2/ Action men : typologie des personnages

       Il convient d’abord de noter le déséquilibre entre les méchants, aussi nombreux que redoutables, et le héros, seul ou éventuellement assisté par un acolyte, qui est un parfait faire-valoir pour justifier des répliques hautement spirituelles.

# La femme

          Elle est celle pour laquelle le héros supplie Dieu (oui, le héros est croyant, ce n’est pas un anarchiste athée, faut pas pousser le bouchon trop loin) de le garder en vie. Parce que, bon, seul, sa vie ne serait pas grand-chose, se sacrifier à la cause, pourquoi pas, Dieu est grand, l’homme est petit. Mais sa femme… elle le soutient ardemment, et même à la fin, quand le héros viril, enveloppé dans une couverture de survie, est redevenu un tendre blessé perclus capable de romantisme,  à ce moment, la femme ose même un coup de poing dans le nez d’un journaliste qui n’a décidemment rien compris à la grandeur. Ca, c’est l’acte héroïque. Parce qu’elle le vaut bien – elle a pleuré toutes les larmes de son corps, il va sans dire ; le mascara n’a pas coulé et la noyade dans l’oreiller n’a pas dérangé la mise en plis, il va sans dire.

# Les méchants

        Le héros est tout blanc, le méchant tout noir, ne rêvons pas, les films en noir et blanc grisâtres, c’est dépassé. Une âme noire donc, indispensable à faire ressortir la pureté de l’ange exterminateur. Ce qui explique que le méchant soit d’une intelligence retorse, mais remarquable. Mais une intelligence froide, calculatrice, il n’est pas question d’éprouver la moindre pitié pour lui quand il se fera démantibuler par superman. Pas de pathos, pas de psychologie, le méchant est un type universel, interchangeable, démultiplié. Il n’a pas de racines, pas de famille, éventuellement une maîtresse pour faire ressortir ses instincts bestiaux, mais en aucun cas des enfants. C’est à se demander où ils trouvent tous leurs méchants : ils en tuent tellement et ils se reproduisent si peu !

        Il est curieux de noter qu’Hollywood ne s’est toujours pas remis du traumatisme post-Aushwitz. Les méchants parlent en effet souvent allemand, ayant un lourd passé d’agents secrets nazis –non, non, ce ne sont pas de vieux croûtons, la chronologie est élastique dans les films d’action. Autant vous dire que ça n’aide pas au prestige de cette langue qui n’est jamais entendue qu’à travers des ordres hurlés. Les non germanistes disent souvent que la langue de Goethe (à croire que la littérature allemande se réduit à Goethe) se hurle. Beuglez quelques amabilités militaires en français, je vous assure que ça sonnera aussi claquant qu’un fouet. Parce que parlé simplement, l’allemand c’est doux, je vous assure, j’avais même une prof qui semblait parler avec un bonbon bien sucré dans la bouche. Je m’éloigne de mon sujet. Pourquoi l’allemand donc ? Outre que le nazi est l’ennemi conventionnel par excellence, et que le choix ne risque pas d’être critiqué, la langue étrangère pourrait éventuellement indiquer le caractère totalement étranger de l’homme qui vit dans un autre monde aux valeurs incompréhensibles pour le gentil héros acculturé.

Ses valeurs : les lingots d’or, les dollars, les liasses de billets et euh…
Sa grande qualité de méchant est le cynisme, qui permet toujours quelques répliques inspirées avec le héros en mauvaise situation (ce n’est qu’une mauvaise passe, mes chers enfants, rassurez-vous).


# Le héros

           Le contrepoint parfait du méchant. Intelligent pour déjouer les pièges, la réplique qu’il faut pour faire rire et beau pour faire baver ces dames que les explosions à répétition pourraient lasser. En stock, nous avons le type je-roule-des-mécaniques (Bruce Willis) ou le type plus-gringalet-mais-charmeur (Tom Cruise). Mais on le sait tous, ce qui compte c’est la grandeur d’âme. Alors le bon est un saint, il aime tendrement ses enfants, passionnément sa femme, et patriotiquement son pays. Toute cette belle guimauve a donc besoin d’action sanglante pour ne pas tomber dans le mièvre. Les méchants sont indispensables car l’important est moins le mérité (C’est statistiquement prouvé : Bruce Willis n’échoue jamais, le cas contraire nuirait à son image et en dernière instance à son cachet.) que le méritant. Le héros doit sortir grandi de ses épreuves. Avec les bagatelles qu’il essuie, pas étonnant que l’acteur soit au sommet du star system.

Ses valeurs : travail, famille, patrie, amour, paix (on se croirait à l’élection Miss France, vous ne trouvez pas ?), et Dieu dans tout ça.
Sa grande qualité (outre un physique résistant et plutôt photogénique) : la désinvolture, la petite phrase qui tue lâchée négligemment tout en faisant des galipettes par terre pour éviter d’être transformé en passoire sur l’instant. Bref, la classe à moindre prix.

