La dissertation peut-elle être autre chose que la recherche du moindre mal ?

Thèse : en théorie, oui. La pensée qui s’emballe, l’argumentation qui se déplie, la plume qui se délie tandis que l’esprit court. La construction, le paradoxe, la vérité.

Antithèse : en pratique, non. La pensée qui se remballe, l’argumentation qui se replie, la plume qui s’arrête court tandis que l’esprit se dédit. Le choas, la contradiction, la correction (d’un trait noir, plus sévère que le rouge rageur).    

Synthèse : en supplication, pitié. Stop, pause. Je ne pense plus clair.  » La politique peut-elle être autre chose que la recherche du moindre mal ? »  Je vous en pose moi de ces questions ? 

 

La culpabilité sans sursis

     En fait l’Eglise l’avait bien compris : on ne prend pas les gens par les sentiments – terreur et pitié larmoyante versent trop rapidement dans le kitsh – on les prend par la culpabilité.

A toutes les sauces

     Pour vous vendre tous les desserts allégés du monde qui allègent surtout votre portefeuille. Avec 0% de sucre mais 50% d’aspartame, qui soit dit en passant a un pouvoir sucrant 300 fois plus important que le sucre (vieux restes des cours de première) et vous y rend donc encore plus accro. Vendredi dernier, je suis allée faire les soldes et dans la cabine d’essayage du printemps, une gentille affiche vous suggérait « Vous ne pouvez pas rentrer dans cette magnifique petite robe ? Ducon, j’essaye un pantalon… Essayez donc le programme spécial K ! En même temps, on peut toujours prendre une taille au-dessus… »

Or)donnez moins, je ferai plus.

       On ne travaille pas assez. Ne pas s’arrêter pour ne pas ensuite se dire que l’on aurait pu faire telle ou telle chose et surtout qu’aurait du. Commencer toutes ses phrases par « Il faut que… », virant au mode conditionnel en temps de découragement. Le travail pour le lendemain est fait lentement ; celui pour lundi en 8, totalement inutile au point de vue de l’organisation de votre emploi du temps, passe rapidement, en s’amusant.

 … DONt on ne sait que faire

      Pour que vous donniez –quoi que ce soit : sang, argent…- on va toujours vous montrer que vous vous rendez coupable en ne le faisant pas. Image d’atrocités, d’enfants qui ne crient plus famine seulement parce qu’ils n’ont plus la force de crier, grimace… Informer, choquer pour faire réagir ? Certainement. Mais parfois, je me demande si voir le sourire qui succède au don ne vous donnerait pas plus envie d’aider. Juste un éclat de bonheur, même fugace.

Vous êtes priés…

     Culpabilité. Je ne sais plus quel philosophe disait en avoir assez de la morale de l’ennui, qu’il voulait une morale de volonté et d’enthousiasme. Je ne sais plus qui, mais je suis d’accord.
Ca ne m’étonne qu’à moitié de lire dans notre cours d’histoire qu’à la Belle Epoque, même les croyants commencent à rejeter le dogme du péché originel. C’est tout de même plus encourageant de voir que l’on réussit à faire une chose à laquelle on s’est attelé, que de contenter (sans même satisfaire) la personne qui nous l’a commandée. Mais non, il faut : tournure impersonnelle – de la force divine ? Il faut qu’on vous écrase. C’est une sensation que j’ai souvent quand je rentre dans une église pour ce que j’y rentre…: l’architecture n’invite pas à se grandir, à s’élever au niveau des vitraux et de leurs saints. Elle vous balaie comme le misérable grain de poussière que vous êtes. Ecrasé par la pierre, les voûtes trop hautes aux clés plus qu’énigmatiques. En revanche, l’église où j’ai été avec la famille aux USA ( c’est maaal d’utiliser des abréviations anglophones…) était à taille humaine et je trouve que l’ambiance était beaucoup plus propice à exalter les nobles sentiments dont se réclame l’Eglise.

Et pour en finir, faites faire le culbuto à la culpabilité.

