Sachant que j’ai déjà le permis, A comme…

Admissible.

Blanc

-Aaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaah.

Re-blanc.

-Aaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaah.

Sachant que seules comptent les paroles sans importance, vous montrerez en quoi la répétition de la même onomatopée recouvre deux significations différentes.

Trêve de plaisanterie. A partir de maintenant quiconque me voit glander a le devoir de me botter les fesses. Y’a un mois sans histoire à rattraper, du petit latin à faire, devenir bilingue en anglais, connaître tout Leibniz et Aristote sur le bout des doigts et puis euh… tout ça quoi. Et le Vates Lyricus est admissible. Et il y a six sous-a dans la classe. Aaaaaaaaaaaaaaaaah !  

I would prefer not to

Bartleby a ceci de vrai qu’il ne refuse pas à proprement parler – il préférerait ne pas. Ne pas – point. Moi, c’est moins métaphysique : je préférerais ne pas me repointer. On s’est déjà développé en deux dimensions, largement étalés sur nos copies avec des têtes de dix pieds de long, alors entrer dans la troisième dimension… Certes, khûber nous donnerait peut-être plus de profondeur. Mais c’est aussi là que se présente le gouffre. Avant de sauter à pieds joints et poignet délié (on ne joue pas à la marelle où le dernière case est toujours le septième ciel), je préfèrerais m’assurer d’un parachute – alors je me sers de l’attente des résultats comme un parapluie. Les baleines ploient un peu sous les giboulées professorales. On a compris que la formation n’était pas « hypokhâgne, khâgne » mais « hypokhâgne, khâgne, khâgne ». Encore heureux que l’on n’incite pas les khûbes à bikhâter, on pourrait croire entendre des chèvres chevrotantes. Et nous de suivre comme des brebis, d’ânonner pendant encore un an au bic. Débilitant. Pourtant la tortue devrait le savoir d’après ce bon vieux Marx : en histoire, les événements se répètent deux fois, la première comme tragédie, la seconde comme comédie. La khâgne classique a eu ses grandes répliques, ses tirades sans rime(l) ni saison , son décor très Louis XIV et son destin arbitraire, car « tel est notre bon plaisir ». Nous de majesté aimerions bien ne pas être ridiculisés en une seconde année burlesque. La khâgne class-hic répliquerait avec la grande artillerie, nous tiraillerait à tire larigot pour à la fin de sa révolution réclamer notre abdication. Le comique de répétition à ses limites. La perspective du burlesque ne me fait pas rire et je n’ai pas grande envie que l’actuel dilemme cornélien du mauvais histrion m’expédie ratio militari dans le théâtre de l’absurde. Temps du salut (à la fac). Mais le rideau ne tombe pas.

Voyez-vous, je préférerais ne pas khûber. Pas franchement envie.
Mais le problème est que je voudrais vouloir khûber.
Donc je voudrais ne pas vouloir vouloir khûber.
Je me dis qu’ils vont déguster l’année prochaine, avec toutes les épreuves en six heures, le commentaire latin, la science comme thème de philo… rien que pour ça,  ça vaut la peine de ne pas khûber. « Donc tu es toujours en train de te convaincre de ne pas khûber », souligne ma mère. La porte du frigo est restée un moment bouche bée et a répondu à ma place par une sorte de bruit de mouche. I would prefer not to.

Aristote pour les nuls

  
    Un petit article pour présenter ce que nous a fait vivre l’auteur de la Physique, ce qu’il est pour moi (merci de garder pour vous la conclusion du syllogisme qui s’impose naturellement à votre esprit) – mis à part un emmerdeur de première. Attention, risque d’ennui mortel (expression qui n’est malheureusement pas ici à prendre comme une litote). Que ceux qui en ont déjà marre donnent quelques coups de molettes de souris pour trouver la sortie de secours.

