Films 2023

 

Janvier : Joker (Netflix), Vivre (ciné), Le Tourbillon de la vie (ciné), Simone, le voyage du siècle (ciné), Un jour de pluie à New York (OCS), Cube (Netflix), Tu choisiras la vie (ciné), Neneh superstar (ciné), Non ma fille tu n’iras pas danser (OCS), Mes jours de gloire (OCS)Février : Aftersun (ciné), Les Bergman se séparent / The Squid and the Whale (france.tv), Comme un avion (OCS)Mars : Everything, everywhere, all at once (OCS)Avril : Je verrai toujours vos visages (ciné), Dancing Pina (ciné), Awakenings (Amazon prime), Bonne conduite (ciné), Fantastic Mr. Fox (OCS)Mai : Les Trois Mousquetaires : D’Artagnan (ciné) / Equals (OCS) / Juin (ou juillet ?) : C’est ça l’amour (OCS) / Juillet :  L’amour et les forêts (ciné) / Vers un avenir radieux (ciné) / Wonder (Netflix) / Août : Barbie (ciné) / The Devil all the Time / The French Dispatch (Disney+) / L’Île aux chiens (Disney+) / The King’s Man : première mission (Disney+) / La Vie aquatique (Disney+) / Septembre : Il était une fois 2 (Disney+) / Anna et le roi (Disney+) / Novembre : The Revenant  = 34 films

L’année cinématographique avait bien commencé, puis… La paranoïa des punaises de lit a coïncidé avec le tunnel de la reprise des cours et ma hernie discale (les fauteuils de cinéma n’offrent pas vraiment le soutien idéal quand il ne faut surtout pas arrondir la colonne) : cela fait donc quatre mois que je fais du mécénat avec ma carte UGC et hésite à la résilier. Je résiste encore un peu et mise sur la nouvelle année.

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Les films que je conseillerais ou reverrais volontiers :

  • Le Tourbillon de la vie
  • Tu choisiras la vie
  • Aftersun
  • Dancing Pina 
  • Bonne conduite
  • The Wonder

Les films que, vraiment, vous pouvez vous épargner :

  • Awakenings
  • Non ma fille tu n’iras pas danser
  • Vers un avenir radieux
  • Vie aquatique

Les acteurs, mais surtout actrices, que j’ai eu plaisir à retrouver :

Lou de Laâge
Lou de Laâge dans Le Tourbillon de la vie (et Tu choisiras la vie)
Laure Calamy dans Bonne conduite
Virginie Effira dans L’Amour et les forêts
Paul Mescal dans Aftersun
Leïla Bekhti dans Je verrai toujours vos visages

Et aussi Mia Wasikowska dans The Devil All the Time et Aimee Lou Wood dans Vivre. Bonus midinette : Lyna Khoudri et François Civil dans Les Trois Mousquetaires.

Life in plastic, it’s fantastic

… I can brush your hairundress you everywhere
Imagination, life is your creation

Barbie au cinéma. Je ne sais pas trop quoi en penser sur le moment. Le rythme, calé sur la parodie de l’émerveillement de stereotypical-Barbie-qui-voit-la-vie-en-rose, empêche que ce soit vraiment drôle sur la durée, alors que ça a tout pour l’être. Cela me fait un peu le même effet que la seconde de trop du komisch allemand (dans un tout autre genre, oui). Et ça me fout dans l’incertitude : le kitsch ultime de la scène entre Barbie et sa créatrice vieillie est-il du premier ou du second degré ? On sort la carte de la créatrice comme un joker : si Barbie a été créée par une femme, alors tout va bien — exit le male gaze intériorisé. On peut fermer les yeux sur ses mensurations improbables ; d’ailleurs, vous avez vu, toutes les corpulences sont représentées au casting.

Il y a dans cette scène un effet de sourdine sur l’ironie, comme si le regard de Mattel se faisait pesant sur le film de Greta Gerwig. D’accord pour inclure toutes les dénonciations possible, l’autodérision est bonne pour la marque ; mais pas sur la fin, la fin c’est marketing. À la fin boys will be boys et Barbie will be Barbie. La réalisatrice ne peut plus se permettre d’être cinglante, et s’en remet au double-tranchant du kitsch, dont la force perdure même quand on l’expose pour le tourner en ridicule (big up Kundera). Le premier degré (qui doit faire kiffer Mattel) n’est donc pas annulé par le second (orchestré par Greta Gerwig). Oui, mais : la permanence du premier degré (en rassurant Mattel) permet aussi le second, et ça, c’est franchement bien joué, Greta Gerwig. Finement joué, in fine, même si j’aurais davantage ri sur plus cinglant (l’unique incursion extra-diététique d’une voix off  était savoureuse, et aurait pu être réutilisée plus fréquemment). La scène finale est une plaisanterie sans conséquence, mais avec mordant ; pas de demi-teinte, tout le monde repart léger — en rose, baby.