(sans oublier que faire faire se dit jubeo + prop. inf. )
Ne complexez pas sur vos kilos en trop. La dernière crème arnaque est là pour vous les faire perdre.N’attachez pas trop d’importance à ce bourrelet, ce pull le cachera et vous ira à ravir. J’assume mon âge avec la dernière crème antiride et je mange ce qui me plaît, puisque de toute manière, il n’y a plus de produits qui ne soient allégés. Sauf le Nutella, Dieu soit loué. Ne soyez pas timide, nous avons les moyens de vous faire parler. [ Nous avons l’intelligence de l’inintelligence de la communication !] Avec Hegel, on fait dans le travail du négatif, avec Carrefour, on positive.  

 

 

De la tragédie du cours de français

 

 

 

[ Où l’on voit que je suis très attentive au cours. Tout compris au schéma actantiel. ]

[ Merci à ma voisine pour les réveils salvateurs. ]
 
Pour vaincre un point d’honneur qui combat contre toi, 
Laisse faire le temps, ta patience et la prépa.*
 
* var. Laisse faire le temps, ta patience et l’HK.

Mimy la fine mouche

        Faites place ! Faites place ! Je veux entendre une mouche voler ! Que diable, je suis la reine !

Elle ne se mouche pas du pied celle-ci, direz vous. Mouchard, apprenez à vos dépends que je ne suis pas une reine avec collerette, éventail et mouche au coin des lèvres : je suis la reine des mouches ! Halte-là moucheron ! On ne rigole pas. La mouche est une figure hautement littéraire : elle apparaît dans l’Etranger, symbolise le remord dans la pièce de Sartre. Un jour, je ferai un mémoire intitulé : De la mouche en littérature, avec plein de petites notes en pattes de mouche. Mais revenons à notre mouche. Je suis telle, avec ma belle couleur, ma taille fine et mes ailes dorées (un peu d’imagination, diantre !) dans Orphée aux enfers, l’opéra d’Offenbach. La générale publique a eu lieu hier au théâtre de Fontenay-le-Fleury, je sors de la première et demain signe la fin de la trilogie – et des répétitions jusqu’à minuit et plus si affinités. J’essaierai de vous mettre une photo de ce spectacle ZzzZZ’ailé (et zélé). En attendant, je retourne me moucher –du nez cette fois-ci, même Jupiter métamorphosé en mouche est sujet aux rhumes- reposer mes pattes et retrouver Morphée qui m’appelle… Ce que le Dieu veut, la feeemme le veut.

Adieu, Jupiter… for… ever.

[Private joke qui ne fait rire que moi puisque rare seront les personnes ayant assisté au spectacle à venir voler par ici. Alors pour explication : les deux dernières phrases sont d’Euridyce, peu avant que nous rentrions en scène.]  

Victor Hugo

[Faites place, misérables ! vous êtes faits comme des rats.]

 

Oxymore ?

                                                                     Oxymore mot/chose ? 

           Le nom est posé, dans toute sa lourdeur. Hugo, deux barres plantées dans le sol ; l’édifice est immuable. Je ne sais plus quel auteur étudié en première comparait cette initiale aux tours de Notre-Dame. On fait dans le monumental. Dépassé la fausse confession à la Rousseau, nous ne sommes pas des sauvages. Ni des bons d’ailleurs. Dépassé le drame en trois actes de la vie de Chateaubriand. D’autres –eaux ont coulé sous les ponts. Hugo est prêt à entrer en Seine. Paris, ville de Victor Hugo, avec sa rue à son nom et de son vivant s’il vous plaît. La troisième République veut en imposer. Cela n’a pas été pour arranger l’ego d’Hugo, qu’il avait déjà démesuré. Imaginez le courrier : Moi, rue Moi. Paris. * Paris, la ville lumière. Paris, capitale du Progrès  – allez savoir pourquoi, le progrès est majuscule, c’est un ami d’enfance à Totor. Paris, ville des révolutions. Paris (si j’arrêtais le chauvisisme et que je me mettais à crier New York ?), terrain de jeu de Gavroche. Paris et son double souterrain, les égouts. Vous connaîtrez tout sur les égouts – un livre entier dess(o)us- et vous apprendrez tout le respect que vous devez à Bruneseaux  (il était prédestiné, le pauvre misérable). Paris, ville des misérables, en un mot comme en cent. Mais plutôt en mille.

