Revue de blogs #1

Inspirée par les citations des Carnets Web de La Grange, déçue d’avoir vu disparaître des blogs que j’aimais et doutant de la pérennité de mes partages sur Twitter, j’inaugure une revue de blogs (où il y aura aussi des newsletters, ces posts de blog qui s’ignorent). Comme pour mes lectures publiées sur papier, je vais conserver les extraits qui m’ont interpelée. C’est parti pour une première cuvée récoltée en décembre 2024.

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« She was an artist, like you. With a —I don’t know how to say this well— an ego that is large but self-esteem that is small? » Cleopatra & Frankenstein de Coco Mellors. 

Citation trouvée dans la newsletter de Sophie Gliocas

This hurts.

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Amélie Charcosset a interviewé Christie Vanbremeersch sur la place de la créativité dans sa vie et ça (re)donne du peps.

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« Seule mais pas triste seule et confiante en ma présence à moi. Ma propre main dans la mienne. Avec toutes les moi que j’ai été. »

Blog de Meredith B.

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« Aujourd’hui, j’étais bien avec les gens, et j’étais bien avec moi-même. Ce n’est pas si fréquent. »

Journal de Guillaume Vissac

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« Est-ce que les applications comme ChatGPT et les rapides progrès dans le domaine vont renforcer les relations humaines directes comme testament d’authenticité. Les examens oraux, les rencontres physiques, les performances artistiques ? »

Les Carnets Web de La Grange

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« … je n’ai jamais essayé d’écrire. Je ne sais même pas, par exemple, s’il existe une technique qu’on puisse apprendre pour ordonner la succession de faits extérieurs, avec la répercursion simultanée qu’ils ont dans notre âme.
La Nuit fantastique, Stefan Zweig »

Citation trouvée dans Les Carnets Web de La Grange

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« • Hyperstimulée comme une enfant de 5 ans qui aurait du se coucher depuis bien longtemps •  »

« • Soudain, entre deux magasins de vêtements, un mini temple sauvage apparaît ! •  »

Allez voir et lire les photographies et captures mentales d’Eli pendant trois jours à Osaka. <3

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« Quand j’écris, je me fiche des autres, je ne veux même pas les voir pour rester dans mon affaire, mais, dès que j’ai terminé un projet, je me sens éjecté, hors du coup, abandonné. » « Je suis un spécialiste du suicide social. Un récidiviste du suicide réussi. »

« Je mène une intense vie artistique à laquelle il manque le regard des autres. C’est d’une banalité à laquelle l’époque n’a rien changé, et que les réseaux sociaux n’ont fait qu’aggraver alors qu’ils promettaient la lumière à tous. »

Blog de Thierry Crouzet

Il est rare de lire à propos de cette frustration avec autant d’honnêteté (et même tout court ; on préfère la mettre sous le tapis).

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« L’amitié est une longue marche de quelques heures autour d’un parc, d’un quartier, sans définition de la direction, sans l’importance du lieu, si ce n’est parfois l’île d’une mémoire que l’on amarre au flot des mots qui ne cessent de diverger et reconverger vers un non but si ce n’est de déplier le monde et son humanité, leurs intimités, notre intimité dans d’innombrables plans chiffonnés éveillant tant les questions qui nous donnent l’existence et ouvrent les chemins déjà parcourus de nombreuses fois, mais que l’on redécouvre avec plaisir. »

Les Carnets Web de La Grange

<3 Voilà qui est écrire sur l’amitié.

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« Au milieu des colonnes de Buren, deux touristes amoureux vivent Paris. »

Il faut voir la photo qui va avec sur Les Carnets Web de La Grange.

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« Cette période des « fêtes », c’est un peu ça, aussi. Dès que tu refuses un peu explicitement de jouer le jeu, il se peut que tu te sentes un peu seul(e) au monde. »

Blog de Sacrip’anne

J’ai eu l’impression d’accéder un peu à ce que pouvait ressentir le boyfriend.

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« C’est l’une de mes nombreuses névroses, j’ai besoin de créer du sens. »

Prof en scène

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« On ne peut pas jardiner tous les souvenirs en même temps. »

Lieux fanés, Les Carnets Web de la Grange

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« […] all I can think about is this bed of elbows.
It’s what a friend once called the act of sleeping with someone for the first time and realising you have no physical chemistry. »

Un lit de coudes. Pardon mais cette expression est extra.

