Voir l’Italie et vivre

Non, je n’ai pas vu l’exposition au musée d’Orsay.

Mais oui, je reviens d’Italie. De la Toscane, plus précisément, près de Florence.

Je n’ai pas été prise du syndrome de Stendhal, que je ne connaissais d’ailleurs pas (le syndrome, pas Stendhal, malheureusement) : Florence est une ville haute, agitée, extrêmement bruyante, d’autant plus bruyante que nous dormions dans un gîte en pleine campagne, tellement calme que l’on aurait pu, selon Caroline, « coller un procès-verbal aux cigales » pour tapage diurne.

 

Série de posts à venir :

Conduire en Italie et survivre

Voir la Renaissance et mourir (d’ennui)

Manger italien et grossir sourire

Voir l’Italien et rire

Voir Roberto Bolle et tuer (à moins que je ne réserve le verbe pour les bestioles, je ne sais pas encore)

 

Voir la Renaissance et mourir (d’ennui)

Contrairement à certaines statues qui sont devant la galerie des offices, les bras ne m’en tombent pas : la peinture de la Renaissance me laisse de marbre. Je glisse sur les visages trop lisses de la Vierge et les scènes religieuses surchargées de personnages et de symboles auxquels je ne comprends rien.

C’est en partie de ma faute, il est vrai, il faudrait que je m’y intéresse et cherche la compréhension des toiles et des épisodes bibliques (From-the-Bridge me disait encore juste avant le départ qu’il fallait que je lise la Bible, que je me fasse un programme de lecture, parce que la littérature anglaise était gorgée de références) mais j’ai vraiment du mal à faire un effort continu vers ce qui ne m’attire en aucune façon au premier abord.

Inflexion qui pourrait me démentir face aux tableaux dont parle Daniel Arasse dans ses Histoires de peinture – la Vénus d’Urbin, de Titien, notamment. Et dans la dernière salle, une nature morte dont j’ai oublié le nom du peintre que je m’étais pourtant promis de retenir, curieuse avec une coupe de fruit (étonnant, non ?), une branche-brindille qui se tortillait comme la chenille dessus (même pas un vers, la preuve que ce n’était pas mort mais still), et un verre où se reflétait, comme dans les fruits mais de manière plus évidente, une vitre ou quelque élément architectural, furtive trahison par un reflet interne d’un extérieur au tableau, qui n’est plus.

La Corse, l’étranger où l’on parle français

     

   

 

  Il y a des indices qui ne trompent pas : maman avait acheté un guide sur la Corse. On achète toujours un guide avant d’aller visiter des pays étrangers. Au cours des voyages, on a développé une telle relation avec les Hachette tourisme qu’on appelle chacun le « petit guide ». Certes, cette fois-ci, ce n’était pas un Hachette. Et il était plus succinct. Il contenait des cartes. Car l’île à beau n’être pas très grande et les routes n’être pas très nombreuses, les indications ne le sont pas non plus. Pour ne pas vous perdre entre les paysages de mer et montagne (encore un indice : vous parlez souvent d’un paysage à Paris ou même sur la Côte d’Azur ?), vous disposez des quatre points cardinaux incarnés par les villes de Bastia, Porto-Vecchio, Bonifacio et Ajaccio, respectivement nord, est, sud et ouest. Entre-deux, on s’en remet à la chance ou aux indications des locaux – qui, par un mystère de linguiste, s’obstinent à ne pas prononcer la dernière voyelle des noms : vous allez à Cala Rossa, eux à Cala Rosse, chacun sa plage. Mais comme les gens sont adorables, vous devriez vous en sortir. Bien sûr il y a quelques maisons plastiquées pour le folklore local, des graffitis du FLNC et quelques messages de bienvenue comme « Corse is not France. Corse is not for sale. » (On notera le souci grammatical de l’auteur de ce message – Corse isn’t France, indeed, it’s French). Mais cela reste très marginal – peut-être un mythe qui permet de préserver le littoral ? A moins que le nouveau bouc émissaire soit italien : également croisé la charmante équation « Italiens = irrédentisme = occupation ». Pas d’inquiétude cependant, j’ai passé trop de temps sur la plage pour réaliser une étude sur l’idée d’indépendance en Corse… la preuve en images.   

 

 

 

 

Universe city

          A university for the real world : le slogan de l’université d’Audrey en Australie. Bien que je n’aie jamais posé mon postérieur sur les bancs de la fac française, je peux affirmer que ça n’a rien à voir avec la faculté australienne. Cette dernière commence par vous en mettre plein la vue, avec ses différents campus, ses bâtiment ultras modernes et ses computer labs où des écrans 16/9ème s’étendent à perte de vue.
         Car tout se fait par informatique – contrairement à notre contrée septentrionale hexagonale où internet est considéré comme le diable qui profane le temple du savoir en détournant les scolastiques de leurs sacro-saints parchemins, et où certains professeurs d’anglais un brin réac assimilent Google à gogole, internet est révéré comme un dieu. Une dévotion qui tourne parfois à l’aveuglement, me prévient Audrey qui, lors d’un de ses devoirs qui devait être rédigé entièrement à partir de sources électroniques, s’est vu ôter des points pour avoir transformé la webographie en bibliographie (le web n’étant pas encore abondamment pourvue en historique du nucléaire, à l’exception de quelque propagande de ses utilisateurs – voilà, si vous cherchiez un sujet de recherche et de thèse non encore exposée aux toiles d’araignées sur la toile, c’est chose faite). Dingue qu’on ne puisse encore appréhender cette nouvelle technologie sans avoir recours au vocabulaire usé de la moralité. Pas de juste milieu ; mais un usage équilibré et critique suffirait à ce que tout aille pour le mieux sans que l’on tombe dans le meilleur des mondes.
         Impossible donc d’étudier en Australie sans avoir d’ordinateur. Tous les devoirs – qui sont d’ailleurs plus des recherches, des analyses, parfois presque des papiers (journalistiques)- doivent être dactylographiés. L’écriture manuscrite est un signe d’archaïsme que l’on déchiffre presque aussi bien que les manuscrits médiévaux calligraphiés en gothique – et quand on s’entend demander « C’est quoi le Moyen- Age ? », on n’est pas près de déterrer la pierre de Rosette. La correction du travail suit un itinéraire digne de l’administration française, et il faut attendre de recevoir un mail pour faire biper son code barre et obtenir les fruits de son labeur. La notation s’échelonne de 1 à 7, 7 étant la plus haute note.

