Arrêt sur lecture

Plutôt corne ou marque-page?

Question d’hérétique ! Une corne ! S’il y a une chose sur laquelle je suis d’une maniaquerie hystérique, c’est bien l’aspect du livre. Lorsque j’ai vu l’état dans lequel les Stoïciens II est arrivé, j’ai failli faire une crise d’apoplexie. La couverture pliée en trois, de manière assez violente à plier également la majeure partie des quelques 700 pages de ce pavé. Pire encore lorsque la pliure se trouve à l’endroit où l’on tient le livre, cela peut aller jusqu’à me distraire de ma lecture – en même temps, il ne faut pas grand-chose pour être diverti de la Physique d’Aristote. Pas de corne, donc, pas non plus d’accent circonflexe échoué par terre (ou alors le temps d’attraper une tasse de thé) – j’ai déjà tendance lors de ma lecture à ne pas ouvrir complètement le livre pour ne pas marquer la tranche… Vous comprendrez pourquoi j’ai dû m’éduquer aux étiquettes jaunes de Gibert : de grands progrès ont été fait, puisque j’ai déjà acheté un livre surligné. Mais revenons à nos questions : pas de corne, mais souvent pas de marque page non plus, tout au plus un bout de papier ou un ticket de caisse qui traîne dans les parages. Le plus souvent, j’essaye de me souvenir du numéro de la page et 8 fois sur 10, je dois feuilleter un peu avant de la retrouver.

As-tu déjà reçu un livre en cadeau ?

Oui. Réponse succincte contrebalançant l’excès de la réponse précédente.

Lis-tu dans ton bain?

Ravie de voir à cette question que je ne suis pas la seule à m’adonner à cette pratique. Il suffit de choisir un livre assez léger et de remettre de l’eau chaude toutes les demi-heures. =D

As-tu déjà pensé à écrire un livre?

Ce n’est de toute façon pas plus avec des pensées qu’avec des idées que l’on peut en écrire un.

Que penses-tu des séries de plusieurs tomes?

La trilogie est souvent une bonne formule –même si l’on se demande parfois s’il ne s’agit pas uniquement d’un procédé commercial pour faire du 1 en 3 (la preuve qu’on ne vend pas un livre comme du shampoing). Au-delà, cela a tendance à s’essouffler, la connivence avec les personnages devient plutôt une lassitude (on supporte déjà les tics de notre entourage, s’il faut en plus avoir celles de la caractérisation dans nos lectures…). Cela dit, tout dépend de ce qu’on entend par série : celle des Hercule Poirot (que je préfère à Miss Marple), où le lien entre les livres est secondaire à l’intrigue, n’a rien à voir avec… avec quoi, d’ailleurs ? Je suis en train de dire ce que « je pense des séries en plusieurs tomes », mais je n’en ai pas lu tant que ça au final. Je parle de tendance à s’essouffler, mais j’ai adoré Harry Potter (l’essoufflement dans l’épilogue ne compte pas), Artemis Fowl, le Livre des étoiles et garde un bon souvenir de la saga d’Anne (au Pignons verts), de Lucy Maud Montgomery. Bon voilà, je ne pense plus.

As-tu un livre culte?

L’adjectif numéral étant trop restrictif et ma capacité à faire des choix limitée, je refuse de répondre à cette question.

Aimes-tu relire?

Hormis Rousseau, oui (mais je suis de mauvaise foi, pour relire Rousseau il faudrait déjà que je l’aie lu). On redécouvre toujours un petit quelque chose, une expression à savourer, et les procédés d’écriture deviennent plus visibles et relancent avec l’intelligence de la lecture la curiosité. Mais, avec tout ce que j’ai à lire, je prends de moins en moins le temps de relire.

Rencontrer ou ne pas rencontrer les auteurs de livres qu’on a aimé?

D’une manière générale, j’aime une œuvre et me fous pas mal de son auteur- surtout que dans la plupart des cas il est mort, et que rendre visite à sa tombe n’apportera pas un discours très enrichissant. Le seul auteur que j’ai « rencontré », c’est Daniel Pennac au salon du livre, ayant cédé à la curiosité de savoir qui pouvait être le créateur d’un bouc émissaire professionnel : deux yeux noisettes rieurs, et un crayon que ça démangeait de dessiner. Une image sympathique.

Aimes-tu parler de tes lectures?

Oui, even though je ne sais pas nécessairement bien en parler.

Comment choisis-tu tes livres?

Bibliographie et cadeaux obligent, je n’ai pas choisi de livre depuis une éternité. Pas au hasard du moins : j’ai tendance à me diriger vers les auteurs que je connais. Avant, le titre, la couverture, la collection… l’épaisseur aussi, un temps où j’affectionnais particulièrement les pavés.

Une lecture inavouable?

Question vouée à rester sans réponse : ou bien ce n’est pas le cas, ou bien on ne l’avoue pas.

Des endroits préférés pour lire?

Le bain ou un endroit silencieux. Tout ce qui est confortable et ne ressemble pas à une table. Le problème principal, en fait, c’est la position : être avachie est fort agréable – jusqu’à ce que survienne l’engourdissement. Assise sur mon lit, le dos calé contre le mur – les 2/3 du dos contre le mur – les épaules adossées au mur… crampe… allongée sur le ventre… mal au creux du dos… sur le côté… plus de sang dans la main qui soutient la tête… sur le dos… le livre cache la lumière… (éventuellement en grand écart par terre) et rebelote… assise sur mon lit… etc.

