Kinds of cruelty

Sweet Dreams are made of this : je me suis laissée entraîner par le rythme de la bande-annonce que l’on retrouve au début du film, alors que ce qui compte vraiment, ce qui est préfigurateur dans cette chanson d’Eurythmics, ce sont les paroles :

Some of them want to abuse you
Some of them want to be abused

Kinds of Kindness, gentillesse, tu parles ! Kinds of Cruelty, oui. Les dreams de Yórgos Lánthimos ne sont pas sweet du tout — des sweet nightmares, à la rigueur. Le réalisateur n’a pas son pareil pour créer des films profondément dérangeants, The Lobster a suffi à m’en convaincre, même si j’ai remis le couvert avec La Favorite. L’avertissement qui accompagnait Kinds of Kindness a presque failli m’y faire renoncer :

Le caractère violent, répétitif et cruel de scènes qui surgissent de manière inattendue et dérangeante est susceptible de perturber un public non préparé à subir ces images dans un climat très oppressant.

Serait-ce pire que les films précédents ? Gore en plus d’être malsain, je sais que je ne tiendrai pas. J’hésite, mais tente tout de même, me disant que je peux toujours quitter la salle si c’est trop dur (j’ai même repéré un autre film qui joue avec 10 minutes de décalage). Je me prépare, dans la crainte d’images difficilement soutenables, mais tout va bien, ce n’est que le film dans son entièreté qui est insoutenable… hormis deux ou trois scènes où, malgré mon entraînement récent avec The Boys, j’ai fermé les yeux puis utilisé mon regard flou périphérique pour savoir si je pouvais revenir à l’écran.

Personnage de dos, dans l'angle d'un bureau entièrement vitré, rendu aigu par la déformation de la caméra
Non, vraiment, y’a rien qui va (tout qui est travaillé), jusqu’au bureau à l’angle trop aigu. Même l’anodin parvient à être malsain.

Ce qui m’a désarçonnée en revanche (puisque dérangée, je l’ai été d’un bout à l’autre), c’est le découpage en trois films distincts, séparés par un mini-générique. On prend les mêmes acteurs et on recommence une autre histoire*, encore plus tordue  L’acmé de l’horreur pour moi est atteinte dans la deuxième, à mi-chemin entre la folie et le fantastique. La dernière histoire est probablement pire, mais qu’elle soit ancrée dans une secte la rend paradoxalement plus rassurante : on sait qu’on est chez les fous, proche de la parodie.

Vu le choix des visages découpés comme des masques sur les affiches, j’imagine que le triptyque est là pour faire ressortir l’idée du rôle que les gens prennent pour se manipuler les uns les autres. Un même acteur, trois personnages : forcément, ce n’est plus seulement l’acteur mais le personnage lui-même qui joue un rôle. Sauf que les acteurs sont un peu trop bons pour cela : passées les premières minutes d’adaptation (ah, ok, Emma Stone est sa femme maintenant ; Willam Dafoe est devenu père…), les personnages n’ont jamais été autres qu’ils ne sont. Mais peut-être est-ce encore plus tordu ?

* Le procédé m'a fait penser à Trois fois dès l'aube, à ceci près qu'il est variation poétique soutenue par un même récit chez Alessandra Baricco.

C’è ancora domani

J’ai aimé
le ton,
la légèreté revendiquée pour un sujet qui ne l’est pas,
la langue italienne, même si je me suis lassée de l’entendre criée,
les grands maigrichons croisés dans la rue du générique (mon faible italien est aussi archétypal que leur machisme),
le déjeuner-désastre de fiançailles,
la danse pour la violence, comme une chanson que l’on connaît trop bien, comme des coups que l’on veut escamoter, éviter de reproduire, même à l’écran,
[spoiler]
la pirouette finale, passionnément (j’ai cru jusqu’à la fin à l’embarquement pour un train, puis à mesure que les regards montaient, pour un bateau),
la résistance au postulat amoureux au profit d’une émancipation collective. [/spoiler]

La souris-kangourou du désert

Dune 2, c’est le film parfait à aller voir en couple.

