C’est la fin des haricots mais pas seulement

Abandon des neurones pour l’estomac

    Tout cela s’est conclu par un dîner chez la prof d’espagnol où l’on a bien ri et délicieusement mangé. Où j’ai taché ma robe, reçu un nouveau livre de mon professeur d’anglais, fait face aux assauts philosophiques de notre professeurs qui a tellement enfoncé le couteau dans la plaie qu’il a obtenu une magnifique charpie tout ce qu’il y a de plus épique (et donc hyperbolique), mangé des tapas, offert des macarons qui avaient été aussi secoués que moi toute la journée durant, vanné ma prof de français, écouté les déboires de la prof d’espagnol, fait la bise à mon professeur de philosophie, constaté que je n’étais pas la seule boulette à ne pas réussir à faire la bise à quelqu’un qui a aussi des lunettes, fini les plats et fignolé les dossiers de ma future fonction de maître chanteur.

Séquence émotion

    Oui, la même qu’aux oscars quand une fois la statuette en main, on dit merci à tant de monde qu’on aurait plus vite fait d’énumérer ceux que l’on ne remercie pas. Sauf que je n’ai pas la statuette, mais elle n’est qu’un prétexte, là ne réside pas l’essence de la séquence émotion. Vous êtes prêts ? Merci à tous ceux qui m’ont supportée (que cela soit au sens anglais ou français du terme, mais malheureusement pour vous et heureusement pour moi, vous êtes souvent bilingues) : famille, professeurs (qui je l’espère bien ne tomberont jamais ici), le jury (seulement si l’on peut penser qu’ils risqueraient d’avoir l’idée sotte et grenue d’atterrir dans mes pâquerettes), correspondants msn et amis. Parce qu’on a beau dire qu’on reconnaît ses amis dans le malheur, je trouve que c’est plutôt lorsque l’on trouve quelqu’un pour partager sa joyeuse hystérie. Il n’y a vraiment que des amis (mes amis même, je dirais en tout égoïsme) qui, si envie il y a, réussissent à ce qu’elle ne dégénère pas en jalousie, et sont contents avec vous et pas seulement pour vous selon la formule toute faite, à consommer sur place et certainement pas à emporter. J’ai peur de me faire virer chez Skyblog, alors, même si je n’ai pas de chat et que je n’écris pas de toutes les couleurs, je vais tout de même m’arrêter là. Au risque de paraître ingrate. ^^

Et maintenant, je vais m’appliquer de toutes mes forces à ne rien faire. Parce que l‘année prochaine commence dans un mois et demi.  

And the looser is…

    Je me réveillais tous les matins, entre 5 et 7h avec ce charmant rythme binaire en tête : « Et si j’intègre ? et si je n’intègre pas ? , qui devenait bientôt un rythme quaternaire « Et si j’intègre et la Vates pas ? et si je n’intègre pas et le Vates, si ? » pour ensuite atteindre un rythme non classifié « Et si on khûbe tous les deux, est-ce que Melendili khûbe avec nous ? Et si je khûbe et le Vates pas, est-ce que Melendili khûbe aussi ? Et si je khûbe toute seule, est-ce que je khûbe vraiment ? Et si… ». Heureusement, le soir, je tombais comme une masse et m’endomrais aussi sec. Un rêve idiot : le Vates intègre, moi pas, je pleure comme une madeleine en pleurnichant « non, mais je suis contente pour toi, ça en se voit pas, mais si, hein, je suis contente pour toi ». A côté, les feux de l’amour n’est jamais mélodramatique. Un autre rêve idiot, mais pas le mien, cette fois-ci : « L’autofiction est-elle républicaine ? » à traiter en philosophie. Pourquoi pas.

    Un niveau d’angoisse jamais atteint, et c’est psycho khâgneuse qui vous parle. Normalement, en concours de danse, je mangeais comme un ogre le matin, le coup de dent rageur dans le Nutella a du bon. Et là, l’envie de vomir à l’idée d’un vrai repas équilibré (remarquez, j’avais peut-être bu un peu trop de chocolat chaud).