Aristote est siphonné

 Aristote est siphonné. [copyright Monkeyz, évidemment]

Que l’humour aristotélicien est non-étant

    Aristote est grec, je ne vous apprends rien. Mais on sent dans le choix de ses exemples qu’il est un pochtron pieux fidèle de Bacchus : «  On appelle un soit le continu, soit l’indivisible, soit les choses dont la formule de l’être essentiel est la même et unique, comme jus de la treille et vin. » Le vin essentiel à la compréhension de la Physique, d’où peut-être une certaine ivresse de la tortue lorsqu’elle a enchaîné les envolées lyriques :
– sur une aporie : « Et c’est là qu’Aristote est génialement gêné. » Et quand c’est à nous de l’expliquer et d’y trouver une raison suffisante, nous sommes juste médiocrement mauvais.
        
peu après « Et là le vide arrive, comme Zorro. » 

En parlant des films à grosse production, je vous recommande également  Aristote et ses exemples à haute teneur en effets spéciaux pour un peu d’inspiration : IV 8 « En effet, l’air est quelque chose, pourtant on n’en a pas l’impression ; de même en serait-il pou l’eau, pour les poissons s’ils étaient en fer. Car c’est par le toucher que se fait la discrimination du sensible. » Cherry on top, la note en bas de page : « Ce paragraphe ne semble lu par aucun des commentateurs, mais figure bien dans les manuscrits » Tu m’étonnes… j’adore l’humour de Pellegrin (moins sa traduction, d’ailleurs « remaniée » pour le sujet du concours et où on avait peine à retrouver la traduction d’origine).

Logique de l’absurde : un texte en puissance de signifier quelque chose

« L’être est, le non-être n’est pas. » Cette petite phrase de Parménide, qui n’a l’air de rien, nous avait bien fait rire l’année dernière. Plus jaune cette année, car Aristote y est fidèle. C’est un homme qui aime tant la logique qu’il poursuit les développements absurdes des philosophes qu’il réfute… logiquement. Par exemple, en I 4 187b 35 (que diable, il faut des références précises, nous serine la tortue), il réfute Anaxagore qui pose que, puisqu’une chose ne peut pas venir du néant, tout doit déjà être là, tous les éléments doivent se trouver les uns dans les autres. Aristote « simplifie » l’idée en pensant deux éléments que sont la chaire et l’eau, et s’emploie joyeusement à prouver qu’on ne peut extraire l’un des éléments de l’autre : « En outre, si, d’une part, tout corps devient nécessairement plus petit quand on en a soustrait quelque chose, et que, d’autre part, la quantité de chair est limitée en grandeur ou en petitesse, manifestement aucun corps ne pourra être extrait de la plus petite partie de chair. En effet, il sera moindre que le minimum. » Mais ce que je préfère, c’est la fin du paragraphe : « Mais c’est déraisonnable. » Merci du commentaire.
    Amusez-vous ensuite à trouver la logique de l’absurde dans ce raisonnement plein de vide : IV 8 « Même pour qui le considère pour lui-même, ce qui est appelé vide apparaîtra comme vraiment vide. En effet, de même que si l’on plonge un cube dans l’eau, un volume d’eau égal à celui du cube sera déplacé, de même en est-il aussi dans l’air. […] Mais cela est assurément impossible dans le vide (car il n’est pas un corps), mais il faudrait qu’une extension égale à celle du cube, laquelle était auparavant dans le vide, ait passé à travers le cube, comme si l’eau, ou l’air, n’avait pas changé de place avec le cube de bois, mais l’avait pénétré dans toutes les directions. » C’est beau comme de la poésie surréaliste. Le problème, c’est que l’on ne peut pas se draper d’hermétisme et déclarer que la musicalité nous a fait rêver. Cauchemar d’articulations boiteuses et parfois inutiles : en « mais », fais ce qu’il te plaît.