Le boyfriend s’émerveille de la beauté de Zendaya.

Son personnage a du chien, y’a pas à dire.

Je m’émerveille du visage taillé à la serpe de Timothé Chalamet.

En brun aux yeux bleus.

Ensemble nous nous émerveillons de la beauté du désert.

Il ne me restera pas grand-chose d’autre du film (l’intrigue me rentre par une oreille et en ressort par l’autre), mais ça en valait le coup quand même.

Deux pics d’excitation bonus :

1. La souris-kangourou du désert !

Paul-Timothée Chalamet a senti que cette souris risquait de le détrôner dans mon cœur, et a repris son nom dans la langue des Fremens : je peux ainsi kiffer Muad’Dib sans avoir à préciser s’il s’agit de Paul ou de la super-souris.

2. La très poétique danse des Fremens

Pour ne pas se faire bouffer par les gros vers du désert qui sont attirés par le rythme régulier de la marche, les Fremens se déplacent en dansant. Les pas entrecoupés de glissades et ronds de jambe laissent sur le sable des traces qui ressemblent à une partition en notation Feuillet, ça m’a réjouie.  En cherchant (en vain) une illustration, j’ai d’ailleurs découvert que c’est Benjamin Millepied qui a réglé cette courte chorégraphie.

Pour les spectateurs de Dune qui seraient aussi balletomanes, je suis obligée de partager ce meme de niche mais de qualité.

Deux extraits du film qui montrent le visage de Thimothée Chalamet (Paul), l'un résistant à la douleur, l'autre hurlant de douleur, encadrent une photo de podotrainer, une machine pour travailler le cou-de-pied. L'ensemble est une capture d'écran d'une story Instagram d'@audethuries
Dans le premier volet de Dune, Paul doit placer sa main dans une boîte qui inflige une douleur incroyable. Elle a ici été remplacée par un podotrainer, un appareil (de torture) censé développer le cou-de-pied des danseuses.

Films 2023

 

Janvier : Joker (Netflix), Vivre (ciné), Le Tourbillon de la vie (ciné), Simone, le voyage du siècle (ciné), Un jour de pluie à New York (OCS), Cube (Netflix), Tu choisiras la vie (ciné), Neneh superstar (ciné), Non ma fille tu n’iras pas danser (OCS), Mes jours de gloire (OCS)Février : Aftersun (ciné), Les Bergman se séparent / The Squid and the Whale (france.tv), Comme un avion (OCS)Mars : Everything, everywhere, all at once (OCS)Avril : Je verrai toujours vos visages (ciné), Dancing Pina (ciné), Awakenings (Amazon prime), Bonne conduite (ciné), Fantastic Mr. Fox (OCS)Mai : Les Trois Mousquetaires : D’Artagnan (ciné) / Equals (OCS) / Juin (ou juillet ?) : C’est ça l’amour (OCS) / Juillet :  L’amour et les forêts (ciné) / Vers un avenir radieux (ciné) / Wonder (Netflix) / Août : Barbie (ciné) / The Devil all the Time / The French Dispatch (Disney+) / L’Île aux chiens (Disney+) / The King’s Man : première mission (Disney+) / La Vie aquatique (Disney+) / Septembre : Il était une fois 2 (Disney+) / Anna et le roi (Disney+) / Novembre : The Revenant  = 34 films

L’année cinématographique avait bien commencé, puis… La paranoïa des punaises de lit a coïncidé avec le tunnel de la reprise des cours et ma hernie discale (les fauteuils de cinéma n’offrent pas vraiment le soutien idéal quand il ne faut surtout pas arrondir la colonne) : cela fait donc quatre mois que je fais du mécénat avec ma carte UGC et hésite à la résilier. Je résiste encore un peu et mise sur la nouvelle année.