        Moins étonnant, mais plus important, voire inquiétant est le choix des matières. A fond sur le business, « à quoi ça sert d’étudier les langues, l’histoire, ou la sociologie ? ». A QUT (l’université d’Audrey), ils ont carrément décidé de fermer les humanities. Et quand on nous demande « C’est quoi la philosophie ? », on vérifie l’étanchéité de la porte de sa tour d’ivoire, et on hésite entre l’ouvrir pour en faire un musée ouvert aux businessmen ou la verrouiller à double tour pour s’enfermer dans sa secte. Un autre monde, celui de la majorité de la population en fait – même si une part résiste et manifeste. C’est quoi la philosophie ? – difficile à expliquer, en fait. Un peu comme le concept franco-français de classe prépa. Une fois qu’on a hasardé une ébauche de réponse, la réaction est immédiate : « Mais c’est fatiguant, il faut réfléchir tout le temps ». Cet été, j’ai décidé de me mettre au parfum de l’air du temps : je vais aller encrouter mes neurones en les tartinant de crème solaire et m’en tenir à la croyance – un esprit saint dans un corps sain.
        Avant d’aller léguminer (ta gueule, word, je néologise quand je veux) au soleil, j’observe la sortie des collégiens. Pour le prestige de l’uniforme, faut voir. Mais pour le look, il faudra repasser : certains s’en sortent avec du bleu marine ou du vert bouteille, mais d’autres écopent de bleu layette et de marron passé. Les garçons sont mieux lotis que es filles, dont les jupes sous le genou (c’est-à-dire ni courtes, ni longues – coupées comme des sacs à patates) combinent la mode scout, cléricale et mémère –un cocktail explosif des plus sexy. Bardés de leur sac de sport, les high school sortent tôt – « après on s’étonne qu’ils n’aient rien dans la tête », râle Audrey, « ici, on peut même passer sa scolarité sans faire d’histoire. » Ils n’en feront pas un camembert en tous cas – ou alors sous forme de plastique pasteurisé.
        Les universitaires n’étudient pas non plus des masses – 13 heures par semaine ne semblent pas mener directement au surmenage. D’autant plus que les cours sont plus des pistes de réflexions à développer soi-même (ou pas – hein Dre, qui obtient 7 en bâclant la veille de la deadline) que des cours proprement dits – on parle d’ailleurs de lectures, c’est-à-dire de conférences. Pas de leçons donc, mais des travaux à rendre. Les domaines sont variés, l’nuversité autralienne offrant quelques belles idées comme des cours de creative writing. Les cours en eux-mêmes sont plutôt attrayant, divertissant à grands coups d’écran géant, d’extraits de films et de powerpoint reprenant les clés du cours (vous ne viendrez pas vous plaindre que l’écriture du prof n’est pas lisible ni que la poussière de la craie vous fait tousser). On ne sait plus très bien si on s’amuse en travaillant ou si l’on travaille en s’amusant.
        Critique mais lucide : si les étudiants ne s’éreintent pas intellectuellement, ils se tuent quand même à la tâche. Outre le temps que demandent les recherches, le prix des études oblige à cumuler les boulots ou à avoir Crésus comme parent – d’où les 13 heures de cours hebdomadaires. Certains bossent même avant de faire leurs études, histoire de faire des économies. Etudiant n’est donc pas synonyme de « jeune », et il n’est pas rare de croiser des adultes sur le campus – il existe même une garderie pour ceux qui sont déjà parents – à moins que parents et enfants étudient en même temps, cas possible, d’après une anecdote que m’a rapportée Audrey.

Un autre monde vous, disais-je. Downunder.
Technologie à tout crin versus par-cœur écœurant. Reste à savoir qui est tombé sur la tête.

Of kangaroos and men

     Le pays des kangourous est d’abord celui des moutons : ils sont plus nombreux que les habitants. ¨Pourtant, la viande que l’on met à toutes les sauces, c’est le poulet et l’animal qui fait le pendant de l’émeu sur les pièces de cinquante centimes, le kangourou. Pour approcher cet animal mythique, nous sommes allées au zoo. Nous avons pu caresser et même nourrir ces bêtes qui ont un vague air de lièvre dans la gueule… (là, je viens de signer mon arrêt de mort, je sens gronder l’indignation d’Audrey ). Pour les bonds effrénés, il faudra repasser ; ils somnolaient comme des chats au soleil. Mon véritable coup de cœur animalier fut moins les koalas (mais manger et dormir, ça me va pour une vie future – la puanteur en moins si possible) que les wombats, ces drôles de cochons d’inde géants à tête d’écureuil et qui marchent parfaitement au rythme de la musique de Fantasia.