkov ou encore le chien de l’héroïne, l’indestructible bâtard Joki) et autres figures de style voyantes (c’est le moment de caser « épanorthose »).
C’est un peu dommage, parce que la même ironie appliquée uniformément à un sujet léger et un grave fonctionne aussi bien dans Les cosmonautes ne font que passer que dans Odyssée des filles de l’Est : elle est tendre lorsqu’il s’agit des plans échafaudés par une enfant qui deviendra cosmonaute comme Iouri Gagarine, c’est sûr ; et cinglante quand elle s’attaque aux dégâts de la dictature communiste bulgare. Le chaos qui suit la chute du mur de Berlin épouse à merveille l’adolescence de l’enfant qui a troqué son héros cosmonaute contre Kurt Cobain, et perd ses repères entre les vrais communistes, les fausses Nike et les amitiés éternelles fluctuantes. Au final, ce premier roman est un peu comme la musique aux basses saturées : ça envoie, mais ça fatigue à la longue / ça fatigue, mais ça envoie du lourd.