Week-end doesn’t equal work-end

… dead end, I’d rather say.

 

Je commence à préférer la semaine au week-end. On touche le fond [du problème].

 

Au moins en semaine, pas le temps de se poser de question.
Au moins en semaine, pas à se faire de remontrances à soi-même, il reste le week-end pour bosser.

Au plus le week-end, quelques instants pour échapper à la question.
Au plus le week-end, quelques descentes-conversations msn, il reste la semaine pour feignasser.

 

Théorie de la relativité

Au royaume des génies,

– en version d’allemand, traduction rime avec invention.
– en version d’anglais, on se réjouit d’obtenir un œuf 9 sur vin 20. Surtout quand la remise des copies consiste en un : « Bonne nouvelle, je n’ai pas mis de 0. »
– des petits navires flottent dans les marges de ma copie et, pour une fois, vous ne pourrez pas mettre en cause mes piètres talents de dessinatrice : expression d’un désir refoulé du mal de mère mer de mon professeur d’anglais pour cause de répétition « Il était ». (est-ce ma faute aussi si certains auteurs trouvent judicieux de répéter « he was » sur tout une page ?)
– le débat est houleux pour savoir lequel des princes de Walt Disney est le plus beau ; on s’arrache les mots de la bouche, en partie parce que les princes sont tous très niais (sauf Aladdin pour Lucie, mais là intervient un facteur de taille : Aladdin n’a pas de sang royal – tragique) en partie parce que les marches des escaliers où se déroule le débat nous essoufflent et nous empêchent de parler.
– à peine la porte d’entrée franchie, on se fait assaillir par un dilemme cornélien : « Tu préfères Louis XIV ou Napoléon ? ». Pas le temps d’aller poser son sac, il faut répondre sur le champ, le Sphinx n’accepte aucun délais. Pour votre gouverne, j’ai répondu Louis XIV puisque c’est l’inventeur de la danse classique ! (en réalité c’est son maître à danser Beauchamp et c’était plutôt de la danse baroque… mais on ne va pas chipoter face au chapeau de Napoléon)

Au royaume des génies, le bon élève est cancre.

Sur ce, permettez-moi de vous envoyer sur les roses chez mes camarades hyphokhâgneuses géniales : cet article de Thalie et Clio.

 

 

Si vous êtes intelligents, vous avez compris (qu’il n’y a rien à comprendre mais tout à apprendre)

       Les jours s’enchaînent tout en nous enchaînant à nos agendas qui fourmillent de mots, d’abréviations claudicantes, de traits railleurs et d’obligations criantes. Ca déborde en un flot joyeux ; inutile d’essayer de le retenir entre ses mains, sautons plutôt dedans à pieds joints et éclaboussons-nous de pronoms latins, aspergeons-nous de poésie, passons aux april showers jusqu’au raz-de-marée pantagruélique final.

       Ce qui déroute n’est pas tellement la quantité (on nous a tellement brandi le spectre du Travail in the flesh, qu’on y était plus ou moins préparé), mais le degré de concentration ciguë aigu que cela demande. Autant dire que l’on ressort plutôt hagard le lundi soir – le terme de soir prenant ici sa pleine signification ; 19h.  Grande concentration mais aussi humour, bonne humeur ou franche rigolade : j’ai enfin compris pourquoi ce sont les prépas qui font le plus de bruit au CDI et qui passent d’un air mi-shooté mi-victorieux à la cantine…

 Quelques instantanés rieurs ou risibles : 

         une leçon absolument incompréhensible de philosophie (pléonasme dirons certains – ne partons pas avec des préjugés… non, vérifions-les avant de les adopter définitivement). C’est-à-dire que vous entendez des sons qui forment des mots connus et répertoriés dans le dictionnaire, le plupart du temps connus de vous (mais pas tout le temps) mais que, mis bout à bout, ces mots ne deviennent pas des phrases intelligibles. Des phrases mutantes. Compliquées. Vides. Ou peut-être trop pleines. Nous étions donc depuis une heure trois-quarts (pas de pause entre les deux heures, nous avons fait le choix de l’intellect, les purs esprits n’ont aucun besoin de se dégourdir les jambes) en train de nous filer mal au crâne, mi-par concentration, essayant vainement de saisir une idée d’ensemble, mi-par désespoir, la main en étau autour du front. Et là, la phrase qui tue : « Si vous êtes intelligents, vous avez compris. » C’est dit, je suis conne. Et là, la précision qui tue : « Intelligents au sens de qui cherche à comprendre ». Les petits rires jaunes qui ont fusés n’étaient que la coloration policée d’une envie primitive de meurtre par étranglement. (oui, moi aussi je peux faire des phrases longues là où une onomatopée aurait été parfaitement à sa place grrrrrr)

