Revue de blogs #16

Nous avons fait beaucoup de choses dont nous ne nous souviendrons jamais. Et alors. Alors nous interrogeons le présent et le passé pourquoi parfois on veut tant se souvenir.

Karl, se souvenir de l’oubli, Les carnets Web de La Grange

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Il faudrait deux colonnes à ce journal. L’une pour l’écriture immédiate, l’autre pour l’interprétation, quelques semaines après. Une large colonne, celle-ci, car je pourrais interpréter plusieurs fois.

Se perdre, Annie Ernaux
citée par Karl, êt, Les carnets Web de La Grange

Comme Karl, « je vois une grande familiarité avec mon rythme d’écriture/publication » : les notes lapidaires plus ou moins au jour le jour et la rédaction décalée, quand je sais déjà ce qui a eu lieu dans les jours qui suivent, quand j’ai déjà commencé à oublier, amalgamer, colorer. Je raconte rarement le jour même, davantage celui (d’)où j’écris. Il en résulte un journal inégal, où plusieurs entrées peuvent être colorées d’une même gélatine, un jour particulièrement prolixe d’écriture, et d’autres avoir chacune la leur, de couleur et d’épaisseur variable : légère et peu profonde quand le temps du récit est proche de celui de l’histoire, opacifiante ou éclairante (unifiante) quand le delta est plus important. Il faudrait dater en double, ajouter à la chronologie des entrées celle de leur écriture.

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Ce qu’il y a, dans la vie, c’est que je suis persuadée que j’ai raison. C’est cela, et cela seul, qui m’a permis d’écrire, puis de publier, puis encore d’écrire, et de publier. Puisque j’ai réussi à le faire, malgré tous les obstacles, c’est que j’ai eu raison de m’obstiner, me dis-je. Logique imparable. Le reste du monde, alors, me crie non. Et je n’en tire aucune leçon.
Jamais.

Jamais !

Anne Savelli, Arc et impasses, Fenêtres Open Space

Ce qu’il y a, dans la vie, c’est que je suis persuadée que, si ça se trouve, j’ai tort. Je suis en sursis de faute.

Alors j’admire la ténacité (l’obstination, j’allais écrire avant de me souvenir du terme plus juste choisi par Karl). Surtout si l’on ne coupe pas le paragraphe suivant :

Je me suis bâtie sur le fait de ne pas renoncer, ce qui implique de devoir souvent, très souvent, quasi sans arrêt, effectuer des zigzags, dessiner des arcs de cercle, au lieu de tracer des lignes droites. Pour tendre vers ce que je voulais, il a fallu me contorsionner, m’adapter, encore et toujours, […] créer mon propre métier, ce que j’ai accepté sans jamais me renier.

Mais là, j’en ai marre.
J’en ai marre, c’est tout.

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Juillet, j’ai lu des choses. Pas autant que je le voulais, forcément. Parce que le temps, il faut le défendre comme un territoire attaqué, et parfois, je le laisse m’engloutir.

J’apprends qu’il me faut des temps dédiés pour chaque chose, que je voudrais ne vivre que des choses pour moi à partir de 16 heures et des jours sans rien d’autre que moi.

Mathilde, Des jours & des livres, Tant qu’il nous reste des dimanches

Toujours qui revient dans les conversations, l’organisation très concrète du temps, des repas, des tâches — des jours ordinaires.

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En fait, on n’a jamais fini (de comprendre, de ressentir, d’explorer, y compris un objet unique et répété). Examiner la même chose, même si ça reste la même chose, peut ouvrir régulièrement sur du plus élargi. […] Par contre, il y a du pourrissement, ça aussi ça se répète.

Christine Jeanney, bloc note — restes, Tentatives

Traduction et danse classique, même combat, même plaisir de la variation.

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Il faut lire les livres plusieurs fois.

Dans des circonstances différentes et en extraire des passages. […] Des passages… la lecture est un passage dans les pages. On n’y reste pas. On y emporte ce que l’on y a vu et on s’éloigne aussi vite que l’on s’est approché modelé par le trouble des émotions du maintenant.

Karl, être forêt, Les carnets Web de La Grange

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Si on comprime un brin : tenir un journal / dégoût pour l’organique. Comment ne pas se sentir concerné.

Je me logue, j’imprime, je déplace des octets, je surligne des choses, j’agrafe, je froisse, j’ouvre et je referme, je déplace des objets, je produits du déchet. […] C’est du travail et, à la fois, c’est une preuve de mon travail.