           
Et puis là, pas d’idée de titre parce que c’est une partie poubelle (une troisième partie, quoi)

    Aristote est également mauvais joueur. Une petite caricature de l’adversaire, et hop, réfuté. Un sacré prestidigitateur.  L’un de ses tours de passe-passe les plus réussis est en effet de montrer comme un étant peut changer tout en demeurant toujours lui-même. Pour ce tour de magie, vous aurez besoin d’un substrat, de deux attributs contraires, et d’une aspirine. Un étant est toujours composé d’un substrat qui demeure et de quelque chose qui provient de son contraire (sans en être issu, sinon ce n’est pas drôle). Socrate illettré n’est pas le même que Socrate lettré, et pourtant c’est toujours la même personne ; seulement, l’apprentissage des lettres reconfigure l’ensemble de l’être. Ouais, c’est beau. La tortue nous l’a expliqué comme ceci (attention les yeux, extrait de prise de notes) : ex. du khâgneux qui devient normalien. Il y a passage d’un opposé à l’autre et un sujet qui devient puisque il y a bien qq qui est passé de khâgneux à normalien. Le khâgneux est l’absence de la forme normalienne. Le normalien advient du non normalien. On passe à la figure normalienne depuis l’absence de normalien (khâgneux) et depuis soi (Pierre, Paul ou Jacques, identité qui reste) [une chance infinie pour vous, vous échappez aujourd’hui à Perrette, autre doux nom chéri par la tortue] blablabla, d’où que l’on ne vient pas d’un non-être absolu mais relatif : le khâgneux n’est pas un non étant [quoique…] : il est en puissant d’être normalien. Cependant, l’absence de figure n’est pas indétermination : il serait contradictoire qu’après khâgne lettres, on réussisse Normale maths. Pas en puissance de cela. [Démonstration de l’anthropocentrisme normalien : on notera le contre-exemple extrêmement exotique – pas même hec ou polytechnique, non, normale maths.].                                                                                                                                                                                                                                                                                   
    Lorsqu’il ne sait pas comment introduire sa petite thèse perso, Aristote l’attribue à l’opinion commune et s’en réclame. C’est peut-être pour cela qu’il est récupé
ré par le marketing. A chaque fois que la tortue répétait que devenir, c’est demeurer le même tout en changeant, je ne peux pas m’empêcher de penser Kangoo !! Mais si, rappelez-vous cettepublicité pour un véhicule utilitaire, avec Wallace et Gromit au contrôle technique : « C’est le même, mais en différent. Kangoo ! » Ou comment faire du neuf avec du vieux. Du marketing aristotélicien. C’est dingue, non ? ou alors c’est moi qui le suis devenue – possible… puisque je suis en puissance de le devenir.

 
* sortie de secours : parce que le plaisir de piétiner les grandes thèses n’est pas le privilège des playmobils, des BD parodiques sur les philosophes, que m’a fait découvrir le Vates, et qui m’ont bien fait rire. Parmi mes préférées, la 1, la 16, la 40, la 45… presque toutes en fait.

Dé-corps-tic et caetera

     Je suis toujours surprise en émergeant de mes révisions de découvrir que mon corps ne se limite pas aux joues malaxées comme de la pate à modeler (à force de se prendre la tête, dans les mains ou non) et à la mèche de cheveux que je graisse consciencieusement (quoiqu’inconsciemment) de la main gauche (ne vous coupez jamais les cheveux avant une période de révision – côtoyer Kant est déjà une épreuve en soi, mais incarcérée derrière des barreaux de cheveux, ça l’est par (devant) soi). Je redécouvre que la colonne vertébrale, tout comme ses homonymes corinthiens, doriques, ioniques etc. a pour vocation d’être verticale – et si possible, pas en l’état des temples grecs. J’ai le fronton en surchauffe : y’en a ras le palimpseste, on ne peut plus rien graver. La culpabilité s’est fait prendre à son propre jeu, je ne l’entends même plus couiner sous les débris de raisonnements philosophiques. Pas d’inquiétude cependant, elle a délégué une remplaçante redoutablement efficace, et l’angoisse atroce, despotique,
Sur mon crâne incliné plante son drapeau noir.
Ce serait sympathique de sa part de ne pas transformer mon crâne en devanture d’ambassade, et de ne pas perforer ma mémoire à coup de drapeaux revendicateurs, parce que je ne m’appelle pas Baudelaire, et que sans Mnémosyne, je suis perdue.