         La révision du vocabulaire anglais. Là où on regrette de ne pas avoir plus savouré the dog, the cat, the bedroom. Sean is in the kitchen… Là où l’on regrette vraiment que le mauvais temps anglais soit proverbial = plein de proverbes. Remarque de ma mère engagée comme répétitrice : mais pourquoi tous ces mots ? avec rain et fog ça suffisait. Au point pour parler de la pluie et du beau temps.

         Le one man show du professeur d’histoire. Parce que vraiment ça le démangeait de nous imiter le mode de vie bourgeois de 1870. Vous voyez, le père qui a acheté un piano, un affreux truc, une casserole pour que sa fille en joue… et le prof est pas terrible non plus… la môme a pas envie * mains sur le bureau, position crispée version chat qui vient de se prendre un saut d’eau sur la caboche * … la, la làààààààài, la, la, la, schroupf, troum *les mains s’abattent avec une douceur éléphantesque*… vous voyez –on est surtout pliés en deux. Il a failli recommencer, a replacé ses mains comme pour débuter un nouveau morceau, puis a abandonné. Faut pas abuser des bonnes choses.

 
     L’hypokhâgne, c’est aussi une curieuse transformations des littéraires, non seulement parce que tous ne sont pas littéraires – oui, on sait, avec un [bon] bac S on fait ce qu’on veut-, mais parce que, par un phénomène inexplicable, l’on se met à compter.
Les mots d’anglais = 490 (estimation de Clara)
Les marches pour monter jusqu’à notre tour d’ivoire = chiffre à s’enfuir en courant venir, à débattre. Ne fait pas encore l’objet d’un consensus pour cause de trajets et de marges (faut-il ou non inclure les deux marches de la cour d’entrée ?).

Et l’hypokhâgne, c’est aussi publier cet article inutile entre la misère africaine à mettre en fiche et le radotage british de mots que l’on ne connaît pas forcément en français. Car, soyez honnêtes, combien d’entre vous (qui est le sharped-tongued qui insinue qu’il n’y a personne ?) connaissent la signification profonde d’un chemin de halage (Ephreet, pas le droit de jouer), ou des rouflaquettes ?

Du côté de chez Proust

          L'illustration colle bien à la Ière partie, je trouve. Tout à fait le papier-peint de Combray.

               Il ne faut pas vouloir s’attaquer à Proust comme à un pavé échoué sur la plage dans sa migration vers l’île prépa. Lire à grande vitesse, c’est s’exposer à décrocher avant même d’avoir adhérer. Il faut au contraire s’y immerger et de même que nos mouvements sous l’eau semblent freinés et adoucis comme en apesanteur, la lenteur du rythme de lecture amène la rapidité dans la progression.
               Qu’en ai-je pensé ? Je partais avec un gros a priori qui n’était pas pour servir l’auteur, à savoir que ce pavé n’était qu’un amas de longues phrases aussi ennuyeuses qu’Emma Bovary pouvait l’être. A la recherche du temps perdu ? Ne cherchez pas je l’ai trouvé, c’est de passer tant de jours sur ce roman. Ce genre d’idées qui sont aussi pensées que les rappels de mise un jour scandés par l’ordinateur.  
               
Ai-je  aimé alors ? Je n’en sais trop rien. L’histoire n’est pas passionnante en soi. Le narrateur me paraît même un peu geignard au début. Le style, s’il déborde de subordonnées n’est pas mélodieux en lui-même. Non, l’intérêt que j’y ai trouvé (sans prendre à ce que ce soit le seul valable) réside ailleurs. Dans la perception du réel. [Pas d’overdose de Merleau-Ponty, pas d’inquiétude – un certain intérêt –ok, beaucoup plus que pour Kant]. Proust a une façon tout à lui d’aborder le monde. Il ne cherche jamais à en être un observateur spectateur. L’extérieur se déduit de son intériorité, de la résonance qu’il a eue sur lui. Ainsi les descriptions ne sont jamais ennuyeuses puisqu’il n’y a pas de description  comme on l’entend d’habitude. Vous ne feriez pas renter un morceau de Balzac sans que cela détonne, par exemple. Si j’osais mélanger allégrement les époques, je dirais qu’on s’approche des tropismes, ces petits riens qui sont à l’origine de changements quasi imperceptibles en nous (Ca c’est ma définition imprécise, pour quelque chose de plus consistant, rendez vous directement auprès de la principale concernée, c’est-à-dire Nathalie Sarraute, l’inventrice de ce néologisme.) L’ensemble est décousu, pas de fil directeur mais une succession de sensations qui s’imbriquent et finissent à coup de digressions et remarques en apparence anodines à esquisser une ambiance, modeler un caractère, recrée une sensation identique chez le lecteur.