    Alors les résultats
On a parcouru cette pauvre liste de deux pages en quelques secondes, puis relu plus lentement pour vérifier qu’il n’y avait aucun de nos deux noms. La première chose qui m’est venue à l’esprit et conséquemment à la bouche, c’est « ah non, il va falloir khûber ». La déception. Parce que même si c’est déjà une chance inouïe d’être admissible en khârré, même si c’est extrêmement rare d’intégrer en khârré, même si la formation ce n’est pas hypokhâgne, khâgne, mais hypokhâgne, khâgne, khâgne, même si l’essentiel ce sont les progrès intellectuels qu’on a pu faire pendant l’année, même si je me souvenais du « admissible, peut-être, admise, non » de mon professeur de philosophie, on est quand même déçu. C’est idiot mais on commençait à y croire. Là, on n’y croit plus et on n’en croit pas non plus nos yeux quand on a enfin accès à nos notes (d’oral mais aussi d’écrit). « Je ne pensais pas que ce serait autant… enfin autant… dans ce sens-là ». J’adore mes professeurs. Mais c’était tellement bas que ça en devenait presque comique. Je veux dire, ce n’est pas tous les jours qu’on fait le grand écart entre 2 et 12. Une expérience… 2, je n’avais jamais eu ça autre part qu’en thème latin en HK. Ca m’amuse beaucoup plus que le 6,5 en commentaire anglais. Même si sur le coup, je n’avais pas du tout l’air de m’amuser. Et que je n’avais pas comme le Vates un 18 en écrit de français auquel me raccrocher (avouez que c’est tout de même la classe internationale – j’attends avec impatience le rapport pour le voir dedans).

            Il m’a fallu une certaine concentration pour essayer de garder une tête à peu près convenable, puis pour retrouver une tête convenable avant la confession. J’aimerais d’ailleurs savoir qui est censé se confesser : le candidat ou le correcteur ? Moments instructifs, tant au point de vue des exigences (il faut lire du latin couramment -là j’ai eu envie de rire de bon cœur, mais je me suis retenue) que des admissibles non admis des grandes prépas. Je ne sais pas si la majorité est comme cela (et la khârré d’HIV une exception) ou si c’est juste l’amertume qui les rend ainsi, mais certaines étaient tout simplement imbuvables : « non, mais je ne comprends pas, machine a eu 19, j’ai seulement eu 15, alors que d’habitude, j’ai toujours la plus haute note. » La montagne dorée, mes amis, c’est du plaqué or qui s’effrite rapidement. Je ne sais pas comment certains recalés trouvaient encore le moyen de se vanter quand, même quand on sait raisonnablement que etc., le sentiment qui domine est quand même celui de l’échec. Une bonne claque dans la gueule qui devrait leur rendre un peu d’humilité. Eh bien non, ils sont déjà en croisade pour l’année prochaine. S’ils pouvaient décourager quelques khûbes potentiels, ce ne serait pas de refus. De quoi vous redonner envie de khûber, et dans votre khâgne de semi-province. Même si sur le moment, énervée, épuisée

        vidée-

 j’ai sérieusement songé à aller en fac. Ecrit et oral, au final, cela fait deux concours qui vous achèvent gentiment. Ce n’est pas tant d’être collé que la perpective des efforts à fournir qui est déprimant. Se méfier de l’envie d’avoir plus le concours que l’école proprement dite.

    Quoiqu’il en soit, j’ai le regret de vous annoncer que vous aurez encore à supporter mes geignements pendant un an. Préférez ne pas imaginer ce qu’il se passerait si jamais je n’étais pas de nouveau admissible. Non plus lamentations² mais lamentations³.

 

Admise…

… à khûber.

Cela avait beaucoup fait rire ma mère de lire mon bulletin et de voir cochée à côté des « Félicitations » la case « admise à redoubler ». C’est un peu pareil, là.

Sauf que je vais entrer dans la troisième dimension. Celle du khûbe.

Que dire des oraux et de la « vie d’admissible » ?

Eprouvant.

Bien sûr qu’on (y’a le Vates aussi, ne l’oublions pas) a eu une chance de malade – rappelez-moi d’ailleurs d’aller brûler un cierge pour le saint de la version anglaise, qui m’a permis d’être admissible. Indéniable. Mais euh…

… ouais non, je n’arriverai pas à faire concis. Je vais développer et ai le regret de vous rappeler que, comme pour toutes les monades, mes replis vont à l’infini. Je m’arrêterai en cours d’infini.