      Les Misérables. La majuscule est posée ; ça y est, vous pouvez vous étrangler en toute légitimité. Une bagatelle de 1600 pages en deux volumes. Ce qui est vraiment énorme, c’est le culot démesuré de l’auteur qui prend toute sa place. Et tout son temps. La parenthèse devient digression et la digression devient dans le meilleur des cas un chapitre, au pire, un livre. Le livre septième de la deuxième partie s’intitule d’ailleurs « Parenthèse » et vous rappelle la couleur : « Ce livre est un drame dont le premier personnage est l’infini. L’homme est le second. » C’est formidable. Pas de raccord en biais à l’histoire, non. Le grand H. a tranché : car tel est mon bon plaisir. Une parole royaliste. Mon Dieu ! Le pauvre doit se retourner dans sa tombe. Il fallait dire : car telle est la marche de l’histoire (avec H.). Jean Valjean descend dans les égouts ? Attendez, attendez, ne prenez pas la fuite si vite. Je vais vous faire visiter les égouts. Et pendant un chapitre, le pauvre Jean Valjean se tient dans la puanteur. Pas étonnant qu’on le retrouve éreinté, à porter Marius sans connaissance. C’est lourd un homme. Que dis-je, un homme ? Un être humain, une conscience, une particule du Progrès ! Et là, vous voilà reparti pour une tirade. N’attendez pas la réplique, nous ne sommes pas au théâtre ; Hernani végète dans l’ombre des catacombes. Le discours hugolien se reconnaît de loin à ses rythmes ternaires, à son grondement, à son renflement, à ses formules assassines et à ses métaphores terribles. Hugo aime les mots. Pourquoi choisir et devoir en faire mourir quelques-uns ? A la suite ! À la queue le le ! En rangs… non pas deux par deux, trois par trois. Pourtant, ils sont pesés. Pas de doute la dessus, le volume tient bien en main. Tous ont le droit de cité parisienne. La voix au chapitre est royale, même et surtout pour l’argot. Kéceksa ? Très amusant. Et puis il y a du monde, ça grouille, un momacque, une guenille, un mioche, une misérable, un forçat, une poupée, un éléphant… Il y a à boire et à manger. Sauf sur les barricades, où vous ne mangerez que de la poussière. Le Progrès de l’Humanité a ce goût amer, sans (bi)tume.
       Résister et tenir tête. Mourir pour ses idées et vivre pour épargner. Hugo aura vécu ses idées mais meurt sans nous  épargner. Et pourtant… même si l’œuvre assomme tout d’abord, son poids finit par se caler bien en main. On suit tout ce petit monde, pas bien sûr au début de la direction. On se perd dans le dédale des pages et des rues de Paris, puis on se retrouve. Retrouvailles formidables et grandioses de pauvreté. L’oxymore ne fait pas peur. Les mots sont des armes, on se joue des balles à la plume. Barricadé dans la littérature, table renversée et mains tachées, le combattant nous jette de la poudre aux yeux. Le mélange est détonant, il va exploser dès que vous l’aurez dépoussiéré. Non, décidemment, ce n’est pas en vain que de sa barricade le génie lance son pavé.

A vos armes. Prêts ? Lisez !

[A vos livres, citoyens…]

*    passage copyrighté de notre cher professeur d’histoire.
**  (ne cherchez pas les deux ** dans le texte, c’est un passage bonus) Même la chute est grandiose. Rien de simple. « […] faire la part de l’immense infériorité de l’auteur d’Hernani » Cette part, c’est la cerise sur le gâteau. On n’en attendait pas moins.