Londres de choc

 

 

A la traîne


La traîne n’est malheureusement pas ici l’accessoire assorti à la couronne de la reine mère, mais les trois heures de retard qu’a pris l’Eurostar à l’aller, en comparaison de quoi les vingt minutes du retour ont semblé une bagatelle. Fort heureusement, mum and I avions prévu un week-end de trois jours et la promesse de billets gratuits nous a fait rentrer dans notre good mood. Un voyage est toujours un peu épique, c’est ce que j’essayais de rappeler à mum qui râlait (via mon anglais si fluent) contre l’hôtel. Un quatre étoiles qui vous colle un lit double quand vous aviez réservé deux simples (en général, lorsqu’on dort à deux, il y en a toujours un pour faire la crevette, c’est-à-dire se recroqueviller en travers du lit, voire pour adopter la technique du rouleau de printemps lorsque ladite crevette s’enroule dans la couette), ne prévoit qu’un peignoir pour deux et ne vous fait jamais monter la couverture que vous avez demandé (parce que le chauffage est aussi discret qu’un anglais à la voix enrouée un vendredi soir au pub, et que même coupé, c’est loin d’être silencieux) (d’où qu’on a trouvé un nouvel usage au peignoir) joue aux stars mais ne mérite peut-être pas ses étoiles. Qu’importe, nous ne sommes pas venues pour rester à l’hôtel.


I choose Liberty

 

Cela ne veut pas dire pour autant que nous n’avons pas passé un certain temps indoors. Outre la soirée au Royal Opera House que je raconterai dans un autre post, en bonnes non-alcooliques, nous avons fait la tournée des grands magasins. Je me souvenais des dais verts arrondis de chez Harrod’s, où nous n’avons fait qu’un saut ; nous avons en revanche escalatoré les cinq étages de chez Harvey Nichols pour jeter un œil au bar soi-disant à la mode, et exploré le labyrinthe de Liberty, dont les boiseries médiévalisantes abritent les fringues des grands couturiers dans des mises en scène loufoques.

 

 

 

Ce n’est évidemment pas là que nous avons pu faire des folies, la robe coutant le prix du voyage pour deux. Anyway, il n’y avait pas mon coup de foudre croisé devant la vitrine de Stella Mac Cartney sur New Bond Street.

 

 

Topshop, le H&M local, semblait plus abordable. En ce qui concerne les prix du moins ; parce que ça grouillait, là-dedans… it outweights le H&M des Halles sans problème – peut-être même en période de soldes (hypothèse, bien entendu, je tiens à ma peau). Du coup, le blizzard de la clim trouvait là une justification sanitaire, faut euthanasier le microbe. Bon, on risque quand même la crève pour peu qu’on se lance dans les essayages, ce à quoi ne m’a pas fait renoncer la queue ni la… l’originalité des fringues. Palpatine trouve que je m’habille « marrant » ; une anglaise ne comprendrait pas pourquoi : même le total look orange ne tient pas face à une palette de jaune d’or (les collants), rose fuschia (le sac), bleu dur (le manteau)… On trouve à Topshop des trucs immettables, que les filles enfilent sans se poser de question (vaut mieux d’ailleurs, parce que si vous levez le bras avec la robe-pull aux côtés transparents dentelés que j’ai essayée, vous vous retrouvez le cul à l’air), et impensables, comme le bustier qui hésite entre le corset et le soutien-gorge (et que je n’ai pas pris non plus parce que mon opulente poitrine -hem, c’est bien la première fois- ne rentrait pas dans du 36, et qu’il aurait fallu ôter cinq bons centimètres de tour de dos au 38 – mais sinon, les découpes en tissu translucide noir ne m’auraient pas arrêtée).