[Je n’allais tout de même pas vous laisser comme ça : une effusion de sentiments avant celle de sang…] [ C’est-y pas mignon cette illustration de l’embrassement de l’amour et de l’action violente ? ]

Le proverbe réifié tu fluidifieras.

         … ou Mens insana in corpore insano.

Quelques vérités générales à glisser dans le trousseau de l’hypokhâgneux (eh oui, l’esprit hypokhâgneux, ça s’épouse – et je pressens que le divorce sera douloureux) :

Ne remet jamais à aujourd’hui ce qui était pour hier.
Ce qui est fait n’est plus à faire
. Juste à refaire.
10 de perdu, 1 de retrouvé. Quand ce n’est pas 0.
Abondance de biens ne nuit pas. Vous étudierez la valeur polysémique du terme en italique.
A l’impossible, nul n’est tenu. Mais tu essayeras tout de même, c’est le principe du jeu.
L’appétit vient en mangeant. En travaillant aussi, ton corps l’apprendra à tes dépends.
Après la pluie, le beau temps. Ou l’orage, faut voir. Et les moussons peuvent durer.
Beaucoup d’écrit pour rien. Le brouillon tu ne compteras pas.
Bien mal acquis ne profite jamais. On attend donc tous avec impatience que l’énergumène préparant ses khôlles avec une heure d’avance ET le Gaffiot ET la grammaire ET la traduction se tôle au concours blanc.
Chose promise, chose due. Un élan enthousiaste pour éviter une désignation de volontaire à ses camarades peut se regretter. *également disponible : chose promise, chose sue.
Comme on fait son lit, on se couche. Et justement, on n’est pas près de dormir.
L’eau va à la rivière. Prévois une gourde. En souvenir d’Hussein.
Alea jacta est. A se répéter après tout devoir rendu. Advienne que pourra.
La fin justifie les moyens. Au regard des statistiques des admis à Normale, la réciproque ne l’est peut-être pas.
Les grands esprits se rencontrent… et vous laissent souvent en dehors de la discussion.
L’habitude est une seconde nature. De ne pas travailler, tu culpabiliseras. Tout tu analyseras.
Heureux au jeu, malheureux en amour : l’hypokhâgne est très ludique.
Redde Caesari quae sunt Caesaris. Tes citations toujours tu expliciteras.
Le mieux n’est plus l’ennemi du bien.
Mieux vaut tard que nocturne.
L’oisiveté est la mère de tous les vices.
Qui ne dit mot consent
. Ou n’a rien compris.
Toute peine mérite salaire. Vous vous demanderez pourquoi il y a des communistes ^^

 

A glisser dans la trousse de secours de l’hypokhâgneux :

La littérature française, du XVIème siècle à nos jours.
Un paquet de Granola.
De l’anticerne.
Un blog.

 

Arte s’encanaille

          
        Arte, la plus culturelle de nos chaînes, comme il convient de l’appeler,  a du exploser son record d’audimat avant-hier soir avec les Liaisons dangereuses !… et John Malkovich. Cette adaptation est aussi géniale que le livre, ce qui n’est pas peu dire. La cinquième est sortie de son rôle d’écolier sage pour s’offrir un pupitre un peu plus libertin. 

Preuve s’il en est qu’Arte ne diffuse pas que :
         des reportages sur les horreurs de la guerre en bilingue français-deutsch. On a d’ailleurs pu constater que le bilinguisme d’Arte n’est efficace que dans ces deux langues : le franglais des Liaisons dangereuses était inaudible tant que l’on n’avait pas bidouillé tous les boutons de la télécommande. Et quant à enregistrer le film, il ne faudrait pas non plus trop en demander.
         Les secrets du désert arctique. Et d’abord, mon frigo en fait très bien le vent des steppes d’Asie centrale.
         Les animaux de la savane. Le roi lion non inclut, nous sommes sur une chaîne culturelle.

 Arte, c’est aussi merveilleux pour :
         les ballets, la seule chaîne à les diffuser. Et quand on a Lucia Laccarra en gros plan, je vous prie de croire qu’on peut bien souffrir que le rôle des femmes peules dans le nord Cameroun soit inscrit au programme. [private joke LS1, puisque c’est un des passe-temps de notre professeur d’histoire.]          un reportage sur la restauration des statues du château de Versailles, trouvé au hasard de la zappette, un soir de grande solitude, à manger un bol de céréales devant la télé. Enchaîné avec un reportage sur un groupe de musicien qui remontaient un opéra de Marc Antoine Charpentier. Je ne suis pourtant pas fan de ce genre de musique baroque, mais en se laissant emporter, c’est tout de même assez beau… En fait le côté crispant des petites notes que semble tirer un archet de vos nerfs disparaît quand on plonge dans la musique, et que l’on ne se tient pas au bord de l’oreille, à se faire éclabousser par le clapotis de l’eau.

