Séries 2023

 

Distinguerez-vous les séries que j’ai regardées seule et celles que j’ai regardées avec le boyfriend ? Level : archi-débutant.

  • Série préférée de l’année : En thérapie 
  • Catégorie balletomane & 10 ans après tout le monde : Graines d’étoiles
  • Catégorie série arrêtée en cours de route par lassitude après un début kiffant sur les chapeaux de roue : Mr. Robot
  • Catégorie on ne s’en lasse pas ou presque : Sex Education (saison 3)
  • Catégorie ça passe sous Tramadol, mais c’est bien parce qu’il y a Virginie Effira : Tout va bien
  • Catégorie mon petit cœur adore : Heartstopper (saison 1)
  • Catégorie bonne surprise improbable : Spy Family (saison 1)
    Le père est espion, la mère est tueuse à gage et la fille adoptive, qui lit dans les pensées, est la seule à connaître la vérité sur chacun. Si vous avez les mangas, n’hésitez pas.

Ciné de mars 2022

Viens, je t’emmène

Une prostituée se décompose en voyant au JT qu’un attentat a eu lieu juste à côté de l’hôtel où elle fait des heures sup’ non payées, tandis que son nouvel amant continue à s’activer entre ses cuisses… et ne s’arrête que lorsque surgit le mari, inquiet pour sa femme, prêt à rembourser le client dont il n’imagine pas qu’il était là gratis.

Il faut un peu de temps avant que le film trouve le rythme que sa bande-annonce augurait, mais à partir de cette scène, c’est plutôt savoureux de débandade et de nawak savamment dosés. Surtout quand le client se retrouve à accueillir dans son immeuble le présumé terroriste de l’attentat…

Alain Guiraudie brasse les clichés comme le client les seins opulents de son amante : avec volupté, pour son/notre plus grand plaisir. Pour autant, ses personnages ne sont pas des stéréotypes, ou seulement dans le regard des autres : ils débordent sans cesse les préjugés dont ils sont l’objet, sans pour autant les infirmer avec certitude. Le gamin-SDF-arabe relâché par la police est-il innocent de fait ou par manque de preuve ? Peut-on être terroriste et lire Lucky Luke ? Le mari disant que le voile de sa femme est une lubie de celle-ci dit-il vrai ? Peut-on vraiment craindre une quelconque radicalisation quand celle-ci considère comme un déguisement grotesque la burqua que son mari lui a offerte ? Le mari jaloux que notre héroïne prostituée cocufie avec plaisir est-il vraiment un personnage si amusant que cela ?

Jean-Charles Clichet joue pas mal le mec paumé, autant balloté par les événements que les croyances qu’ils suscitent, tandis que Noémie Lvovsky est parfaite en Isadora(ble), prostituée au grand cœur, grand corps, grande gueule (ça fait bizarre, mais ça fait du bien, vraiment, de voir des scènes de sexe avec des corps non hollywoodiens – même si on peut aussi s’interroger sur la facilité avec laquelle le burlesque prend la place de l’érotisme absent….).

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Belfast

Un huis-clos porte ouverte, dans une rue de Belfast où les Protestants se font persécuter par des Catholiques émeutiers. Double intelligence de Kenneth Branagh : se placer du point de vue d’une famille catholique qui ne comprend pas ce déferlement de haine – ni victime ni bourreau donc, mais sommée de prendre partie ; et s’intéresser aux trois générations concernées, des grands-parents au petit dernier, entremêlant ainsi le récit à hauteur d’enfant et les enjeux adultes (le frère aîné est en revanche laissé de côté, allez savoir pourquoi). Rues à feu à sang à sac et grands regards lumineux sont réunis dans le même noir et blanc étincelant : une photographie superbe, vraiment. C’est sur ce terreau de choix qu’a fleuri une belle migraine ophtalmique, coupant les sous-titres d’un accent à couper au couteau avant de s’étaler en plein écran.

Bonus plaisir : Dame Julie Dench dans le rôle de la grand-mère.

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Le Chant du loup (vu sur Netflix)

Un • bon • film • d’action • français : Antonin Baudry nous offre le luxe de n’avoir aucune mention inutile à rayer. Le casting est de surcroît un régal : Reda Kateb et Omar Sy en commandants de sous-marins, ça met déjà de bonne humeur, mais alors François Civil en oreille d’or badass qui peut détecter le modèle d’un sous-marin au clapotis qu’il fait, c’est tout bonnement jouissif. Comble de l’extase en reconnaissant Paula Beer, que fait-elle là mais quelle bonne idée. J’aurais frétillé sur place si la tablette n’était posée en équilibre sur mes jambes. Immersion totale et tension nerveuse : la couette a pris cher.


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The Dig (vu sur Netflix)

L’affiche avec Carey Mulligan en pleine nature m’a fait douter avoir déjà vu le film, mais c’était à Far from the madding crowd que je pensais – non pas que ça change grand-chose vu le peu de souvenir que j’en ai gardé ; je me souviens essentiellement de ses traits pâte-à-modeler humaine, changeant au gré des émotions comme des nuages, et c’était suffisant pour me pousser à regarder le film de Simon Stone.

