« Je ne suis pas pédant de ma nature,
mais je sors de philosophie,
et vous ne sauriez croire
le pli que la dissertation fréquente
imprime bientôt à l’esprit. «
Les faux-Monnayeurs, Gide
Je n’ai pas mis ma carte de crédit à découvert, une petite robe « aurianesque » dixit le vates lyricus de chez HetM (la robe, pas le vates lyricus. Je veux bien qu’il y ait parfois des soldes, mais il ne faut pas abuser) n’étant pas une folie de shopping faramineuse.
L’acronyme CB désigne ici l’épreuve tant attendue du concours blanc. 2ème prise révisions action !
Philosophie : « Apprend-on à penser ? ». La note sera la vraie réponse.
Géographie : « L’eau douce en Afrique : paradoxes et enjeux ». Vous comprendrez peut-être pourquoi je suis traumatisée à la vue d’une simple bouteille d’eau minérale. Ce jour fut néanmoins à marquer d’une pierre blanche : dernier devoir de géographie de ma vie. On se sent tout z’ému là.
Français : Gide et le besoin qu’on éprouve de se retourner vers les anciens. Eprouverai-je le besoin de me tourner vers Gide ? A part pour faire une coche sur la liste de khôlle ?
Histoire, en 6h, je le rappelle (mais sans prof qui s’engloutit son saumon fumé) : « La France dans le monde : principes, désirs, réalités ». Oui, « réalités » au pluriel, histoire de compliquer un peu la chose. Vous noterez que l’intitulé risque d’être métaphorique de notre situation : principes de révisions, désirs de réussite, réalité de la note.
Anglais : Notre professeur a le chic pour nous faire étudier les livres les moins enthousiasmant possibles, et pour choisir à l’intérieur dudit livre l’extrait où il y a le moins à dire. Le choix donc entre un passage gnangnan à souhait de The Merchant of Venice (by Shakespeare que j’apprécie beaucoup par ailleurs- surtout par ailleurs) et un extrait de The Grapes of Wrath dans lequel on vous décrit le tracé de la route 66. Heureusement que le style présentait matière à commentaire, parce qu’on était assez mal barré.
Allemand : Angst, de Stefan Zweig. J’aime, que dis-je aimer, j’idolâtre Zweig. Pas vraiment capables de faire d’analyse formelle du style, nous avons donc psychologisé à mort, tout en ayant une pensée émue pour le professeur d’anglais qui n’aurait manqué de s’étrangler devant son équivalent anglophone (ou soi-disant tel).
Latin : Parce qu’il fait beau, que les oiseaux chantent et que tout le monde il est beau, il est gentil et namoureux (non mais sans rire, par cette chaleur, ils n’en ont pas marre d’être collés ?) : les Héroïdes d’Ovide. Comme l’a fait remarquer notre professeur, personne ne s’est plaint, c’est donc que ce devait être facile. Comment se fait-il dès lors que certains aient donné à « mensa », le sens de « mois » et d’autres celui de « table » ? Après de tels écarts, j’ai supplié qu’on arrête d’en parler jusqu’à obtention de la correction.
Les grands moments du concours :
– Peniculus et son sandwich jambon-cornichon à dix heures du matin, quand le reste de la classe carbure aux barres de céréales, chocolat voire pain au chocolat.
– Les mots errants sur les marges de brouillon : « spatial ou spacial ? », « 1928 », « merci »
– Les paroles échangées dès que le prof sort de la salle. Commentaire de Peniculus : « On dirait une classe de CM2, à parler comme ça dès que le prof a le dos tourné. – Et tu fais quoi toi là ? – Ah ouais, ce n’est pas faux. »
– Le bal des toilettes. Ou de quelle promptitude il faut faire preuve pour se lever avant qu’une autre ne vous ait devancé, le temps qu’il faut prévoir et les inévitables embûches de parcours, la plus redoutable résidant dans la latte qui sert de plainte à l’estrade et se détache avec un bruit des plus discrets.
– Dans la catégorie bruit discret, mon ventre également, qui se fait entendre dès 8h30 du matin. Trois rangées à la ronde au début du concours, un peu plus loin chaque jour. Il était grand temps que cela s’arrête, le gargouillement faisant désormais rire toute la classe. Je passe donc pour un estomac sur pattes – ce qui n’est somme toute pas très éloigné de la vérité.
– LE grand moment réside tout de même dans le personnage du professeur d’allemand LV1 dont je pensais la légende mystifiée, mais qui est en vérité bien en –deçà de la réalité. Dans un moment d’égarement, j’avais songé à éventuellement intervertir mes deux langues. J’ai été instantanément t guérie de cette idée sotte et grenue. Dix minutes pour faire l’appel, prises sur le temps qui nous est décompté. Commentaires à côté desquels ceux que je laisse sur les blogs sont d’une grande spiritualité. Ex. au regard des trois déserteurs de l’HK dont les noms n’ont pas été rayé d
es listes : « Mais c’est une hécatombe chez vous ! » Je propose d’ailleurs qu’on continue le massacre. C. s’était mis les mains sur les oreilles pour ne pas entendre ses babillages et a répondu à l’appel d’un simple « oui », sans relever la tête : « Une jeune fille très ouverte. » Du même acabit : « L’air est vicié, je vais ouvrir la fenêtre. » Elle commente tout. Mais alors le grand du grand, c’est l’interprétation strictement légaliste du desideratum du prof d’espagnol qui stipulait que l’élève ne pouvait sortir avant d’avoir rendu sa première feuille. Cela s’est mué en interdiction formelle d’aller aux toilettes – à moins que vous ne fussiez germaniste ou russophone- course poursuite dans les couloirs à la recherche d’une hispanique délinquante à l’appui. Dura lex sed lex. Heureusement que l’épreuve ne durait que trois heures.