Je n’ai jamais été très Barbie, mais j’ai été ado dans les années 2000 : mon âme de trentenaire a kiffé les extraits de la chanson d’Aqua au générique… en citation dans un remix (toujours cette même distance mi-précautionneuse mi-ironique).

Comme beaucoup l’ont dit : Barbie n’est pas parfait, mais il a le mérite d’exister. C’est typiquement un film que je suis plus contente d’avoir vu que de voir : le casting de bons acteurs fait qu’à petites doses en reaction gif et autres références joyeusement martelées, ce sera tout à fait savoureux.

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Les gif font d’ailleurs manifestement partie du dossier de presse, à en croire le hashtag :

Barbie en mode disco, légende : Do you guys ever think about dying?Margot Robbie, parfaite en stereotypical Barbie. Ici dans une scène qui avait un petit goût de The Good Place (pas certaine que ce soit une référence voulue, contrairement à la scène d’introduction ?).

Ken qui se la pète ; en légende : "cool"

Ryan Gosling est impayable en Ken, tour à tour prétentieux, insecure (incel materiel), pathétique, ridicule et presque touchant.

Le CEO de Mattel tape avec ses baguettes roses : légende : catatstrophic !

J’espère qu’on aura plus de gif sur les cadres de Mattel (celui-ci n’est pas terrible) ; il y a des passages croquignolesques.

Ciné de mars-avril

Everything, everywhere, all at once (sur OCS)

Quand on ouvre les fenêtres en voiture alors qu’on roule vite, il me faut toujours un moment avant de trouver mon souffle, cinglée par l’air. C’est pareil pour Everything, everywhere, all at once, que j’avais lancé pour me détendre, sans me douter de l’exigence du rythme : j’ai interrompu deux fois le visionnage avant de me faire à l’afflux visuel et d’entrer vraiment dans le délire. Je ne suis pas certaine d’avoir retenu grand-chose de l’histoire mère-fille qui se joue, noyée dans une myriade d’univers avec des doigts-Knacki et un bagel-trou noir destructeur de l’humanité, mais j’ai passé un bon moment. Puis j’ai toujours une tendresse particulière envers les gens qui déploient des trésors d’imagination pour nous rassurer sur nos choix de vie, postulant pléthores de vies parallèles alternatives pour vérifier qu’on ne peut pas tout avoir, et que la plus éclatante n’est pas nécessairement la plus heureuse.

La contrôleuse des impôts comme ennemi terrifiant (on ne voit pas son presse-papier-plug sur la photo)
Everything bagel

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Je verrai toujours vos visages

L’essentiel du film consiste en séances de parole entre détenus et victimes d’infractions similaires, préparées en amont par des médiateurs. Comprendre, non pour pardonner à l’autre, mais pour se réparer soi : c’est tout l’intérêt de ce dispositif de justice restaurative. Je verrai toujours vos visages est optimiste sans être joyeux, un concentré d’humain trop humain porté par une pléiade de bons acteurs (notamment Leïla Bekhti, Élodie Bouchez et Gilles Lellouche).

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Dancing Pina

La danse de Pina Bausch se prête décidément bien au documentaire. Pour un peu, elle passerait mieux à la caméra que sur scène, lorsque le geste est explicité dans la transmission, et les émotions qu’il remue chez les interprètes, captées à fleur d’instant.

J’ai aimé qu’il n’y ait pas de voix off, seulement les artistes qui s’expriment, danseurs et passeurs. J’ai aimé qu’on suive à la fois une transmission tout ce qu’il y a de plus classique, à une compagnie classique européenne, et celle, plus ébouriffante, de l’École des sables, rassemblant des artistes de toute l’Afrique aux parcours plus divers, avec une performance finale du Sacre du printemps dansée non pas dans un théâtre, la scène préalablement recouverte de terre apportée par bennes, mais sur le sable, sur la plage, avec le vent et quelques badauds qui n’ont pas été contenus hors-champ, un simple sillon délimitant l’espace de représentation. C’est un peu dingue.

À la fin de la séance, un monsieur  se tourne vers moi (envie de parler) et me raconte qu’en je-ne-sais-plus-combien, il avait eu la chance (envie de parler de lui, bon), alors qu’il était à l’école normale de Lille (envie de faire l’important, va pas falloir que ça dure trop), d’assister à une masterclasse… de Béjart. J’avoue, je n’avais pas vu venir la chute. (Pour l’envie de faire celui qui s’y connaît, c’est un peu raté, mais c’est mignon.)