Guillaume Vissac, 080725, Fuir est une pulsion

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Je me suis allongé sur le tronc du bouleau qui se balançait nonchalamment sous mon poids. Je me suis endormi. Au réveil, j’étais surpris de ne pas être tombé. Mes pensées, elles, avaient chuté vers le haut de la cime des arbres.

Karl, être absent, Les carnets Web de La Grange

L’inversion me plaît. Elle fonctionne encore mieux avec la photo en regard — cliquez.

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« Comme » est une alerte dans l’écriture. […] L’usage est correct, mais la rêverie devient soudainement un câblage technique de la langue. […] Je reprends la phrase pour que la métaphore habite la grammaire. Il doit y avoir osmose et non juxtaposition ou enchaînement.

Karl, résolument dans l’onde, Les carnets Web de La Grange

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Après que j’ai tâché méticuleusement (mais inconsciemment, mais méticuleusement) de l’attirer dans l’un de mes trous noirs mentaux dont j’ai le secret, T. me dit de ses trous noirs qu’ils sont grosso modo les mêmes que les miens, ce qui est une façon j’imagine de me dire sans le dire ne t’en fais pas, tout va bien. […] Quand il me dit de quoi qu’il arrive continuer, c’est aussi à lui qu’il le dit.

Guillaume Vissac, 220725, Fuir est une pulsion

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Et quand je pense trop à cet état de chose, je me sens profondément abattu. Le compteur tourne. Il reste peu de temps à vivre. Et je me dis souvent que c’est du gaspillage. Quand sommes-nous passés à une société où notre temps de rêve/rêveries se soit échappé de nos mains, de notre contrôle ? 3 heures dans une journée, 21 heures pour le reste. 86% du temps en forme de contraintes.

[…] J’ai la chance d’aimer mon travail la plupart du temps. […] Mais tout cela reste du temps programmé. Pas du temps indécis, sans but, sans objectif. Ce temps là je le chéris plus que tout.

Karl, Le temps libre, Les carnets Web de La Grange

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Ce que je fais n’a pas vraiment d’importance, du moment que je le fais. Sauf que c’est ce que je ne fais pas qui concentre la majeure part de mon attention, et j’ai envie de dire de mon énergie.

Guillaume Vissac, 260725, Fuir est une pulsion

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 Avoir tant de désirs qu’il ne reste plus d’espace pour les désirs des autres.

Karl, nuit de Tokyo, Les carnets Web de La Grange

(Ou pourquoi j’ai le désir de ne pas avoir d’enfant.)

Dans ce même post, je découvre qu’il était possible de faire un service d’objecteur de conscience à la place du service militaire !

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I think that liking someone, or a group of people, or the concept of humanity, is something you do. It’s an active choice.

It means moving through the world and being conscious of the strangers around you, and of the many small ways in which you could make their lives better, or they could make your life better, or you could just enhance each other’s day without even having to try all that hard. It’s a choice you make again, and again, and again, and that you keep making because faith is something you practice, not merely a dormant part of your brain.

Being social is something I had to purposely learn, like swimming or enjoying vegetables. Maybe that’s why I’m so attached to it; it feels good to have become proficient at something that once felt so entirely alien.

Even the most minor of pleasant interactions with a stranger can lift my mood and turn my day around, because I choose to let it do that to me.

After I finished school I moved abroad and that gave me an opportunity to try on a new life, like it was an outfit […].

She laughed and I giggled and I scratched the spaniel’s ears and when she left we said bye to each other like we were friends.

I love people and maybe, deep down, I always did, but them loving me? I don’t think I’ll ever get used to it. I hope I never do.

Marie Le Conte, A Pro-Human Manifesto, Young Vulgarian

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Je ne suis pas prête de me lasser des déclarations d’amour mensuelles de Winnie Lim à sa compagne.

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[…] une tarte courgettes comté cuit au four (pour compenser le manque de comté, j’ai fait ce que n’importe quel narcotrafiquant aurait fait à ma place en coupant le comté avec du gruyère)

Guillaume Vissac, 280725, Fuir est une pulsion…

La pile à lire nous rassure-t-elle sur un futur rêvé où nous prendrons le temps de lire, ou vient-elle nourrir notre culpabilité de ne pas lire assez ?