…

Les films que je conseillerais ou reverrais volontiers :

  • Le Tourbillon de la vie
  • Tu choisiras la vie
  • Aftersun
  • Dancing Pina 
  • Bonne conduite
  • The Wonder

Les films que, vraiment, vous pouvez vous épargner :

  • Awakenings
  • Non ma fille tu n’iras pas danser
  • Vers un avenir radieux
  • Vie aquatique

Les acteurs, mais surtout actrices, que j’ai eu plaisir à retrouver :

Lou de Laâge
Lou de Laâge dans Le Tourbillon de la vie (et Tu choisiras la vie)
Laure Calamy dans Bonne conduite
Virginie Effira dans L’Amour et les forêts
Paul Mescal dans Aftersun
Leïla Bekhti dans Je verrai toujours vos visages

Et aussi Mia Wasikowska dans The Devil All the Time et Aimee Lou Wood dans Vivre. Bonus midinette : Lyna Khoudri et François Civil dans Les Trois Mousquetaires.

Life in plastic, it’s fantastic

… I can brush your hairundress you everywhere
Imagination, life is your creation

Barbie au cinéma. Je ne sais pas trop quoi en penser sur le moment. Le rythme, calé sur la parodie de l’émerveillement de stereotypical-Barbie-qui-voit-la-vie-en-rose, empêche que ce soit vraiment drôle sur la durée, alors que ça a tout pour l’être. Cela me fait un peu le même effet que la seconde de trop du komisch allemand (dans un tout autre genre, oui). Et ça me fout dans l’incertitude : le kitsch ultime de la scène entre Barbie et sa créatrice vieillie est-il du premier ou du second degré ? On sort la carte de la créatrice comme un joker : si Barbie a été créée par une femme, alors tout va bien — exit le male gaze intériorisé. On peut fermer les yeux sur ses mensurations improbables ; d’ailleurs, vous avez vu, toutes les corpulences sont représentées au casting.

Il y a dans cette scène un effet de sourdine sur l’ironie, comme si le regard de Mattel se faisait pesant sur le film de Greta Gerwig. D’accord pour inclure toutes les dénonciations possible, l’autodérision est bonne pour la marque ; mais pas sur la fin, la fin c’est marketing. À la fin boys will be boys et Barbie will be Barbie. La réalisatrice ne peut plus se permettre d’être cinglante, et s’en remet au double-tranchant du kitsch, dont la force perdure même quand on l’expose pour le tourner en ridicule (big up Kundera). Le premier degré (qui doit faire kiffer Mattel) n’est donc pas annulé par le second (orchestré par Greta Gerwig). Oui, mais : la permanence du premier degré (en rassurant Mattel) permet aussi le second, et ça, c’est franchement bien joué, Greta Gerwig. Finement joué, in fine, même si j’aurais davantage ri sur plus cinglant (l’unique incursion extra-diététique d’une voix off  était savoureuse, et aurait pu être réutilisée plus fréquemment). La scène finale est une plaisanterie sans conséquence, mais avec mordant ; pas de demi-teinte, tout le monde repart léger — en rose, baby.

Je n’ai jamais été très Barbie, mais j’ai été ado dans les années 2000 : mon âme de trentenaire a kiffé les extraits de la chanson d’Aqua au générique… en citation dans un remix (toujours cette même distance mi-précautionneuse mi-ironique).

Comme beaucoup l’ont dit : Barbie n’est pas parfait, mais il a le mérite d’exister. C’est typiquement un film que je suis plus contente d’avoir vu que de voir : le casting de bons acteurs fait qu’à petites doses en reaction gif et autres références joyeusement martelées, ce sera tout à fait savoureux.

…

Les gif font d’ailleurs manifestement partie du dossier de presse, à en croire le hashtag :

Barbie en mode disco, légende : Do you guys ever think about dying?Margot Robbie, parfaite en stereotypical Barbie. Ici dans une scène qui avait un petit goût de The Good Place (pas certaine que ce soit une référence voulue, contrairement à la scène d’introduction ?).

Ken qui se la pète ; en légende : "cool"

Ryan Gosling est impayable en Ken, tour à tour prétentieux, insecure (incel materiel), pathétique, ridicule et presque touchant.

Le CEO de Mattel tape avec ses baguettes roses : légende : catatstrophic !

J’espère qu’on aura plus de gif sur les cadres de Mattel (celui-ci n’est pas terrible) ; il y a des passages croquignolesques.