Plusieurs fois j’ai pensé à Palpatine, qui serait tombé amoureux en moyenne cinq fois par rue devant les chevelures rousses qui n’ont pas toujours besoin de l’euphémisme « blond vénitien », et au moins autant de fois en syncope devant les tenues qui en manquaient sacrément. Ceci dit, il n’y a pas tromperie sur la marchandise : vous pouvez constater de visu la fermeté du jarret ou le gras épanoui de la cuisse. Existe dans tous les coloris et en deux gabarits : la petite Anglaise et la grande baraquée, à côté de qui je suis fluette. J’imagine mieux à présent les visions d’horreur qu’a du endurer le Vates au concert de Lady Gaga, avec fan en body pailletés (et il n’était pas douteux que c’étaient des body, parce qu’elles n’étaient qu‘en body).

E-bay ne peut se permettre une telle pub qu’en Grande-Bretagne :

Robe fleurie, chaussettes rayées et chaussures quadrillées…

 

Muffin top

 

M’enfin, comme dirait mon arrière-grand-mère, les gabarits massifs ne sont pas gros à lécher les murs. Et si vous pouvez vous habiller comme un ara dépareillé, les cup cakes bariolés en jaune ou bleu schtroumpf ne devraient pas vous rebuter. Sauf les glaçages dégoulinant, tout est crémeux : le gâteau non-identifié (non-goûté aussi), la whipped cream qui ne peut vraiment pas désigner la même chose que de la chantilly (je ne vous parle même pas de celle, nuageuse, de Dalloyau), le cream-cheese d’un sandwich au saumon, auprès de quoi le Saint-Morêt est mousseux, pour ne rien dire de la clotted cream qui équilibre non, vraiment, le mot n’est pas adapté mais on s’en contrebalance la confiture à la fraise sur les scones de chez Richoux, très légers et moelleux pour le coup.

 

 

Nous sommes retournées chez Richoux pour déjeuner, j’ai alors testé la Shepherd pie (désolée, il n’y a pas de morceaux de docteur dedans, pas plus qu’à Sloane square), avec du lamb et de la mashed potatoe dessus : j’ai été un peu dépitée en voyant que rien ne justifiait la pie, la pâte avait disparue, ni tarte ni tourte, j’étais devant un plat de hachis parmentier. Sauf que. Lamb, on l’a appris à l’école, désigne la viande de la bestiole sheep ; ce qu’on a oublié de nous préciser, c’est que la viande peut aussi bien être de l’agneau (doux, en tajine) que du mouton (fort, en couscous). Je peux vous dire qu’après un hachis parmentier au mouton, on se sent virile. Ouais, même avec un -e final. Le morceau de fudge aux noix et sirop d’érable (parfum choisi après moult hésitations devant l’étal d’Harrod’s, ignorante que j’étais de ce qu pouvait bien être du fudge) a contribué à faire glisser.

Autre expérience culinaire dans laquelle je me suis lancée (je n’ose dire gastronomique ; qui me connaît sait de toutes façons qu’il y a peu de chances que je me retrouve aux fourneaux) : l’english breakfast. La totale, moins les champignons : oeuf au plat, petite saucisse aux herbes, tomates fries, pommes de terre paillasson, et délicieux beans en sauce, que je me suis, pour les deux derniers, resservie. Je ne sais pas si cela contenait intrinsèquement trop d’huile ou si c’est de l’avoir ingurgité après un continental breakfast avec fruits, mini blueberry muffin (trop choupi) et toasts (rha, les toasts anglais), mais la digestion a un peu duré, et j’ai pu sans problème attendre le tea-time. Pour vous dire la chose, j’ai habituellement faim toutes les quatre heures : 8h- 12h- 16h- 20h si le monde était bien fait (mais en prépa, je petit-déjeunais une heure plus tôt, et les spectacles impliquent de prendre un goûter substantiel plus tardifs pour dîner à des heures indues de souper de l’ancien temps).

 

Qu’on peut être sain d’esprit et voir un éléphant rose – gaffe la môme adopte la tactique du caméléon.

 

Pour se dépenser, on pouvait toujours partir à la chasse, non pas à l’ours, comme à Berlin, mais à l’éléphant. Qu’on ne s’y trompe pas, cependant : il s’agit d’un safari-photo ; la véritable cible reste l’enfant qui le chevauche (à éliminer de préférence avant le trajet du retour en train).