Marion Olharan Lagan, Consommateurice ou lecteurice ? Word Economy

Venue pour la lecture, restée pour l’humour :

« […] de la SF sur fond d’invasion de plantes vertes extraterrestres. Cette lecture distrayante m’a convaincue que je faisais bien de flatter mes plantes à chaque arrosage et confirmé la justesse de ma méfiance envers la salade. »

« […] typique de ces romans récents qui ont un vernis féministe en mode bingo enfonçage de portes […]. À la fin, l’argent amour triomphe, c’est ce qu’on appelle un conte de fée chier. »

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Dans le journal de juillet de Thierry Crouzet :

[…] l’écriture produit en moi un déplacement, sans que je sache si c’est vers mon centre ou un monde extérieur.

Citant La Splendeur des Amberson d’Orson Welles […] : « Quand on a peur du changement, on a le changement et la peur. »

Je suis coincé dans un interstice de la vie.

Je ne suis pas le roi de l’empathie, mais j’ai trouvé mon maître dans l’incapacité de prendre en compte autrui. Et plus il m’agace, plus je me dis que moi aussi j’agace les autres.

Retrouver un défaut à soi chez quelqu’un d’autre le rend toujours très agaçant.

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À la médiathèque, un puzzle de 1500 pièces est posé sur deux tables, chacun y va de sa pièce, en passant. J’adore l’idée, j’ai un peu participé, forcément.

Dame Ambre, Un peu de rien (ou de tout), Carnets

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J’aimerai tant être plus libre, moins craintive, plus sécurisante, plus sécurisée.
[…] J’aimerai tant retrouver ma capacité au courage, à l’insouciance.

Latmospherique, Condensé d’égocentricité, Accrocher la lumière

Revue de blogs #15 : les lieux qui me serrent le cœur

Chaque voyage en avion est un moment « bittersweet » depuis quelques années. La conscience de réaliser quelque chose qui n’est plus vraiment acceptable avec les circonstances mais dont au combien je comprends le désir de réalisation et la nostalgie qui s’accompagne avec les lieux que l’on laisse derrière soi avec cette anxiété de ne pas pouvoir y revenir. Ce ne sont pas les gens, mais les lieux qui me serrent le cœur. Les lieux ne se déplacent pas. Les lieux ne peuvent pas écrire. Il faut y être pour vivre avec.

Karl, complexité du Web, Les carnets Web de La Grange

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À quel moment a pu naître le sentiment de paysage ? Quand est-ce que l’animal ou l’humain que nous sommes a pu se sentir un jour heureux à la vue d’un lac noir au pied de monts escarpés ? […] On dit que c’est beau. On veut peut-être dire que c’est vital.

Joachim Séné, Norvège, 6, Journal éclaté

Le sentiment du paysage me travaille depuis Yosemite, je crois.

J’ai eu beaucoup de plaisir à suivre ce journal de Norvège, même si je ne l’ai pas lu dans les conditions prévues par l’auteur, préférant le confort de mon lecteur de flux RSS à la mise en page volontairement chaotique de la page web unique à explorer comme une Google Maps (j’aime beaucoup le concept, beaucoup moins ce que le texte en couleur surimprimé au collage photo fait à mes yeux).

Cet été, j’ai également eu l’occasion de revivre mon voyage au Vietnam à travers les stories d’une camarade de danse. C’est toujours étrange : les lieux continuent d’exister sans nous ? de changer et de rester identique ? Ce voyage vécu de manière si singulière, le voilà dupliqué, commun dans son extraordinaire. Je devine ce qui déborde la carte postale, j’ai vu les interstices des photos de vacances — c’est même pour cela que cela me fait si plaisir de suivre ce voyage dont je ne fais pas partie — et pourtant c’est maintenant que le mien m’apparaît comme carte postale. Expédiée depuis mon passé.

De même, je pourrais illustrer le voyage norvégien de Joachim Séné avec mes propres photos. J’ai assez envie de le faire, même. Il a réveillé des scènes et des pans de paysages précis.

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C’est au ralenti que le soleil se couche si tard. Comme si le temps s’arrêtait, comme cette idée qu’on a parfois de désirer que la journée s’éternise, comme si ce vœux impossible se réalisait enfin. Dans ce mouvement lent, vient un sentiment de paix, d’éternité, mais aussi un effroi face à la possibilité que la Terre s’arrête de tourner. C’est à la fois la vie prolongée et la vie arrêtée.

