J’ai besoin de reprendre pied, reprendre main et fabriquer.
Christine Jeanney, block note — battant, Tentatives
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Chez Mathilde, Journal culturel #11, Tant qu’il nous reste des dimanches :
J’ai mis longtemps à comprendre que c’était à cause d’elle [l’anxiété], ces mauvaises nuits avant un impératif.
Tu quoque.
Une heure, c’est pourtant si long. Entre une heure d’Instagram et une heure de natation, on mesure pourtant bien ce que cette durée peut représenter.
Il faut faire cependant attention à ne pas tomber dans un autre pan du capitalisme. Je ne veux pas mon temps et mon attention pour en faire quelque chose.
Profiter d’un moment au café, voir le ciel, trouver un beau caillou, sans les partager.
Ici, j’ai pensé à Karl (sans les partager).
J’attends de retrouver une forme de tranquillité d’enfance sans Internet dans ma poche […].
Je me suis gavée. J’attends la faim du monde.
Là, à Aftersun (tranquillité d’enfance).
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Pour une personne de ma classe sociale, laisser des espaces inoccupés est impensable. On ne gâche pas le papier. […] je vais payer pour du blanc, acheter du non imprimé. Ça n’est pas évident dans le milieu d’où je viens. […] Mon rapport aux marges, aux espaces blancs, est lié à ma condition matérielle. […] Par exemple, devant un recueil de poésie où il arrive qu’une page soit presque entièrement vide sauf un seul vers, parfois sauf un seul mot, je n’avais pas vraiment compris pourquoi j’étais un peu gênée, pourquoi je devais combattre cette gêne, passer outre. Dédier du temps à ce passer outre, que d’autres ne voient même pas.
Christine Jeanney, block note — gens, Tentatives
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Se délester, continuer de le faire sans se laisser envahir par un sentiment d’anxiété, voilà ce que à quoi je voudrais parvenir. Abandonner les choses sans se sentir abandonné.e, c’est aussi une forme de voyage.
Anne Savelli, Réussir à vagabonder, Fenêtres Open Space
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[l’écriture] Tantôt c’est revenir sur ses pas et se défaire, se refaire, s’entêter aussi. Tantôt c’est dénicher un rien, un indéfinissable, s’y attarder et le tendre à d’autres, en espérant que ça ira rencontrer quelque chose en eux.
L’écriture me fait l’effet du travail des bousiers : on roule une boulette de caca, inlassablement, et on attend que ça devienne peut-être un trésor. Peut-être. […] Je ne dis pas parce que c’est essentiel ou vital. Je déteste quand on dit ça, c’est dépolitiser les besoins vitaux, leur faire revêtir un aspect poétique et vaguement bourgeois. Je peux vivre sans écrire, et même bien vivre. Peut-être même mieux vivre, parce qu’à l’ouvrage je me cherche, me fouille, me visite.
Mathilde, Chasse aux nazis & cake aux pommes, Tant qu’il nous reste des dimanche
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Le soir je regarde Eternal Sunshine que j’avais vu il y a des années et beaucoup oublié […]. Je voudrais ses cheveux de couleur. Je voudrais montrer au monde comme je suis folle dedans, ou belle, peut-être.
Dame Ambre, Nous marchons sur des arbres
<3
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La sérénité inesthétique du lieu me rassure et m’attire.
Karl, sans prétention, Les carnets Web de La Grange
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Elle avait envie de sa tendresse. Elle était sûre qu’il serait doux.
Hiro Arikawa, Au prochain arrêt, cité par Karl
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Je veux autant conseiller ce film que le garder pour moi. Parfois, j’ai peur que des gens n’aiment pas ce que j’aime et réduisent l’amour, gâchent la lumière.
Au petit bonheur la chance. J’aime bien cette expression. Elle résume très bien mon classement bucolique. J’applique un savant « Ça passe ? Sa place ». Je sais à peu près où trouver tel roman, et je trouve même tout à fait formidable d’être incertaine. Chercher un livre, c’est tomber sur d’autres.
Mathilde, Journal culturel #8, Tant qu’il nous reste des dimanche
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[…] un spécialiste du bonheur, spécialité en elle-même ridicule, affirme qu’en vieillissant on soustrait des objectifs à son existence plutôt que d’en rajouter sans cesse.
Quand je publie un roman, c’est pour partager mes expériences, pour donner le temps que j’ai vécu, le compresser pour que le lecteur l’absorbe et le décompresse en lui.
Thierry Crouzet, Se soustraire au monde
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Il me semblait avoir quelque chose de simple, si simple à dire, qui pourrait servir à tout le monde, qui aiderait à ensevelir pour toujours la mort qu’on porte en nous
Huit et demi, cité par Christine Jeanney
Et joie, je comprends l’original en italien !
Mi pareva d’avere qualcosa di così semplice, così semplice da dire, un film che potesse essere utile un po’ a tutti, che aiutasse a seppellire per sempre tutto quello che di morto ci portiamo dentro.
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J’essaie de nourrir mon regard d’affection pour elle, si attentive aux fleurs, afin de me rappeler — ou d’inventer, car l’amour s’invente — pour quelles raisons nous sommes ensemble.
Les nuits échouées #645
Cette incise.
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J’observe et je documente. […] Je n’ai pas d’objectif noble, ni de message à transmettre. J’ai un besoin égoïste de collectionneuse. […] Je crée pour moi d’abord, pour me faire du bien et me donner de la joie.
Fanny Cheung, Explorartise, Ynote_hk
Documenter, je n’avais jamais mis ce terme-là sur mes prises de note à l’origine du journal. Cela crée un drôle d’écho avec mon ancien poste, où j’établissais la doc’ de logiciels — comme si cet ancien CDI alimentaire faisait rétrospectivement sens, malgré l’impasse dans laquelle je me suis sentie enfermée.