Un livre idéal pour toi serait:

Un livre auquel je ne m’attends pas et que je ne peux donc pas décrire.

Lire par dessus l’épaule?

A part les cartes postales, non. On n’a jamais le même rythme de lecture (ma mère lit au rythme de ma lecture en diagonale, par exemple) Et quoi de plus agaçant que d’attendre au bas d’une page, en clignant des yeux comme un curseur clignotant ? Ou inversement, que de se faire dérober la fin d’un paragraphe ?

Lire et manger?

Boire du thé, surtout. Mais comme le thé vaut d’abord pour les gâteaux qui l’accompagnent… lire et manger, certainement, du moment qu’on n’a pas les doigts gras ou qu’on ne laisse pas tomber des débris
copeaux de chocolats entre les pages.

Lecture en musique, en silence, peu importe?

En silence.

Lire un livre électronique ?

La revue des blogs me bousille déjà assez les yeux. Et je doute qu’un livre électronique diffuse une odeur d’encre.

Le livre vous tombe des mains : aller jusqu’au bout ou pas?

Oui. Quitte à le reprendre une autre fois. Mais du moins l’on peut ainsi critiquer en connaissance de cause.

Par curiosité, je rajouterais bien quelques questions, histoires de savoir si je suis ou non la seule à ne pas sauter de paragraphe (quitte à songer pendant ce temps au dîner et ne pas vraiment me souvenir de ce dont il est question), si vous faites des pauses au milieu de votre lecture pour imaginer telle attitude, comprendre telle chose ou imaginer telle autre, ou encore si les livres sont votre principale mine de cadeaux. Je tag ou re-tag (pour ceux qui ne se sont pas encore soumis à la question) Melendili, Yannick, Bamboo, Sarah, V.

Introduction à la méthode de Valéry

Un titre aussi pompeux  que le sien. Introduction à la méthode de Léonard de Vinci. Toute la retenue requise face à ce poids lourd des arts, toutes catégories confondues, certes. Toute la retenue attendue. Quelques traits, une simple esquisse, pas même un plan, non. Une introduction. Seulement, au bout de quelques pages, ce n’est pas vraiment l’impression qu’on en a, mais plutôt :

1° (à lire sur un ton tout doctoral, « petit un », sans oubli la liaison, « petitain »)
Léonard de Vinci choisi par Valéry : un grand nom à la mesure de son grand talent (je vous laisse deviner sur quel adjectif je fais peser l’ironie). Un grand nom presqu’usurpé, prétexte et garantie apposée comme un sceau sur la couverture du livre.

  La méthode : la seule, l’unique. Moi, Valéry, chevalier des arts et des lettres, pourfendeur de l’ignoble philosophie, j’ai compris la méthode du célèbre peintre, géomètre, inventeur etc. Veni, vidi, Vinci.

Introduction. Ayant compris « au sens fort du mot » la méthode du génie, je consens à vous l’expliquer, à vous le simplifier pour que vous puissiez comprendre, que dis-je, entrevoir le fonctionnement de cet esprit.

            Valéry est peut-être un génie (il ne s’agit pas d’une concession, mais d’un « peut-être » dans toute la force de son incertitude – je n’arrive pas à me décider), mais il lui manque un peu de simplicité pour être génial. Il y a sûrement du génie chez Valéry (là, c’est une concessive), mais il est noyé sous le désir de faire du Valéry. Que je t’emberlificote tout ça – seul le fruit de sa pensée qu’il aura oublié d’emmailloter pourra gueuler à pleine voix. C’est si simple qu’il en rajoute en marge. Vous comprenez, ce travail de jeunesse a besoin d’être reprécisé. « J’écrirais ce paragraphe premier tout autrement aujourd’hui » : vous n’aimez pas, pas d’inquiétude, il a progressé ; vous avez aimé, pas d’inquiétude, vous trouverez une qualité constante sinon largement supérieure, c’est l’antéposition de l’adjectif qui vous le dit.

            Il dit je, il dit on. Bah alors, qu’est-ce que c’est qu’y veut donc, l’jeune homme ? En bonne mégère de café littéraire, je le regarde par-dessus mon comptoir, à livre ouvert. Il n’aime pas. Les lignes se resserrent et tirent la langue tire-bouchonnent. Les phrases s’emmêlent dans un embrouillamini de justification à la « viens là que j’t’embrouille ». Les accents froncent le sourcil, les petits mots lancent l’offensive en italique et les grands grondent. Tout ce petit monde intérieur boude en marmonnant et marmonne en boudant ; le caprice achève la laideur. C’n’est pas beau de se mettre en colère contre les gens parce qu’ils vous font remarquer que vous faites le bêcheur. Une magnifique moue dédaigneuse vous assure que, non, il n’est pas prétentieux. Vous n’avez qu’à lire. Et menteur avec ça.

            D’accord, il me faut avouer avoir quelques préjugés à l’égard de ce petit garçon. Un petit contentieux scolaire. Il n’y a pas idée de donner de mauvaises idées aux professeurs, aussi. « Philosopher en vers, c’est vouloir jouer aux échecs selon les règles du jeu de dames. » Je t’en pose, moi, des questions ? De là à écrire « Valéry au bûcher » au tableau… le coin (de la bibliothèque) suffira.

 

            Même les éditeurs s’amusent. Regardez la couverture. Saint Jean-Baptiste, un doigt pointé vers le titre, l’autre sur sa poitrine, ne s’en laisse pas compter : ça… moi ? Vinci par Valéry ? Vraiment ?