Le poids du luxe

Etre classe… pour les marques de luxe, il semblerait qu’il s’agit de ne pas l’avoir, mais d’avoir leurs produits à eux. Vous n’êtes plus classe grâce à ce tailleur Chanel que vous portiez divinement, mais grâce à ce sac Dior où les CDs sont plus nombreux que les disques sur les étagères d’un mélomane. D’une marque qui était un certain repère, on a fait un poinçon qui estampille une classe… sociale, bien plus que le charme de l’élégance. Du coup les marques s’affichent par leur sigle plus que par la coupe ou le dessin, et leurs clientes prennent des poses sans avoir l’attitude requise. Sentiment d’imposture ? Les dos s’arrondissent. Les épaules se voûtent. La clef de l’énigme ? Peut-être se trouve-t-elle dans la publicité desdites marques. Puisque le style ne se vend pas avec la marque et que cette dernière signale à des effluves à la ronde que cela pue le nouveau riche, la nouvelle tendance semble être de minorer ce luxe. Au lieu d’être en osmose avec les richesses et d’y trouver un écrin, on est bien décidé à montrer du dédain pour cette richesse qu’on a tant convoitée.

 

chanel

Coco mademoiselle la joue mutine pudique. La classe du chapeau melon sans la vulgarité des bottes de cuir. Coquine sans être aguicheuse. Savant mélange, mais pas si bien assumé –ou trop joué. Et que je t’arrondis les épaules.

 

Lorsque le pathético-lyrique prend le devant de la scène au théâtre, c’est encore pire. Elle a beau décrocher une étoile, la Juliette de Guerlain languit à la façon d’une jeune fille pulmonaire. Le romantisme éthéré se veut langoureux, il est surtout avachi, et la traîne n’a jamais aussi bien porté son nom. Juché sur son escalier de secours Art nouveau, l’oiseau de la nuit traduit par la courbe de son dos le point de votre interrogation. Où est passé le port de reine ? Les courbes sont belles lorsqu’elles sont naturelles, pas négligées. Un dos voûté ne remplacera jamais une belle chute de reins.

 

 

Quant à Miss Dior (décidemment, si la jeunesse coûte cher, elle ne vaut rien), on est au ras des pâquerettes –rendues invisibles par un gazon tondu si ras qu’on pourrait jouer au golf dessus. Miss Dior vit dans une maison blanche en miniature, un jardin taillé au cordeau, elle est belle, a une robe ravissante, un coup de pied de malade, a ôté ses chaussures comme pour gambader follement sur la pelouse (certainement pour fêter les découvertes de sa virée shopping – ce qui expliquerait aussi le mal aux pieds), et non – elle est tassée comme la petite vieille qu’elle deviendra et arbore déjà une gueule d’enterrement. Toute la misère du monde pèse sur ses épaules. Pas facile d’être riche – ni de porter une robe vaporeuse sans avoir l’air habillée d’un rideau (seule un mannequin de Givenchy peut alors être hot couture). Soit chérie et tais-toi redresse-toi.

 

2 réflexions sur « Le poids du luxe »

  1. « l’oiseau de la nuit traduit par la courbe de son dos le point de votre interrogation. » Une de tes plus belles phrases, je trouve. Superbe!
    (La dernière, à la voir ainsi voûtée, donne l’impression d’être trop grande pour le cadre, ou d’avoir honte, au choix.)

    1. Et tu pourrais faire cela avec n’importe quel type de pub ? (je vais t’envoyer mes publicités préférées de VTT, on va voir si tu t’en sors aussi bien ; ) )

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