Joachim Séné, Norvège, 8, Journal éclaté

Golden hour de minuit sur un champ et les montagnes au bord de la mer
Minuit à Flakstad

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Bergen est colorée, mais il fait gris. Il y a une foule, de la densité d’une station balnéaire française au plus beau de l’été. J’essaie de ne pas me reprocher d’être là, je ne reproche pas aux gens d’être là. Peut-être aux commerces d’y être. Mais il faut bien vivre.

Joachim Séné, Norvège, 10, Journal éclaté

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Combien de photographies identiques et ratées sont prises alors ?

Joachim Séné, Norvège, 12, Journal éclaté

Cette question, je crois, a déclenché mon envie d’illustrer ces entrées avec mes photos passées. Ou le fait que, là aussi, dans l’excursion narrée, mes photos ont été ratées.

[…] C’est trop beau pour être dit, trop sauvage, trop pour être visité. Une honte touristique s’empare de moi. Mais je ne regrette pas d’avoir vu. […] La question aussi de savoir pourquoi regarder, pourquoi se souvenir, pourquoi cette nécessité de découvrir ce qui se cache derrière le prochain bras du fjord, derrière cette île, derrière cette paroi, ce qu’il y a au bout du monde sans pourtant rencontrer personne, juste soi dans un environnement qui n’existait pas la minute d’avant.

Sognefjord

Cet extrait m’est spontanément revenu en mémoire quand je suis tombé sur cette photo de Thierry Crouzet dans son journal de juin :

ICM, photo de Thierry Crouzet

Cette photographie serait peu intéressante si les lignes directrices nous menaient à un cul-de-sac — droit dans le mur —, s’il n’y avait ce biseau, ce virage qui nous échappe de l’impasse, nous propulse vers  « cette nécessité de découvrir ce qui se cache […] derrière cette paroi ».
(L’échappée prend encore un tout autre sens quand on apprend que c’est l’institut du cancer où est traitée son épouse.)

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Tout du long de nos heures (trois) de marche (roncées, ortiées, moucheronnées) nous serons bombardés de beauté […]

Guillaume Vissac, 120725, Fuir est une pulsion

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On ne peut rien contre la beauté d’un paysage.

Joachim Séné, Norvège, 14, Journal éclaté

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 Je pensais que ça ne me ferait ni chaud ni froid de quitter cet endroit, mais ce n’est pas vraiment le cas, sans doute car je n’aime pas quand les choses se terminent.

[…] des vies entières, potentielles, miennes sans être miennes, sont oblitérées avant d’être vécues, comme si aller travailler et/ou rentrer chez soi et/ou retranscrire par ces mots ce qui fut traversé sans pour autant avoir été assez touché du doigt pour en faire une expérience véritable était plus important que, eh bien, vivre.

Guillaume Vissac, 230725, Fuir est une pulsion

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On part toujours à regrets. La tête tournée dans le sens contraire des pas. […] Il faut déjà séparer le corps du lieu.

Karl, pentes, Les carnets Web de La Grange

La gestuelle est si riche que savoir l’observer et la décrire suffit parfois à dire ce que les mots ont émoussé dans leur expression fixe. (Pourquoi je n’en finis pas de la danse.)

Avant de partir à regret de Flakstad

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Dans le journal de juillet de Thierry Crouzet :

Il y a les côtes sublimes, puis les terres agraires monotones, sans cesse moutonnantes […].

La mer moutonne mieux que les moutons.

Ce matin, j’ai aimé les maisons cossues en surplomb des plages et des falaises. Elles dégageaient une force tranquille, une sorte d’éternité solide. Une opposition frontale aux éléments.

Hopper.
En trois phrases, un tableau de Hopper, sa lumière.
J’ai repensé à ces maisons en Norvège, aussi :

Photo noir et blanc de maisons qui prennent la lumière au bord d'une côte découpée… mais plutôt plate
La plage de Ramberg

Mais un autre paysage surgit dans le récit de Thierry Crouzet :

Photo de Thierry Crouzet

Hopper, oui. La lande aussi, les bruyères comme en Cornouailles. La blancheur des ouvertures closes les évident, font de la maison un manoir de carton-pâte, un décor. Mi-Hopper, mi-Magritte. Non plus une porte sur la plage, mais une ouverture sur le ciel, auquel on ne peut accéder que par là, par le manoir-mandibule.

J’ai toujours été fasciné par le génie du lieu, par ces endroits naturels ou chargés d’histoire qui exhalent une force vitale indéniable, et je prends conscience que nous avons tenté avec notre maison de construire un de ces lieux, de lui donner une force propre, et beaucoup de gens qui y viennent nous disent la ressentir.

