Le héros du dernier Disney-Pixar est un gamin, c’est entendu, mais celle qui donne son titre au film d’animation est une grand-mère toute ridée ratatinée – et ça, je trouve ça chouette. Coco est à elle seule un travelling dans le temps, gâteuse au point de retomber en enfance, vers la toute petite fille que l’on découvre en flash-back. Elle fait le lien entre l’histoire hic et nunc de son arrière-petit-fils (Miguel, le héros, qui veut devenir chanteur alors que l’héritage familial condamne fermement la musique) et celle, refoulée, de sa famille (que Miguel va élucider par un involontaire voyage au pays des morts).
Et c’est le deuxième truc chouette de ce film d’animation : le monde des morts, un anti-Tim Burton, plein de vie et de couleurs (so much orange power !). Je me suis demandée si ce n’était pas une manière de nier la mort, mais l’annihilation, quoique repoussée aux confins de ce monde des morts, finit par arriver. Lorsque plus aucun vivant ne se souvient d’eux, les morts disparaissent ; leur squelette se volatilise, poussière orangée qui retourne à la poussière. Dans le film, cela arrive à un personnage secondaire sans lien avec les autres – un instant de tristesse dont on ne se formalise pas plus que cela. C’est la vie. Et c’est apaisant. Il n’y a pas de mort (aucune grande faucheuse personnifiée), seulement des morts, qui importent pour leur lien avec les vivants, pour la mémoire, la transmission. Il me semble d’ailleurs que ce n’est pas tout à fait un hasard si le monde des morts se présente comme une myriade d’habitations qui s’enroulent à la manière d’hélices d’ADN.
Je sur-interpète peut-être ; ce peut aussi être un simple effet de mode de notre époque connectée. La ville des morts n’est après tout qu’une ville de science-fiction mentale, que l’on construit d’après notre monde à nous. Ainsi, dans le monde des morts, l’administration continue à contrôler les gens et la technologie sait tout d’eux : lors de la fête des morts, ceux-ci se voient refuser la visite annuelle de leur famille si l’ordinateur, après identification biométrique, ne trouve pas dans sa base de données magique la preuve que leur famille a bien placé leur photo sur l’offerta.
Quoi qu’il en soit, l’arbre généalogique que dessine cet autel fait un bien joli sapin de Noël pour les fêtes de fin d’année et rappelle à point nommé que les traditions sont moins une question de croyance (en l’au-delà) qu’une occasion de chérir (ici-bas) des liens qu’on pourrait trop rapidement considérer comme des entraves, en oubliant la chaleur et le réconfort qu’il peuvent apporter.