      En fait, je crois que le plus grand problème de la chaîne, ce sont les voix off qui n’ont jamais aussi bien porté leur nom que sur la 5 : on les dirait à l’agonie. Ou alors c’est l’émotion face à l’étendue du désert. Ou la sensualité du trait de telle peinture, filmée en travelling – enfin, on travel surtout en esprit, puisque le ralenti est devenu le rythme normal. Ce doit être la patience du concept – aussi long que de séduire la Présidente de Tourvel, en fin de compte.

 
 
Ce n’est pas leur faute. 
 

La culpabilité sans sursis

     En fait l’Eglise l’avait bien compris : on ne prend pas les gens par les sentiments – terreur et pitié larmoyante versent trop rapidement dans le kitsh – on les prend par la culpabilité.

A toutes les sauces

     Pour vous vendre tous les desserts allégés du monde qui allègent surtout votre portefeuille. Avec 0% de sucre mais 50% d’aspartame, qui soit dit en passant a un pouvoir sucrant 300 fois plus important que le sucre (vieux restes des cours de première) et vous y rend donc encore plus accro. Vendredi dernier, je suis allée faire les soldes et dans la cabine d’essayage du printemps, une gentille affiche vous suggérait « Vous ne pouvez pas rentrer dans cette magnifique petite robe ? Ducon, j’essaye un pantalon… Essayez donc le programme spécial K ! En même temps, on peut toujours prendre une taille au-dessus… »

Or)donnez moins, je ferai plus.

       On ne travaille pas assez. Ne pas s’arrêter pour ne pas ensuite se dire que l’on aurait pu faire telle ou telle chose et surtout qu’aurait du. Commencer toutes ses phrases par « Il faut que… », virant au mode conditionnel en temps de découragement. Le travail pour le lendemain est fait lentement ; celui pour lundi en 8, totalement inutile au point de vue de l’organisation de votre emploi du temps, passe rapidement, en s’amusant.

 … DONt on ne sait que faire

      Pour que vous donniez –quoi que ce soit : sang, argent…- on va toujours vous montrer que vous vous rendez coupable en ne le faisant pas. Image d’atrocités, d’enfants qui ne crient plus famine seulement parce qu’ils n’ont plus la force de crier, grimace… Informer, choquer pour faire réagir ? Certainement. Mais parfois, je me demande si voir le sourire qui succède au don ne vous donnerait pas plus envie d’aider. Juste un éclat de bonheur, même fugace.

Vous êtes priés…

     Culpabilité. Je ne sais plus quel philosophe disait en avoir assez de la morale de l’ennui, qu’il voulait une morale de volonté et d’enthousiasme. Je ne sais plus qui, mais je suis d’accord.
Ca ne m’étonne qu’à moitié de lire dans notre cours d’histoire qu’à la Belle Epoque, même les croyants commencent à rejeter le dogme du péché originel. C’est tout de même plus encourageant de voir que l’on réussit à faire une chose à laquelle on s’est attelé, que de contenter (sans même satisfaire) la personne qui nous l’a commandée. Mais non, il faut : tournure impersonnelle – de la force divine ? Il faut qu’on vous écrase. C’est une sensation que j’ai souvent quand je rentre dans une église pour ce que j’y rentre…: l’architecture n’invite pas à se grandir, à s’élever au niveau des vitraux et de leurs saints. Elle vous balaie comme le misérable grain de poussière que vous êtes. Ecrasé par la pierre, les voûtes trop hautes aux clés plus qu’énigmatiques. En revanche, l’église où j’ai été avec la famille aux USA ( c’est maaal d’utiliser des abréviations anglophones…) était à taille humaine et je trouve que l’ambiance était beaucoup plus propice à exalter les nobles sentiments dont se réclame l’Eglise.

Et pour en finir, faites faire le culbuto à la culpabilité.

(sans oublier que faire faire se dit jubeo + prop. inf. )
Ne complexez pas sur vos kilos en trop. La dernière crème arnaque est là pour vous les faire perdre.N’attachez pas trop d’importance à ce bourrelet, ce pull le cachera et vous ira à ravir. J’assume mon âge avec la dernière crème antiride et je mange ce qui me plaît, puisque de toute manière, il n’y a plus de produits qui ne soient allégés. Sauf le Nutella, Dieu soit loué. Ne soyez pas timide, nous avons les moyens de vous faire parler. [ Nous avons l’intelligence de l’inintelligence de la communication !] Avec Hegel, on fait dans le travail du négatif, avec Carrefour, on positive.