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Août commence déjà. Il y a toute cette lumière qui s’infiltre entre les feuilles.
[…] Je me demande si l’équivalent existe pour les gens. Un mot qui voudrait dire que la lumière d’une personne s’infiltre dans nos failles.
[…] les dentelles d’ombres qui bougent sur le sol sous les arbres et ça m’a fait penser à la trace laissée en nous par la lumière des gens.

ernestinee

La nature boule à facette des gens <3

Revue de blogs #14

 Si j’aime cette phrase, c’est qu’elle est à la fois vraie et fausse, comme souvent les phrases.

Guillaume Vissac, 310525, Fuir est une pulsion

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Alors je m’assois sur le perron, entre ce qui fut et ce qui sera, et je respire. […] Lire et écrire, ça ne semble rien et pourtant, tremblement de terre dans la jachère furieuse. J’ai envie, c’est inouï.

Mathilde, Du déboisement, Tant qu’il nous reste des dimanches

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Gilda à propos de Perec :

Je suis loin, très loin, d’avoir lu toute son œuvre, parce que j’ai l’impression de la connaitre déjà.


Comme les copains, oui, ce gars-là me disait Bien sûr que tu peux toi aussi. Et de la même façon que certains et certaines des personnes que je suis sur les plateformes concernant la course à pied : eux font leurs séances dans des allures qui sont la tienne en sprint sur 100 m, mais rien n’empêche de faire la même […] à notre propre allure, notre niveau.
Ils guident au quotidien vers une bonne vie, et grande est ma gratitude envers ces personnes partageuses et l’écrivain pas comme les autres.

Ne pas s’empêcher de faire parce que ça a déjà été fait.

Gilda, Première rencontre avec Perec ? Traces et trajets

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La possibilité de pouvoir le mouvement d’une main, d’échanger un regard, un sourire, de remarquer ce moment de silence accompagné d’un bouillonnement de pensée avant de vocaliser une réponse, de cette gorgée d’un café, d’un lieu où l’échange s’établit. […] La part essentielle de certaines discussions ne se fait pas dans les idées échangées, mais dans les moments partagées.

Karl, Espace-temps des mots, Les Carnets Web de La Grange

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I don’t have to vow to love her for the rest of my life, because any alternate reality is unthinkable. There is something more powerful than love. It is the melding that occurs when two people spend a long time together. She is just part of me now.

Winnie Lim, Pride (2025)

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[…] as I age I tend to find myself more and more drawn to the safe and comfortable zone. […] But I am aware that this causes a chronic shrinkage of my existence.

Winnie Lim, first impressions of khao yai

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Je n’ai rien modifié ni retranché du texte initial en le saisissant sur ordinateur. Les mots qui se sont déposés sur le papier pour saisir des pensées, des sensations à un moment donné ont pour moi un caractère aussi irréversible que le temps : ils sont le temps lui-même.

Annie Ernaux, Se perdre
cité par Karl dans Tokyo à vélo, Les Carnets Web de La Grange

Pour le même raison, je dois supprimer rapidement les photos ratées ou qui font doublon ; au bout de quelques semaines, elles deviennent des reliques inamovibles du passé.

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Les souvenirs, la mémoire d’une famille n’existe que dans l’oralité présente et quotidienne de nos collisions physiques. Vivre loin est synonyme d’une mémoire neuve, de celle que nous créons au quotidien. Celle du passé se déforme, se fane. Il n’y a que le souvenir du souvenir. Le souvenir des histoires que l’on nous a racontées. Ce ne sont plus des souvenirs, ce n’est plus l’histoire d’une famille. Il s’agit d’une mythologie familiale dont je suis probablement le mauvais narrateur.

Karl, Souvenir de souvenirs, Les Carnets Web de La Grange

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Les courses au petit supermarché du coin. Une forme d’extase étrange. Ici, je suis l’étranger. Ici, tout est nouveau. Ici, je comprends les différences.

Karl, Ce que l’on retrouve, Les Carnets Web de La Grange

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Je pensais avoir la pression du temps, ce qui m’arrangeait bien, comme ça, si ça n’était pas tout à fait ce que j’avais en tête, je pouvais me dire que ce n’était pas de ma faute, pas eu le temps. Maintenant, sans la butée du temps, c’est plus sérieux.

Christine Jeanney, block note — maker, Tentatives

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C’est ce que j’aime devant un travail artistique : ne pas tout saisir mais sentir la proximité et la surprise, l’augmentation de l’air respirable comme disait Jean-Pierre Faye.