 

1, 2, 3 : prêts ? non ? Partez !

    Juste après le délire enthousiaste, il y a eu la peur panique, puis le gavage d’oies avec tout le programme d’HK et de K d’histoire, la grammaire latine (Il faudra un jour m’expliquer pourquoi je connais par cœur la composition de cette grammaire au point de l’ouvrir presque instinctivement à la page que je cherche, mais que je ne connais toujours pas ce qu’il y a marqué dessus.), de la philo, de la philo spé (et ses délicieux cours particuliers) et un rapide regard pour (le dessus) de mes classeurs de français et d’anglais. Révisions frénétiques.
    Pendant ce temps, le Vates a (révisé et) explosé son forfait en messages de détresse à tous en général et notre professeur de français en particulier – dont certaines réponses ont été croustillantes. Parmi mes préférées : « tu vois que tu es admissible, ducon » et « si je te disais ce que je penses, je serais renvoyée de l’éducation nationale ».

 

La réunion des admissibles

    A Ulm. Technique d’espionnage développée depuis le Panthéon. Si, si, je t’assure, ceux-là, ils ont une tête d’admissible. On a feinté, passé sur le trottoir d’en face, marché jusqu’à la boulangerie pour que je me prenne un escargot au chocolat (c’est comme un pain au raisin, mais… au chocolat), mangé devant les grilles du 45. J’ai repéré monsieur Babybel, qui composait à ma gauche à Arcueil. Il se jetait avec voracité sur son brouillon pour n’en plus décoller que vers midi – 1h, où il sortait son petit filet et mangeait quelques babibels d’un air digne – non, si, je vous assure, je n’ai pas fait qu’observer mes congénères, j’ai aussi travaillé. Premier d’un certain nombre de tarés. Cinq minutes avant l’heure précise, on a fini par rentrer dans l’endroit mythique. 173 candidats, 75 admis : 98 à virer. On a discuté avec une kharré d’H IV, qui,en plus d’être sympathique, a fait mentir le célèbre adage  :  elle était en effet avec son copain, lui aussi admissible, et a visiblement été admise puisque je ne l’ai pas croisée à la confession. Bref. On nous a distribué notre emploi du temps, répété que le jury n’était pas là pour nous enfoncer, que la reprise était extrêmement importante, que le niveau d’exigence était élevé (chaque membre du jury attend juste le niveau d’un bac+6 qui ne travaillerait que sa matière, mais à part ça…) et qu’ une « attitude d’humilité » était recommandée face au jury. On s’est regardés un peu ébahis (sauf quelques coqs sûrs d’eux, persuadés d’être l’égal des « nombreux génies » passés par la rue d’Ulm) : il me semblait qu’il serait déjà difficile de ne pas avoir l’air terrorisé. Surtout quand, en appelant à la sortie le prof d’histoire pour lui demander ce qu’il fallait que je révise en priorité parce que je commençais par cela, il m’a répondu « rien, de toute façon il est trop tard ».

 

En un cours de danse…

… j’ai éliminé toutes les viennoiseries et chocolats chauds de la semaine, ce qui n’est pas peu dire avec des profs qui vous coachent au point de vous en offrir tous les jours. Rassurez-vous, j’ai rapidement rechargé les batteries avec un part de pudding et un coca. 

… je me suis rappelée que j’avais encore plus de progrès à faire qu’en latin et que j’avais un en-dedans absolument remarquable.

… je me suis aperçue que les neurones connectaient mieux en oraux que pour retenir des exercices alambiqués, montrés une fois puis jetés en pâture aux choses dégoulinantes que nous sommes – baigner dans son jus et perdre pied.

     Aux grands jetés (avec une barre assez peu stable), je me suis demandée si j’allais survivre. Et à la fin de la barre, je me suis rappelée soudain avec horreur qu’après la barre, c’est le milieu. Et entre deux exercices bâclés, des petits machins blancs venaient danser devant mes yeux. Non, y’a pas à dire, c’était beau. La tunique était presque autant à essorer que lors du stage que j’avais fait un été dans les locaux du cnsm de Lyon (une quarantaine de filles dans le studio, sous les toits).

     C’était le post sans intérêt aucun avant les résultats de demain « vers midi trente ». Je répondrai à vos commentaires après – superstition un peu stupide.