              J’en arrive à ce qui m’a littéralement (et  littérairement) fasciné : les comparaisons. Du côté de chez Swann ressemble pour moi à une gigantesque boîte à images, des métaphores en tous sens qui colorent la vision usée que l’on a du quotidien [Je sais, ça sens Bergson d’ici]. Une saynète ou même un moment deviennent un instant magique suspendu dans le temps. Le genre de chose dont on se dit : « C’est tellement juste. C’est exactement ça. Même si je n’y avais jamais pensé. ». Et la madeleine ne me semble pas le morceau le plus savoureux, loin de là. Proust, je l’ai goûté par morceaux, comme on se régale de miettes en oubliant totalement l’aspect de la part que l’on vient d’engloutir. Et là, j’ai envie de reprendre le volume et d’y colorier les passages qui m’ont interpellés pour pouvoir les retrouver à loisir et m’offrir une parenthèse, comme un bonbon que l’on savoure avant de repartir de chez la tante ou la grand-mère. Oui, c’est décidé, je deviens collectionneuse d’images poétiques et impressions fugaces. Première vitrine, au hasard des pages sur lesquelles je suis retombée :

Tailladé dans la phrase… parce que je me sens comme chez mon arrière-grand-mère quand je hume cela :
« et le feu cuisant comme une pâte les appétissantes odeurs dont l’air de la chambre était tout grumeleux et qu’avait déjà fait travailler et «lever» la fraîcheur humide et ensoleillée du matin, il les feuilletait, les dorait, les godait, les boursouflait, en faisant un invisible et palpable gâteau provincial, un immense «chausson» où, à peine goûtés les aromes plus croustillants, plus fins, plus réputés, mais plus secs aussi du placard, de la commode, du papier à ramages, je revenais toujours avec une convoitise inavouée m’engluer dans l’odeur médiane, poisseuse, fade, indigeste et fruitée de couvre-lit à fleurs. » [Combray II ]

« Devant la fenêtre, le balcon était gris. Tout d’un coup, sur sa pierre maussade je ne voyais pas une couleur moins terne, mais je sentais comme un effort vers une couleur moins terne, la pulsation d’un rayon hésitant qui voudrait libérer sa lumière. Un instant après, le balcon était pâle et réfléchissant comme une eau matinale, et mille reflets de la ferronnerie de son treillage étaient venus s’y poser. Un souffle de vent les dispersait, la pierre s’était de nouveau assombrie, mais, comme apprivoisés, ils revenaient; elle recommençait imperceptiblement à blanchir et par un de ces crescendos continus comme ceux qui, en musique, à la fin d’une Ouverture, mènent une seule note jusqu’au fortissimo suprême en la faisant passer rapidement par tous les degrés intermédiaires, je la voyais atteindre à cet or inaltérable et fixe des beaux jours, sur lequel l’ombre découpée de l’appui ouvragé de la balustrade se détachait en noir comme une végétation capricieuse, avec une ténuité dans la délinéation des moindres détails qui semblait trahir une conscience appliquée, une satisfaction d’artiste, et avec un tel relief, un tel velours dans le repos de ses masses sombres et heureuses qu’en vérité ces reflets larges et feuillus qui reposaient sur ce lac de soleil semblaient savoir qu’ils étaient des gages de calme et de bonheur. »  [ Troisième partie du roman : Noms de pays : le nom ]

Aller, un dernier pour la route :
« Et il y eut un jour aussi où elle me dit: «Vous savez, vous pouvez m’appeler Gilberte, en tous cas moi, je vous appellerai par votre nom de baptême. C’est trop gênant.» Pourtant elle continua encore un moment à se contenter de me dire «vous» et comme je le lui faisais remarquer, elle sourit, et composant, construisant une phrase comme celles qui dans les grammaires étrangères n’ont d’autre but que de nous faire employer un mot nouveau, elle la termina par mon petit nom. » [idem]

Pour ceux qui ne seraient pas encore tout à fait morts, la lecture entière se trouve ici.