Christine Jeanney, block note — lire, Tentatives

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Masto en résumé : […] des gens gentils racontent gentiment leur vie. Un air de ville abandonnée reconquise par des babacool vivant dans des baraques délabrées, tous très respectueux des autres, bienveillants, animés de bonnes intentions, mais qui n’ont pas beaucoup d’idées neuves […]

Thierry Crouzet, Ma eVie depuis que j’ai quitté Facebook, Instagram, X, LinkedIn… pour Substack et Mastodon

J’ai souri, il y a de ça. J’y fais un tour de temps en temps, plus par nostalgie de la belle époque de Twitter que par réel intérêt. Pour moi non plus, la mayonnaise ne prend pas (alors que je peux passer un temps infini sur mon compte Instagram danse).

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[…] avant 2007-08, environ : on n’attendait rien. C’était une situation d’échanges, proche ou loin du clavier, il suffisait de sortir pour s’éloigner, et rentrer allumer l’ordinateur. Ou l’inverse, notez-bien. Il y avait pour toute situation un moyen très simple d’y échapper. C’est ensuite que c’est devenu intrusif et malsain, et je n’ai rien vu venir, c’était là dans ma poche.

Joachim Séné, Nos comportements sont leur plus-value, Journal éclaté

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L’homme dont le cœur ne dit pas tout à sa tête

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[…] aux frais du contribuable qui, bien que payant tout, ne consent à rien […]

Guillaume Vissac, 190625, Fuir est une pulsion

Revue de blogs #13

Dans la dernière newsletter de La moins bonne version de moi-même, Agathe H. explore son rapport à la mode et j’ai aimé lire ce portrait à travers sa garde-robe. C’est en outre grâce à sa mention du Dressing de Jane Sautière que j’ai regardé ce que cette autrice avait écrit d’autre (pour au final préférer emprunter Nullipare).

Quand je regarde des photos de mon enfance dans les albums de famille, je hurle souvent contre mes parents à cause de la manière dont iels nous habillaient avec mes sœurs, mais bien souvent iels répondent que c’est nous qui avions choisi nos vêtements (il fallait nous en empêcher !). C’est ainsi que selon les années, nous avons eu l’air de sortir d’un kolkhoze, d’un carnaval ou d’une émission de Stéphane Bern.

(rires) à cette dernière phrase.


N’est-ce pas grossophobe de vouloir toujours avoir l’air plus mince quand on parle de « se mettre en valeur » (marquer la taille, allonger la silhouette) ?


Elle cite une réponse reçue d’une certaine Maud sur Instagram :

Être sexy peut conférer beaucoup de pouvoir en société par exemple. Et être en large ou masculine peut apporter beaucoup d’indifférence et de paix. Moi j’alterne tout le temps, j’ai besoin des deux.

Se fondre caméléon en jogging de danse dans le métro lillois. Conquérir le pavé parisien en mollets galbés et minijupe.


Il y a une expression anglaise que j’adore, “man repeller”, qu’on pourrait traduire par “repoussoir à hommes”. Il s’agit, pour les femmes, de s’habiller d’une manière qui aurait pour effet de repousser les hommes, de ne pas leur plaire. […] Je pense qu’on peut aussi repousser les hommes (ou en tous cas se détacher de leur regard/validation) en étant too much : en prenant une contrainte qu’on aurait intériorisée et en la poussant tellement à fond qu’on se met à leur faire peur.

Dans mon expérience, les couleurs vives attirent les insectes mais repoussent les relous (enfin dans mon expérience de vingtenaire ; parce que, trentenaire, j’ai disparu des radars).

Agathe H., Mode de vie(s), La moins bonne version de moi-même

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Instead most of us would spend a large part of our lives making decisions based on what other people want, and what society decides is the norm at that time. Then, probably because it is so tiring to live life this way, the rest of the time we give in to our impulses as a form of compensation. Since we’ve already given up so much of our selves, we should just eat that thing, buy that thing, do whatever that gives us instant gratification because we deserve that quick dopamine hit after having to tolerate so much.

L’effet de compensation, que j’ai bien connu en tant que salariée, s’est dissipé avec ma reconversion.


Tell me, what is it you plan to do with your one wild and precious life – Mary Oliver wrote askingly in a poem.

Y’a encore du travail (psy) pour que le precious n’annule pas le wild.


To a large extent we have to face our unhappiness and lack of fulfilment alone.

