[Orchestre de Paris, le 2 février]
Ma Mère l’Oye est introduite et, à sa suite orchestrale, Aurore, qui pavane sitôt levée, le Petit Poucet, la Belle et la Bête ainsi qu’une Laideronnette que je ne connais pas. J’aurais juré avoir entendu la harpe semer les cailloux mais comme j’étais persuadée que le frisson final du Jardin féerique était un rugissement de la Bête, peut-être faisait-elle déjà des plocs dans l’eau entre deux pagodes (Laideronnette est impératrice des pagodes).
Deuxième morceau et voilà que Philippe Aïche nous révèle un scoop : Droopy est tzigane ! Paparazzi, pas de flash, seules les castagnettes sont autorisées. Le premier violon promu soliste est si fougueux qu’il semble inaugurer une nouvelle manière de jouer : plutôt que de faire glisser l’archet sur les cordes, ce qui est d’un classicisme…, il fait coulisser le violon sous l’archet. Le lumbago, ça change de la tendinite, non ?
Paul Dukas se décarcasse mais l’apprenti sorcier fait toujours des ravages. D’abord, il renâcle. On tire un coup sur le fil. Pom. Pom. Pom pom. Pom pom pom pom pom… Le moteur a démarré, il est désormais trop tard pour l’arrêter ; dandinez-vous d’une fesse sur l’autre jusqu’à virer hors bord.
Vous avez valsé ? J’en suis fort aise. Eh bien, dansez maintenant, les altos sont là. Le reste de l’orchestre ? Il gronde à la cave, comme s’il voulait que les petits pieds qui s’agitent au-dessus de lui trépident et s’effraient qu’on les envoie valser. Mais le chef s’en défend et finit par le réduire au silence d’un coup de tapette à mouche. Les contrebasses auraient peut-être pu donner un coup de main avec leurs carquois que j’ai seulement découvert (« Oh, regarde Palpatine, les contrebasses ont des sacs à flèches, comme Robin des bois ! ») mais elles sont trop bonhommes pour être des archets et se satisfont pleinement d’y glisser les leurs.
Je ne sais pas si c’est par esprit de contradiction à Süskind mais les contrebasses me sont franchement sympathiques : alors que les violonistes regardent leur instrument du coup de l’œil, un peu méfiants, les contrebassistes s’y accoudent avec la confiance qu’ils accorderaient à un ami de comptoir, et les contrebasses le leur rendent bien, qui viennent swinguer sur leur épaule. Le violon est accessoire mode ; la contrebasse habille. La preuve : entre deux morceaux, elle repose sur un mini-portant. Et puis surtout, en faveur de la contrebasse, il y a ces ploum où l’archet râpe les cordes et en tire des copeaux de chocolats entre la baguette et les crins.
C’étaient peut-être des copeaux de parmesan, en y repensant.
Lors d’un concert de musique soufie marocaine, j’ai vu un violoniste assis tenir son violon posé devant lui, faisant inlassablement le même mouvement de va-et-vient avec l’archet et tournant le violon selon un axe vertical pour que l’archet frotte une autre corde !
Bon, alors ce n’était inédit que pour moi !