 

En groupe, devant Buckingham Palace, une relève de la garde amateur.

 


Look right and keep left

 

Mais s’ils ont besoin d’écrire « look right » par terre à chaque feu, c’est que cela ne doit pas aller de soi pour eux non plus, sinon à quoi ça sert ? s’interroge ma dear mum que, peut-être cinq minutes avant, j’ai du retenir de traverser : allez, il n’y a personne… sûr, quand on regarde du mauvais côté. Pour les touristes, mum, pour les touristes.

 

 

A sa décharge, il faut dire que les Anglais manquent de logique : they look right before crossing, and keep left dans les escaliers, but have to stand on the right dans les escalators. Les Australiens, eux, sont cohérents jusqu’à ce dernier point. Yes, I know, après Berlin, ça fait très snob comme comparaison, mais on tend toujours à ramener le nouveau au déjà connu (certes, je suis allée à Londres avant d’aller en Australie, mais mes souvenirs d’enfant n’étant pas très frais, je connais mieux Brisbane que Londres). On a ainsi établi une grille de correspondances : l’avenue Montaigne est en partie accueillie par New Bond street ; Oxford street a des allures de boulevard Saint-Michel, ou des Champs-Elysées si ceux-ci ne trouvaient pas un équivalent plus probant dans la foule de Regent’s street, tandis que Westbourne Grove ne dépareillerait pas dans Saint-Germain. En revanche, Marcelline Lapouffe passerait mal dans le huitième british où se trouvait notre hôtel.

 

 

L’enseigne de cette magnifique boutique d’art (auprès de quoi le crâne de Damien Hirst est bien vain – ici, c’est un squelette entier qui est endiamanté) est devenue une blague récurrente entre mum and I. Deux doses de rire par jour, à avaler matin et soir, en tube. Avant de prendre l’underground et que ne reste en tête : « Mind the gap, please » (alors que Mind your head serait plus approprié, je passe tout juste sous la porte) ou « Stand clear of the closing doors » (il est passé en boucle dans ma tête pendant un moment, un véritable tube, sans italiques cette fois). Aux petites phrases célèbres, on pourra ajouter des slogans glanés ça et là sur les affiches publicitaires (« Save a guitar on your insurance« ) selon le syndrome enfantin du je-viens-d’apprendre-à-lire-je-lis-tout-ce-que-je-vois, dans lequel ne manque pas de nous faire retomber une langue étrangère.

 

Une autre affiche dont le slogan « Westminster College. Make the wise choice » est illustré par un chouette sosie d’Hedwige me fournit ma transition pour une dernière partie sur le Londres
d’Harry Potter. Je ne suis pas allée errer entre les voies 9 et 10 de Charring Cross où arrive pourtant l’Eurostar, mais un tour cahotique à l’étage d’un bus rouge m’a confirmé l’existence du magicobus. Sans parler du choc devant les affiches qui bougent: j’ai mis un certain temps à réaliser que les photos animées étaient en réalité des écrans de télévision très plats et incrustés dans le mur en alternance avec des affiches papiers, elles sages comme des images. De là à ce que les publicitaires nous mettent sous Imperium

 

Un bus, une cabine et deux cab, il fallait faire le cliché.

 

 

3 réflexions sur « Londres de choc »

  1. La robe bleue est fabuleuse … quant à Marcelline Lapouffe, j’en suis pliée en quatre, et j’ai encore plus hâte de retourner à London en juin !

    1. Tu m’as convaincue d’aller à Londres un de ces jours.

      (Which is quite an achievement, may I point out. 🙂 )

    2. Melendili >> Fabuleuse, c’est exactement le terme – qui restera de l’ordre de la fable.
      Je te donnerai le nom de la rue, si jamais tu veux rendre visite à Marcelline, après une relève de la garde, par exemple. Et tout près, un restau avec des risottos meilleurs qu’en Italie (gorgonzola – épinards, miam).

      Bamboo >> What makes you reluctant ?

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