Lorsqu’Agatha Weiss1, jeune fille qui porte de longs gants noirs curieusement assortis à son look de Star Wars fangirl, débarque à Hollywood, le chauffeur de la limousine2 qu’elle a louée lui suggère d’acheter une carte localisant les stars dans la ville. Pas besoin, elle se repère. C’est donc en la suivant que l’on va relier les personnages tous plus barrés les uns que les autres de Maps to the Stars : il y a notamment Havana, actrice médiocre hantée par le souvenir de sa défunte mère, bien plus célèbre qu’elle ; Stafford, son coach en développement personnel, aux techniques pour le moins originales ; et le fils de ce dernier, Benjie, enfant-star à la grosse tête (au sens propre comme au figuré, avec des épaules tombantes qui accentuent son étrange silhouette), déjà passé par une cure de désintox. On prend un plaisir presque pervers à essayer de distinguer des constellations parmi ces stars – presque pervers parce que plus ça va, pire c’est : hallucinations, pyromanie, inceste, suicide et tentative de meurtre se mettent de la partie, sans que le film se départisse un seul instant de cette distance qu’on dirait comique si elle n’accentuait encore plus la bizarrerie de ce monde asphyxié où l’on se récite la poème d’Éluard comme une comptine macabre. Sur toute chair accordée / Sur le front de mes amis / Sur chaque main qui se tend / J’écris ton nom
La liberté n’est arrivée que lorsque j’ai compris pourquoi le pluriel, pourquoi MapS to the stars. Trois couleurs, qui a décidément des journalistes qui savent conduire une interview, met le doigt dessus : les personnages sont systématiquement « seuls dans le cadre, ils ne sont jamais réunis à l’écran ». C’est que, chacun dans « sa petite bulle individuelle », reprend Cronenberg, il y a autant de cartes que de stars : chacun se pense au milieu d’une constellation, détruisant celles dont il ne se voit pas faire partie, se détruisant lui-même surtout, incapable de trouver sa place. La guerre des étoiles n’aura pas lieu mais le festival de supernovas qui la remplace est un vrai régal.
Mit Palpatine
1 Mia Wasikowska continue d’alimenter ma fascination pour les filles d’origine polonaise (bientôt un #PolishPower pour concurrencer le #CzechPower ?).
2 Robert Pattinson est passé à l’avant de la limousine depuis Cosmopolis. Son personnage conduit tout le monde et ne va nul part, malgré ses rêves d’apprenti scénariste. Trop sain d’esprit, sûrement.