Quelques grammes de douceur dans un monde de brutes

Pendant les vacances, expo
à Paris. Prévoyantes, on se
secoue les puces pour prendre le train de 8h25 à 8 h30 en réalité. En trois arrêts la bande est reconstituée. Babillage de rigueur. Paris… la ville de toutes les sorties.

 

Nous

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arrivons au Grand Palais une heure avant son ouverture. Petite danse de Lucie surexcitée. Il se met à pleuvoir… Nous nous réfugions sous l’auvent, assises sur les marches. On gêne… qu’importe, nous nous mettons dans la file d’attente déserte. Rien n’entame notre bonne humeur :

ni l‘odeur nmedium_expoparapluie.jpgauséabonde du pompage d’égout, ni la pluie.

Et même, encore une bonne occasion de rigoler : imaginez nous à sept sous un parapluie une personne. Temps_ passe_passe. Vingt minutes avant l’ouverture, les visiteurs commencent à affluer. Nous sommes les seuls jeunes, si l’on omet deux enfants à la mine réjouie, traînés par leurs parents.

Attente. .. Ah, c’est l’heure. Problème avec le portique de sécurité… léger retard. Et le spectacle commence. Dans la file de gauche (munis de billets, nous sommes prévoyants- moi, je vais à une expo comme chez mon avocat- ponctuel, oui !) on s’impatiente. On râle. Un poignet est brandit. Pas un poing, nous sommes des gens civilisés, CULTIVES, nous allons voir de l’art. Pas n’importe qui. Un doigt vient tapoter sur le cadran de la montre. Dix minutes de retard. Grognements. Bah oui. Si, si. Très patient, un sourire accroché aux lèvres, le vigile de sécurité s’excuse et explique la raison de ce léger retard. Ils n’ont jamais été en retard que de dix minutes ! Eh non, excusez-moi, j’avais oublié que vous étiez parfaits. Monde. Retard. On a payé nous ! Parce qu’on ne va pas prendre de ticket à votre avis ? Pf… et que je te brandis mon billet… ils ont payés. Vite, il faut qu’ils soient privilégiés (entre nous, il doit y avoir 80c de différence… pas de quoi en faire un plat) La file s’avance et commence à rentrer. Ah ! … ah…. Agr… pourquoi ils nous passentdevant ? Carte Sésame, monsieur. C’est un coupe file pour toutes les expos du Grand Palais. Mais on a payé ! Nous, on se regarde médusées. Si ça les gêne tant que ça, ils ne sont pas obligés de venir – ils peuvent aussi aller promener leur chien dans un coin désertique après avoir lu le journal- qui, lui, est arrivé tôt !- On est là depuis longtemps ! Ah bon ? Nous sommes là depuis plus d’une heure et, c’est marrant, mais on ne vous avait pas aperçu ! Au devant du mécontentement général, on garde le sourire et on s’étonne sur la réaction de cette gente cultivée, qui serait prêt à laisser leur surmoi dévoré par leurs pulsions sauvages du ça.

Le monsieur à côté de nous – file des sans papiers- discute un peu. Il vient pour son seul plaisir, seul avec une vieille casquette pour se protéger de la pluie. Une exception de la file de gauche : un monsieur discret et aimable. La pluie et le retard, c’est pour nous mettre dans l’ambiance mélancolique. La prochaine fois, ce sera une exposition sur l’ennui, il y aura au moins quatre heures d’attente. Sourire de connivence.

La file de gauche défile ou plutôt se presse. On se croirait à la cantine ! Il y a ceux qui poussent –gauche-, ceux qui sont résignés ou patients –droite- et les prépas prioritaires –cartes sésames. Notre bonne humeur finit par convaincre le vigile qui n’a pas décroché son sourire malgré les explications réitérées aux râleurs qui doublent leur défaut d’un handicap auditif. Il n’est pas pire sourd que celui qui ne veut pas entendre. Bref, le vigile interrompt le flot de munitions de billet pour nous faire passer. Mais on a payés ! O, une honte ! Qui a dit que les amateurs d’art sont cultivés, fins et polis ? Que les jeunes ne s’intéressent qu’à leur console et sont irrespectueux ? Quelques grammes de finesse dans un monde de brute, que diantre !

Mais le fin du fin de la dégustation, c’est de les retrouver à l’intérieur.

Le monsieur qui vient pour son plaisir y prend manifestement… plaisir, il s’y fait discret mais bienheureux.

D’autres en revanche paradent devant les œuvres. A défaut d’en être les auteurs, ils s’en font glossateurs. La culture, c’est comme la confiture… moins on en a, plus on l’étale.

Et puis, nous.

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