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Awakenings (sur Amazon prime)

Première heure de film : les bons sentiments, une belle histoire édifiante, bon, pourquoi pas.
Seconde heure de film : les bons sentiments sans rythme, avec enlisement dans le pathos, c’est non.

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Bonne conduite

Déjà évoqué dans le journal d’avril.

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Fantastic Mr. Fox (sur OCS)

Une histoire toonesque, but make it animation, make it Wes Anderson. À la fois décalé et attendu. Drôle.

Le boyfriend, avec son œil de graphiste, a remarqué que Wes Anderson adorait les plans symétriques, centrés. Impossible de ne plus le voir une fois qu’on l’a vu.

Les quatre mousquetaires

Cette adaptation des Trois Mousquetaires est du même acabit que le cookie qui a précédé la séance : rien de mémorable, mais ça fait bien plaisir sur le moment. Surtout les plans où Lyna Khoudri fait sourire François Civil.

Le D’Artagnan de François Civil est une tête à claques et à baisers. Ses entrevues avec Constance ont été ajustées pour ne pas faire hurler une sensibilité moderne, ça passe de justesse (la maladresse feinte, censément touchante, de François Civil est un brin exaspérante), mais ça passe, grâce à ma faiblesse hétérosexuelle à l’aplomb de Lyna Khoudri. Cette dernière semble tout droit sortie de La Place d’une autre où je l’ai découverte ; on croirait qu’elle a fait trois pas pour passer d’un plateau de tournage à l’autre. Je n’ai en revanche pas réussi de tout le film à savoir d’où je connaissais la reine, jouée par Vicky Krieps : c’était l’actrice de Phantom Thread. Eva Green, elle, is and will be Eva Green, toute Milady qu’elle soit.

Porthos me surprend d’être incarné par Pio Marmaï : contrairement aux autres, à Romain Duris qui fait du Romain Duris, à Vincent Cassel qui fait du Vincent Cassel, etc., il ne fait pas du lui-même, ou à la marge.

Athos rend Vincent Cassel vaguement moins insupportable que d’habitude.

L’Aramis de Romain Duris me file un coup de vieux — je ne nous ai pas vus vieillir, tous, depuis L’Auberge espagnole. Ses tics passent moins bien, ou c’est moi qui les trouve désormais plus énervants qu’agaçants.

Aramis (Romain Duris) : "Tu veux pas le tuer, s'il te plaît ?"

Aramis (Romain Duris) : "Il m'exaspère."
Un mood. (Aramis à propos de D’Artagnan, mais ça peut se transposer des personnages aux acteurs.)

Le zozotement minaudé de Louis Garrel pourrait produire le même effet, mais il est rudement bien employé en roi mollasson. Baisse temporaire de testostérone, ça fait du bien dans ce film qui en est trop plein… ou pas assez ? En tentant de ménager la chèvre originale et le chou spectateur d’aujourd’hui, on sort le roman de son époque sans atteindre les attentes de la nôtre. Dans cet entre-deux uchronique, toute cette testostérone, pour laquelle je suis pourtant venue (plaisir hétérosexuel assumé face au casting annoncé), me lasse rapidement. Surtout lors des scènes d’action nocturnes qui m’ont semblées mal éclairées, dans une salle de cinéma qui l’était trop (à tous les coups, les vieilles ampoules incandescentes des sorties de secours ont été remplacées par des LED sans adaptation de Watt). Heureusement qu’il y a quelques punchlines. Des gros plans sur les mains. Et les fossettes de François Civil.

Films 2023.02

Aftersun

Après-soleil, après-coup, couleurs délavées. Aftersun n’existe que dans un regard rétrospectif où ce qui est en train de se vivre est déjà perdu. Pour Sophie, qui filme à hauteur d’enfant des bribes de ses dernières vacances avec son père. Pour celui-ci, Calum, aux prises avec la dépression, malgré tous ses efforts pour offrir de beaux moments à sa fille, malgré l’amour et la tendresse de ses gestes, de son attention sans cesse renouvelée, arrachée à une toile de fond qui le voit sombrer. Il est là et son absence l’est déjà aussi, dans tous les plans où l’on ne voit que son reflet parcellaire (dans un coin de miroir), imprécis (sur une table vitrée) ou opacifié (sur un écran de télévision éteint). Ce rapport paradoxal entre absence et présence culmine dans le plan où le repas père-fille est filmé en plan fixe sur le coude du père, sous lequel se développe lentement un Polaroïd d’eux pris par le photographe du club de vacances. Lentement.