« They say that Americans are very friendly and I don’t think that’s entirely true. What they are is all or nothing: strangers can welcome you in with the warm smile of someone who has known you for half a lifetime, but they can also snap, seemingly out of nowhere, over the most minor infraction. […] They looked like they’d just encountered the stupidest person in the entire world and maybe I just didn’t deserve to be alive.
It made me long for Europe and for the fact that we’re never quite as friendly as they are but also rarely as rude. »

« On this note, I just don’t trust the American base of niceness, is the problem. It may seem pleasant at first but it means that people are often impossible to read. »

« I worry that there’s a fundamental lack of passion at the heart of the American soul. »

« […] I can’t imagine wanting to spend endless hours in the office or at the very least at a desk at home and not even being especially fascinated by what you do, or willing to discuss it with enthusiastic strangers. I actually enjoy hearing about what people do for a living! My job isn’t a real job so I love it when actual grown-ups tell me what happens in all those office buildings. »

(Sur ce coup, je pense qu’il s’agit moins d’une différence entre Européens et Américains qu’entre employé de bullshit job et indépendant.)

Out of the Way, de Tocqueville 
Marie Le Conte dans sa newsletter The Young Vulgarian

Bonus pour la découverte du terme flaking : si j’ai bien compris, annuler (et prendre plaisir à annuler) un événement prévu.

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« Ma vie personnelle et professionnelle n’est pas forcément plus facile en ce moment. Mais qu’elle est riche. De gens, de moments totalement fous. »

Prof en scène

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[l’enseignement] « C’est comme une suite d’embranchements, et il faut sans cesse choisir le bon. »
[…] C’est vraiment l’impression que j’ai. Selon leurs réactions, leurs questions, le temps qu’il me reste et l’importance du sujet, se déploie sous mes tempes un arbre d’infinies possibilités. Répondre à la question ou continuer le cours ? Recourir à une anecdote, expliciter chaque mot ? […] Une sorte de Livre dont vous êtes l’enseignant, voguer de paragraphe en paragraphe, à ceci près que l’on a que quelques secondes pour faire un choix, et qu’on ne peut revenir en arrière ou relancer les dés. »

Prof en scène

C’est fou comme je trouve chez Monsieur Samovar, professeur expérimenté qui roule sa bosse de collège en collège, l’expression de situations que je vis de manière très floue comme professeure de danse débutante. Les embranchements, la pensée qui explore les ramifications les plus proches à toute allure pour se décider, découvre et analyse les suivantes dans la foulée, c’est tellement ça !

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« I guess it is entirely reasonable to struggle in these conditions, and I foresee more struggling, but perhaps there is a way I can struggle with grace. »

Winnie Lim, looking back at 2024

Tourner court

 

Vœu pieux : tourner mes billets avec plus de concision sans pour autant que la pensée y tourne court. Peux toujours courir, je crois.

 

Des brèves de cinéma qui ne deviennent pas desséchées comme des dépêches AFP à la longue : Vu au cinéma, un blog de critiques totalement subjectives au format post-it. Ce Manuel Vaïda ne semble pas payer de mine avec ses grimaces qui rappellent les vignettes de Télérama, mais il pourrait bien avoir un ticket de votre part. « Ne mâche pas. Ne déflore pas. N’en rajoute pas. » Tout ce que je ne fais pas.

 

 

Du blogueur in-carnet

Traînée à Paris-Carnet, une réunion mensuelle de blogueurs en chair et en os (quoique… est-ce qu’un blogueur sans ordinateur en est encore un ?), j’ai pu avoir une piqûre de rappel de mon manque d’aisance à engager une conversation. D’autant qu’avec la musique, pourtant pas trop envahissante, j’avais l’impression d’être sourde – voire cruche, comme en arrivant où j’ai cru à tort qu’on s’adressait à moi, parce que j’avais attrapé un regard sans entendre les paroles qui m’auraient appris qu’elles ne m’étaient pas plus destinées que ledit regard. Une fois installée et bien calée dans ma chaise, ça va mieux. C’est un peu comme lorsqu’à la gare on arrive sur le quai : tandis qu’on avance pour être à la hauteur de la sortie désirée à l’arrivée et qu’on traverse l’espèce de podium créé par la file de passagers en retrait par rapport à la voie –éloignez-vous de la bordure du quai, s’il-vous-plaît– , on a la sensation d’être entièrement dévisagé par cette haie de déshonneur, qui a pris racine ; sitôt rentré dans le rang, quelques secondes suffisent à s’y fondre, et l’on peut à son tour voir sans être vu, les yeux pris dans la muraille invisible des corps alignés.