Je n’ai pas peur des accidents dans mon processus, ils expriment le jeu du hasard dans la vie. Les accepter transforme mon travail en pratique spirituelle.
Dans cet exercice intime, je recherche l’apaisement et l’équilibre.
Autant je me reconnais dans la pratique égoïste, autant pas du tout dans l’acceptation des accidents. J’aimerais — l’apaisement aussi.
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Je sais que tu pars.
Je sais et je l’accepte.
Je te le dis en silence quand mes mains cajolent les tiennes, qu’elles massent la soie froissée de ta peau.
Et je me demande ce qui en toi sourit, puisque tu n’es presque plus là. […] Ton visage est resté plein de bonheurs qui te hantent comme de merveilleux fantômes.
J’ai fait la traque aux regrets et n’ai trouvé que de la gratitude.
Chloé Vollmer-Lo, Je sais, Le petit laboratoire
Lisez aussi le bel éloge qui suit.
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Chercher à comprendre pour ne surtout pas avoir à sentir.
Touché.
Je vais bien et je vais mal et j’accepte doucement que les deux peuvent cohabiter en sécurité.
Eliness, The Secret Garden, Hypothermia
La Lune Mauve m’a fait découvrir cet article de Tommy Dixon : Do what you can’t.
The more I did, the less tired I felt. The more hard things I attempted, even if I failed, the more my competence and confidence grew. […] Idleness is almost always a mistake. Waiting is not only debilitating and demoralizing, but also exhausting. When Hesiod said, « Hunger is the natural companion of the utterly idle man, » prosaically he meant literal hunger, but poetically he was pointing toward this immense dissatisfaction with life. This sentiment of aggravated emptiness that arises from being a passive participant, instead of an engaged actor.
Alors, je sais, on a souvent intériorisé l’injonction capitaliste à produire et à être rentable au point de l’appliquer à nos loisirs et à notre temps personnel, dont on veut tant profiter qu’on peine à les savourer, mais ce huge dissatisfaction with life fait vraiment écho après une semaine de vacances mentalement chaotique, à m’énerver d’une inertie qui ne me reposait pas — musculairement oui, mais mentalement non. Rien à faire, me ressourcer implique faire quelque chose.
Information abundance is a modern miracle but it’s also an impediment to agency.
Ne pas attendre de savoir faire pour faire. Apprendre à faire en faisant. Je le sais, pourtant.
It [real knowledge] requires a stubborn, almost silly, amount of trial and error and repetition, all as a form of love.
Be willing to suck for a long time.
Clairement là que le bât blesse.
Do what you can’t, until you learn that you can.
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C’est une journée pénible. Je ne suis pas à ce que je fais, quoi que je fasse. Rien ne trouve grâce à mes yeux. Je n’arrive pas à vivre dans le présent car le présent est constellé de pollution passée, et future.
Guillaume Vissac, 041025, Fuir est une pulsion
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Le pays natal, le vrai, ne se retrouve pas. Il revient — par fragments, à notre insu. Il est là, parfois, dans un geste qu’on fait sans y penser, dans une manière de replier un vêtement, d’ajuster une chaise, de tendre une assiette. Dans l’habitude de garder dans l’assiette la meilleure bouchée pour la fin, même si elle est froide.
#644, Les nuits échouées
Garder la meilleure bouchée pour la fin… je le fais souvent. Serait-ce quelque chose d’habituel au Vietnam ? ou juste une habitude d’enfance de celui qui écrit ?
On croit revenir sur les traces. Mais à force d’y revenir, on les use. À force de les fouler, on les efface. La mémoire, parfois, détruit ce qu’elle voulait retenir. À trop vouloir préserver, elle rend illisible.
Idem, découvert via Karl
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[…] je lui aurais griffé la main avec une petite fourchette pliable.
Christine Jeanney, block note — tigre, Tentatives
Cet accès de violence modérée me réjouit au plus haut point.
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[…] je m’offre l’illusion de croire que mes pupilles seront son appui durant toute sa performance […]
H., Dimanche 9 novembre, Prof en scène
C’est exactement, en mieux dit, ce que j’écrivais à propos de la Martha Graham Company !
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La vie handie c’est toujours anticiper et devoir calculer les conséquences […] apprendre à s’adapter oui, devoir être flexible oui, mais toujours d’abord pour les imprévus tristes ou chiants […]
C’est jamais, c’est si peu, laisser le temps et l’espace à l’imprévu d’une bonne nouvelle
d’une inspiration
d’une envie folle
Parfois ça ne vient pas au moment où je l’avais prévu […]. Parfois ça vient n’importe comment n’importe quand là et il faudrait savoir saisir ce moment. Pour arriver finalement à cette joie exaltante puis sereine, cette joie d’être exactement ce que je dois être et de faire exactement ce que je dois faire, au bon moment, au bon endroit.
Savoir saisir ces moments, savoir
les arracher à l’enchaînement mécanique et inflexible des tâches.
De plus en plus ces derniers mois, j’ai l’impression que de toutes façons, quoique je planifie ou pas comme temps de repos, temps de liberté, temps pour moi, j’aurai besoin d’avoir le sentiment d’échapper à quelque chose pour pouvoir vraiment en profiter.
Les heures qui se libèrent suite à une annulation sont plus libres que les heures habituellement sans emploi du temps.
Échapper à mes propres attentes écrasantes
Charlie, s’échapper, Pourquoi pas Autrement ?
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On se salue, et saluer n’est pas sourire.
Guillaume Vissac, 141025, Fuir est une pulsion
Tiens, c’est vrai, ça. Du mal pour ma part à saluer sans (esquisser un) sourire.