Winnie Lim, do we cherish our selves

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Si même les gens qui sont sensés me maintenir sur terre lâchent le fil du ballon de baudruche maintenant.

Je me complique un petit peu la vie parce que ça me passionne plus comme ça […].

Meredith B., simple compliqué compliqué simple

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Donc si je comprends bien, l’inventivité des exercices est le fruit d’un mélange de traditions corporelles et de connaissances médicales contemporaines.

Alice, Sport fusion

Direct envie d’une enquête historique et sociologique sur la création des exercices de la barre de danse classique.

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Peinture beige et noire où un homme est agenouillé au pied d'un autre homme au visage de pierre fissuré, une main sur son crâne, l'autre tenant une pierre qui a fait partie de lui
Feeling Kintsugi, de Moonassi

L’éboulement de soi, la main sur le crâne comme sur la tête d’un enfant qu’on voudrait endormir et l’autre qui tient un morceau de lui… Merci à Karl pour la découverte de cette œuvre de Moonassi.

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J’ai fait des choses qui bricolent un dimanche, m’échouant là avec un constat : cette journée est passée bizarrement. Je ne suis pas sûre d’avoir vécu chaque heure, comme s’il y avait un hiatus, une maille lâche.

J’ai des inquiétudes sur le feu, mais je n’y peux rien, alors je les laisse étouffer.

Mathilde, Du yoga & des nazis, Tant qu’il nous reste des dimanches

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I am not sure when it started, but I tend to feel like I am wasting my life if I am not doing something creative or enriching.

Pwnd.

I just wish I can accept myself more. […] But isn’t wishing for this self-acceptance a form of an unrealistic self-expectation too?

Winnie Lim on inner expectations

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une boîte à livres dans la rue déborde de jeux improbables et rares, des jeux de cartes un peu mystiques, […] on oscille entre l’oracle et le petit jeu d’ambiance, en somme ce sont autant de petites cartes dressées entre nos solitudes respectives, des passerelles, ô monde moderne

je veux tout récupérer, me relier, j’en ai plein les bras

Rêver peut-être

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When an average student suddenly gets an A, it is like they achieved something great. But anything less than an A is unacceptable and even embarrassing for high-performing students.


I started to contemplate that being somewhat average is actually a form of superpower. There is much more room to manoeuvre, more opportunities for experimentation. Average people are accustomed to a certain rate of failure, so they don’t take failures too hard. Wins are really celebrated and joyous because they are unexpected. […] Doesn’t this feel like a happier life?


Personally I think flying under the radar is a form of happiness […]

Winnie Lim, thoughts about human intelligence
after watching korean game shows

Les conclusions de Winnie Lim recoupent le parti-pris du boyfriend de volontiers passer pour plus bête qu’il n’est ; ça l’arrange, il préfère surprendre que décevoir. Autant dire que c’est à des années-lumières de mon fonctionnement. J’ai été cet high-performing student pour qui obtenir d’excellentes notes était normal, tandis que des moyennes, c’était déchoir.

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J’aime les maisons de vacances et les choses laissées dans la cuisine par les habitants qui nous précédèrent […], j’aime que des habitudes se prennent et se défassent à toute vitesse […] et j’aime la lumière où qu’elle se pose, la traquer, la poursuivre, l’empoigner.

Victoire de Changy, publication Instagram du 12 mai

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Quel dommage que la mémoire ne sache pas mieux retenir les bons moments.

Alice (du fromage), Chemin des écoliers

Tout est toujours coloré du dernier filtre projeté (les émotions comme des gélatines devant un projecteur).

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Mais je suis écrivain quand même. […] J’ai décorrélé la publication de l’écriture.

Podcast d’Anne Savelli, Envoyer son manuscrit en lecture

Je n’attends plus vraiment de réponse pour mon manuscrit sur la danse. Je n’ai pas vraiment décorrélé l’écriture de la publication, je me suis juste réappropriée cette dernière en lançant une newsletter : je publie de petites choses à un tout petit nombre certes, mais à ma guise. Un partage plus qu’une publication (mais n’est-ce pas celui-là qu’on attend de celle-ci ?).

Revue de blogs #12

Revenir dans une ville que l’on a déjà visitée et documenter ces voyages successifs pour éprouver les écarts d’une version de soi à une autre :

I think the desire to remember is a form of hoarding life, the unwillingness to let go of what we’ve experienced. But similar to comparing differences between versions of texts, I like to contrast the textures and feelings between the versions of my selves […].