La maladresse de l’installation, toujours latente à cause d’une chaise décalée, du sac à poser ou d’un espace un peu juste entre les tables, n’a plus cours une fois assise dans ce café (restaurant, bar ?). Le corps rangé n’expose plus au regard, mais celui-ci y est logé, presque dissimulé à l’intérieur, comme si l’on épiait l’extérieur depuis une cabane d’enfant : le spectateur est tranquillement assis derrière sa table. Il suffit que l’on vous parle pour que brusquement le corps cesse d’être une cachette. La peau rétrécit, ou vous vous dilatez : vous en occupez à nouveau tout l’espace ; comme le grand pull sous lequel on se blottissait est maintenant moulant d’avoir bouilli à la machine, la peau s’ajuste à l’exacte dimension de votre moi qui l’a réinvestie. Délogée de votre poste d’observation, vous êtes sommée, vous avec vos couverts dans les mains et votre robe rouge sur le dos, de prendre part à la conversation.

 

Ces minuscules tropismes sont évidemment beaucoup moins terribles que leur description, recouverts par le bruit des rires, de la musique, des âneries et des vérités proférées avec enthousiasme. Un rire inclassable et monstrueux, qui reléguerait celui du Vates à un discret gloussement, secoue une chemise colorée et un chapeau blanc, avec quelques ondes de choc aux tables alentours, tant on est surpris de ce rire qu’on est bien obligé de qualifier de tel à défaut d’autre chose. Il y avait Alecska, que j’ai loupée (seul blogueuse que je suivais depuis un petit moment), Mademoiselle Moi, que j’ai découvert avec plaisir. Il y a comme ça des gens que l’on trouve franchement sympathiques, en dépit de la pauvreté de cette expression. Une ancienne khâgneuse qui reconnaît qu’on met du temps à en sortir et que, lorsqu’on se retrouve entre anciens, la conversation dévie inévitablement sur le sujet. Déjà cependant, on n’a pas vraiment parlé de la prépa, mais de son « après », ce qu’on en garde une fois que l’on s’est dépouillé de son formatage, de son orgueil et de ses frustrations (celles-ci n’étant rien d’autre qu’un effet de celui-là – risibles en fin de compte). Cela m’a mise de bonne humeur, il est toujours plaisant de deviner (qu’on se trouve en face de) quelqu’un. Puis la surprise, de retour chez moi, devant mon ordinateur, d’apprendre qu’elle a le sentiment d’être timide. Que devrais-je dire, alors que chemise bleue et sourire de moelleux au chocolat (désolée pour la caractérisation, j’ai un trou de mémoire) m’a fait remarquer qu’ils n’allaient pas me manger, et que je pouvais cesser de marteler la table avec la tranche des mains comme si je découpais des sushis au hachoir ?

 

Il y a aussi eu des flashs démultipliés par le reflet des glaces qui permettent aussi de surprendre une personne ou d’esquiver un photographe – c’est qu’ils sont légions dans la blogosphère. Il est d’ailleurs assez amusant de repérer certaines données récurrentes qui pourraient en esquisser une typologie – ce qui ferait que les blogueurs, même en l’absence de leur écran, forment un certain groupe. Pas mal d’informaticiens d’un côté, et de lettrés/sorbonnardes de l’autre. Il ne faudrait pas schématiser, puisque l’on trouve aussi des professeurs, policiers et autres professions et que tout ce petit monde se mélange. Il n’en reste pas moins qu’on y retrouve deux données constitutives du blog, l’écriture et l’ordinateur.

 

Impossible de faire le détail de toute cette soirée (là où l’on voit ce que ça donne de rédiger sur l’ordinateur, qui offre du blanco et des paperolles à l’inifini. Ca commence bref, et on truffe de paragraphes parasite) , d’autant que cela a duré un bon moment et que j’ai un mal fou à retenir l’association visage-nom-pseudo-blog(s) (déjà que sur une classe de quinze, je peux encore avoir des doutes aux trois-quarts de l’année…). Pour avoir les liens des gens présents, vus, inaperçus, écoutés ou adressés, c’est ici. On y trouve aussi des photos de la soirée, ici, par exemple (j’aime particulièrement le jeu de reflet et de cadrage de celle-là – c’est lui, chemise bleue et sourire de moelleux au chocolat). Si la curiosité vous y pousse, vous remarquerez peut-être que la plupart sont loin d’être des gamins. Je devais être l’une des plus jeunes ; en même temps, il faudrait que je fasse attention, je suis encore tombée des nues en apprenant que notre voisin de table n’avait que deux ans de plus que moi. Comme beaucoup d’autre, je l’ai placé derrière une ligne (pas infranchissable mais bien séparatrice) délimitant une zone « adulte » que je regarde depuis l’autre côté. J’ai décidemment du mal avec les âges, ne sachant pas trop si je vieillis à outrance ou si je me considère à tort ou à raison comme (encore ?) une gamine. Qui se barre en sautillant.