La lenteur ne tranche pas : c’est le temps du développement, du film d’auteur ; le temps étiré de la somnolence sur un transat au soleil, seulement ponctué de re-crémages solaires ; le temps indifférencié des vacances, tramé d’ennui et brodé d’activités que l’on doit décider sans qu’elles s’imposent à nous, sans smartphone, sans Internet, sans jeux vidéos ; le temps de l’enfance sans turbulence ; le temps de la léthargie, aussi, celui de l’enlisement, de la dépression ensoleillée, qui aveugle et délave. C’est lent : d’abord long, puis plus tellement. Comme des vacances infinies qui se termineront mardi.

C’est étrange, parce que j’ai l’âge du père (je suis plus âgées, même), mais c’est mon enfance que vit sa fille. J’ai été en club de vacances avec les mêmes buffets à volonté, les chaises en plastique, les spectacles le soir, le bracelet pour commander au bar en sortant de la piscine (une inconnue donne son bracelet all-inclusive à Sophie ; j’avais trouvé un bracelet de perles-monnaie bonus par terre), les activités organisées et celles improvisées (billard père-fille ; parties de ping-pong mère-fille) — à la même époque, celle de l’argentique, des débardeurs tie and dye et des atébas, ces fils de couleurs entourés autour d’une mèche de cheveux. C’est mon enfance et elle me paraît loin aux côtés du père, éloignée par les années, mais pas seulement, par ce rapport au temps aussi, à ce temps dénué de perpétuelle diversion numérique. Ça m’a fait plisser les yeux, essayer d’entrevoir nettement cette époque révolue de parties de cartes et de plongeons — de lectures aussi, beaucoup plus que l’héroïne. Je me souviens des chapitres rationnés quotidiennement parce que je n’avais pas emporté assez de livres et que je n’en trouverais pas en français dans ce club de vacances italien. Ma mère, dans le même cas de figure, avait fini par lire les miens ; je la revois rire de la truculence de Judy Blume.

C’est mon enfance et ce n’est absolument pas mon histoire. Elle n’appartient qu’à Calum et Sophie, marquée par le drame en suspens, préservée-ressuscitée par une pellicule terriblement présente d’être un peu passée, révolue même, dernier vestige de. Cette relation père-fille, pas souvent si bien mise en scène, est incarnée tout en sensibilité et sans pathos par Francesca Corio et Paul Mescal (déjà à fleur de peau et de névrose dans Normal People), sous la direction de Charlotte Wells dont on a du mal à imaginer que c’est le premier long métrage.

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Les Berkman se séparent

Un bon film sur la séparation d’un couple et le bordel engendré chez les enfants (plus par le père arrogant-méprisant que par la séparation en tant que telle, in fine).

Sur France.tv jusqu’au 30 avril

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Comme un avion

Michel (Bruno Podalydès) plane à deux mille, et pas juste parce qu’il est fan d’aviation.

Vu d'en haut, ballet de travailleurs sur leur chaise de bureau tournante

Un jour, il développe une fascination pour le kayak, l’objet, l’idée, la beauté du geste — pagaye dans le salon et sur le toit de l’immeuble en secret de sa femme (Sandrine Kiberlain).

Adulte qui mime le mouvement de pagayer dans un squelette de canoë

On n’y croit pas vraiment, mais un jour son kayak rencontre vraiment l’eau — et lui, d’autres yeux, d’autres bras, d’autres peaux. Il plane tellement à deux mille, rêve tellement l’instant, l’aventure, que les questions qui devraient se poser ne se posent pas. C’est doux et reposant, cette absence de scrupule, ces rencontres qui coulent de soi, avec toute la maladresse et la tendresse qui siéent à Michel. On voudrait pouvoir tout accueillir ainsi.

Dans les bras de sa femme qui n’y croit pas trop, à son périple, mais croit en lui (photo prise avant de penser à pousser à fond la luminosité de l’écran, d’où l’effet de trame).
Tendre tête-bêche dans l'herbe
Tête-bêche de tendresse, poids de la tête, main qui relie.
sourire d'un femme étreinte dans les bras d'un homme
Sourire renaissant chez Laetitia (Agnès Jaoui)
"On sent tout dans les bras de quelqu'un"
Dans les bras de Mila (Vimala Pons). C’est très vrai, même si je ne sais pas si on sent tout de l’autre ou tout de soi.

Loupé à sa sortie en 2015,
vu sur OCS (mais désormais retiré du catalogue)