La Chauve-Souris de Laurent Pelly

Pas de chroniquette en bonne et due forme pour cette Chauve-Souris vue début juin à l’Opéra de Lille, seulement quelques notes comme des paillettes tapies dans les rainures du parquet après une fête. Que la joie laisse des traces.

Laurent Pelly, rien que son nom me réjouit depuis Platée. Alors assister à la générale de La Chauve-Souris en français dans le texte ? Oh que oui. Et la scénographie de Chantal Thomas, oh la la. Le décor emporte immédiatement mon attention, c’est épidermique, ces murs aux teintes vibrantes comme les façades vieillies des immeubles italiens, ça me chatoie le cœur. Ils sont de guingois, comme dans l’illusion d’optique de la chambre d’Ame où deux personnes de taille similaire semblent naine et géante selon le côté de la pièce où elles se trouvent. Et les murs s’écartent, suspendus dans le vide, à mesure que vole en éclat la mascarade bourgeoise dans cette unique pièce comme tendue de velours théâtral.

Les murs de la pièce qui flottent en s'écartant
Toutes les photos sont de Simon Gosselin

J’aime aussi beaucoup la structure de toile qu’on dirait dessinée par Catherine Meurisse — c’est la même gouaille joyeuse quand tous les invités apparaissent compressés dans ce cube au second acte, puis quand ils le font rouler vers les coulisses comme si c’était une cabane ou une piscine gonflable.

Badinage masqué de part et d'autre d'une structure en toile dessinée façon intérieur bourgeois

L'assemblée de la fête pousse la structure en toile vers la coulisse.

Les gribouillis en toile de fond au seconde acte me plaisent moins… jusqu’à ce que le livret et les lumières les transforment en feux d’artifice. Ça bouillonne d’ingéniosité !

La direction d’acteur des chanteurs est folle. Caroline (Camille Schnoor) se tortille de désir dans sa jupe-tailleur comme si elle avait envie de faire pipi. Le mari Gaillardin (Guillaume Andrieux) semble avoir des balles de ping-pong à la place des yeux à force de les tenir exorbités. Alfred, l’amant (Julien Daran) est trop à mon goût pour que je me prononce sur son jeu, mais celui d’Adèle, la femme de chambre (Marie-Eve Munger) est crousti-punchy, un régal (en robe rose sur la photo ci-dessous).

Et la musique, pardi ? Un moment, je me demande si j’apprécie vraiment ou si je me suis simplement glissée dans des codes d’appréciation culturels que j’avais un peu oubliés. Puis tout le monde sur scène se lance dans une chenille en entonnant une chanson à boire : au diable les questionnements, vive le champagne !

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