Let’s dance

D’après son affiche et malgré l’arabesque canon de la danseuse, Let’s dance devait être un film à pop-corn. Ou si, comme moi, vous n’en mangez pas au cinéma, un navet à assaisonner-assassiner de rires.

Et j’ai ri. Le fou rire m’a notamment pris lorsqu’un champ-contrechamp balance sur la scène de Garnier une production de l’Est qui n’y a jamais mis les pieds, une captation de qualité si médiocre qu’on a limite l’impression de voir les rayures d’un écran cathodique. J’ai aussi manqué de rire à la première battle du film, en me demandant si je n’avais pas surestimé ma capacité de résistance au kitsch : la démonstration de hip-hop est filmée comme un combat de manga, avec des ralentis dans les airs et l’ajout de bruitages pour donner plus de poids aux réceptions.

Cela étant posé, la captation du ballet d’Ukraine a probablement été choisie pour des raisons de budget, et j’ai peut-être moins surestimé ma capacité de résistance au kitsch que sous-estimé l’humour du réalisateur. Parce que j’ai continué à me marrer – au premier degré : avant d’être une historiette d’amour mélo-kitschoune, Let’s dance est une comédie. Je ne me suis pas remise de la scène de ménage en caleçon (génial Medhi Kerkouche sous le regard de Guillaume de Toncquédec, figure de Fais pas si, fais pas ça) ; Mats Ek n’a plus le monopole de l’aspirateur.

Surtout, pour une fois, ce sont de vrais danseurs. Les danseurs de hip-hop savent bouger, les danseuses classiques ont de la bouteille et du cou-de-pied (Alexia Giordano, beauté aux paupières baroques, sort du CNSM). Certes, l’héroïne passe une audition pour l’ABT en tutu sans s’échauffer dans un appartement du XVIe, mais elle danse aussi la variation de Don Quichotte (version Noureev !) en baskets sur les quais de scène – demande du prof de hip-hop qui se fait conspuer par une autre danseuse : danser ça sur du béton est mauvais pour les articulations.

Alexia Giordana, l’éventail de Kitri à la main, face à Rayane Bensetti

Pink Lady me fait aussi remarquer que la sortie à l’opéra, où le héros non initié se fait charrier pour avoir sorti le smoking, est criante de vérité sociologique (je suis toujours étonnée, et parfois un peu honteuse, de ce que je ne remarque pas, et qui frappent d’autres si fort). Sans compter que les clichés sont là aussi nuancés : la miss classique n’est pas si bourge qu’il y paraît, ni notre héros d’origine si populaire (avec un prénom comme Joseph, on aurait pu s’en douter).

Bref, il y du réel dedans – suffisamment, en tous cas, pour que l’humour fasse passer les grosses ficelles narratives, qui deviennent indispensables au rire. Et mine de rien, c’est niais mais d’actualité : la nana ne plaque pas son audition pour rejoindre et sauver la battle du mec ; chacun sa route, chacun son chemin, passe le smack à ton voisin.

Voilà, j’avoue tout : au premier ou au second degré, j’ai kiffé. (Et je veux savoir où sont ces studios de danse trop canon ; même si je crains qu’ils aient été aménagés uniquement pour le film.)