Winnie Lim, random scenes and words from taichung

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[…] les IA provoquent ce doute, sur toute image. Cette possibilité de doute, cette possibilité absolue, sur tout, finit par abîmer toute vérité possible.

Joachim Séné, Le temps des faux, Journal éclaté

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J’espère que vos projets vont bien, et à plus!

Gersande la Flèche, journal de bord écriture du 7 au 20 avril 2025

De la bonne santé de l’individu en fonction de l’épanouissement de ses projets.

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L’importance du travail en petites touches. On ne réalise jamais combien parfois, des micro-tâches régulières peuvent avancer un projet sur le long cours. Tout est une question d’endurance.

Karl, Les carnets Web de La Grange

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Les jours après les longues marches, il n’existe plus que le gouffre de l’absence de la marche pendant cinq jours. La poésie au fond des chaussures, le corps amolli par l’effort répété, la constante sollicitation des paysages sont un manque terrible. Parcourir le monde, qu’il soit au bout d’un océan ou au coin de la rue, est un élixir.

Karl, élixir, Les carnets Web de La Grange

Quand je reprenais le salariat après des vacances passées à arpenter de nouveaux lieux, je me sentais enfermée, comme séquestrée à mon poste de travail.

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J’observe, de plus en plus je regarde la jardin l’homme qui partage ma vie mes enfants le chat de la maison les oiseaux les arbres les bourrasques les insectes les nuages le soleil les herbes, sensation que dessous il y a un secret à découvrir. Je lis et je lève les yeux vers, je danse depuis celle que je suis jusqu’au secret qui est, en perçois des contours encore flous. Une vérité qui attend.
Quelque chose de l’ordre du bonheur d’être – là.

Dame Ambre, Journal d’avril, Toutes les minutes non écrites

Lire et lever les yeux vers… Ce genre de sortie de lecture est aussi chouette que d’y entrer.

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[…] on doit se résoudre à ce que cette histoire demeure incompréhensible pour les autres. Quand on a compris, on n’explique plus […]

Latmosphérique, Composer avec la nuit, Accrocher la lumière

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Our urban space is overpopulated
by people looking at their own little screen […]

What are they craving?

Attention?
Love?
A sense of belonging?
A cure to boredom?

[…]

Technologies were supposed to
Create
Links
Bridges

I can only see
Holes
Wells
Where people are hiding their loneliness

Latmosphérique, A new urban space, Accrocher la lumière

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Mes marches du matin m’apportent beaucoup de joie. C’est une affaire de délier le cœur et le corps.

Mathilde, Grincement & vélocité, Tant qu’il nous reste des dimanches

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Colorier sans suivre les traits, ça m’a tellement libérée dans ma vie d’artiste.

Je crée dans un but de documentation personnelle. Ça m’amuse de savoir ce qui pousse autour de moi et d’en faire quelque chose d’intime avec.

Fanny Cheung, Jardin, semis et promenade – 立夏 Début de l’été, Ynote_hk

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La poussière dans le regard, la rouille dans les rêveries, la patine dans les gestes […]

Karl, Oubli, Les carnets Web de La Grange

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La mémoire c’est particulier, on croit, comme pour tout, que les autres font comme nous, nombrils de notre monde que nous sommes, que c’est assez universel mais il en est autant de formes que de personnes.

Sacrip’Anne, Memory Lane

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Small-scale blogs and forums were about meeting like-minded dweebs, and forming new friendships unconstrained by age or geography. Today’s social media platforms often divide us into creators and consumers; people whose job it is to go after others’ eyeballs, and people whose attention is the product.
[…] Already, I’ve caught myself reading stuff online and wondering if it’d been written by a real human, or merely spat out by a GenAI tool fed a series of prompts. I find it soul-destroying, quite literally […]. Getting a robot to write words for you means building an extra layer between you and whoever you see as your audience.
It builds a distance between people, which all feels sad and ironic as the old internet was so good at removing so many of the layers which meant that like-minded people couldn’t have met in real life.

Marie Le Conte, 11 things I hate about AI, The Young Vulgarian

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[…]  je m’inquiète mais juste un peu, pas trop, j’ai confiance en elle. La manière dont elle s’est sortie de la violence qu’elle retournait contre elle, me fait dire que ça ira. Peut-être.

[…] elle m’a dit je te fais plein de bisous et ça voulait dire laisse-moi.

Dame Ambre, Journal de mai, 14 à 18 – Quelques histoires de musique