Ralph Fiennes s’y présente en excavator, un diplôme universitaire le séparant du titre d’archeologist ; il n’en mène pas moins des fouilles pour une Carey Mulligan pas très vaillante mais toujours émouvante. J’ai été un peu trop prompte à imaginer une histoire entre cette veuve et cet homme mal accordé à son épouse, mais suis ravie de mon erreur : cela fait du bien, les récits de liens en-dehors du sentiment amoureux. Ce dernier est traité en intrigue secondaire, délégué à Lily James que je n’arrivais plus à restituer (Dontown Abbey), mais dont j’apprécie décidément la présence.

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Les Shtisels, une famille à Jérusalem (vu sur Netflix)

Cela fait plusieurs mois que je regarde cette série, mais j’ai fini la troisième (et actuellement dernière) saison ce mois-ci. J’ai d’abord été intriguée par le mode de vie juif orthodoxe, les destins étriqués qu’il semblait imposer… et puis pas forcément, et j’ai fini par m’attacher aux personnages comme dans n’importe quelle autre série. Moins habituel, je me suis attachée à la langue, qui ressemble furieusement à l’allemand par moments, et pas du tout à d’autre, ce qui ne m’empêche pas de marmonner phonétiquement des borachem, bemet, toda de temps à autres pour accompagner les personnages et savourer leur yiddish.

(Je la vends très mal, mais regardez-la.)

Ciné en février 2022

Une jeune fille qui va bien 

« On n’a pas la peste, quand même », mention juive sur la carte d’identité, confiscation de biens : la bande-annonce comprend la quasi-totalité des références du film au sort des Juifs. De fait, le film de Sandrine Kimberlain, et c’est là son intelligence, n’est pas un film sur les Juifs pendant la Seconde guerre mondiale, c’est un film sur une jeune fille qui se trouve vivre à cette époque et être d’une famille qui allume des bougies pour Shabbat. Juive, elle le devient par le port de l’étoile jaune ; sinon, c’est surtout un sacré numéro, sœur espiègle, amoureuse aux grands yeux, et apprentie comédienne. Oui, c’est vrai, elle a une curieuse tendance aux évanouissements, mais pourquoi envisager la menace latente quand on peut très bien les expliquer par l’anxiété face au concours d’entrée au Conservatoire ?

C’est toute la force du film de réussir à reléguer-refouler l’arrière-plan historique le temps de nous faire vivre les émois et les élans enthousiastes de cette jeune fille comme les autres – juste un peu plus piquante, plus irrésistible, parce que la caméra suit la double comédienne avec un regard amoureux. Rebecca Marder,  de la Comédie française, surjoue-t-elle comme actrice de cinéma ou joue-t-elle seulement à merveille ce rôle d’apprentie comédienne ? Un ange passe. Un troupeau d’anges passe. À vrai dire, ce serait presque la marque stylistique de Sandrine Kimberlain, dont on reconnaît le style de jeu même quand elle se trouve derrière la caméra.

On est là à se dire que c’est agaçant à ravir, à attendre les baisers du bel assistant ophtalmologiste et les résultats du concours d’entrée au conservatoire, quand l’écran noir de fin nous prend par surprise. La réalisatrice évite si bien la position surplombante du destin rétrospectif qu’on se retrouve soudain dans celle de toutes ces vies, toute cette vie : fauchée.

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Crazy stupid love (Netflix) : comment ai-je pu passer à côté de cette pépite pendant tant d’année ? Emma Watson, Ryan Gosling, Steve Carell et Julianne Moore nous offrent une comédie romantique qui n’oublie pas d’être d’abord une comédie, aux répliques parfaitement écrites et envoyées. Il se peut que des coussins aient été maltraités pendant le visionnage.

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Passing (Clair-obscur en VF sur Netflix) : la photographie est splendide, même si, comme le fait remarquer le boyfriend, on sent un peu trop l’école de cinéma : quand on visionne le film sur tablette et qu’on ne peut pas se promener dans l’image, on retrancherait bien quelques (dixièmes de) secondes à chaque plan. Un peu lent-long, donc, mais splendide. Et déroutant : l’amie d’enfance de la protagoniste, Afro-américaine pâle de peau, se fait passer (d’où le titre Passing) pour blanche… y compris auprès de son mari raciste. Cela m’a plongée dans une perplexité sans fin, le visage de l’actrice ne laissant pour moi aucun doute sur (une partie de) ses origines. Je  me suis mise à scruter les mille nuances chromatiques de peau noire, moins noire, jamais noire en réalité dans ce film en noir et blanc, la couleur oscillant en fonction des éclairages, à contre-jour, au soleil, en soirée, dans le regard des uns et des autres… jusqu’à abdiquer : la photographie du film révèle la couleur de peau comme statut social.

Celle qui prend la lumière, c’est cette femme blonde qui regrette de s’être coupée de celle qu’elle était ; pour goûter à une vie authentique, qui ne lui est plus permise, elle s’immisce dans celle d’une ancienne amie, jusqu’à faire surgir la rivalité. J’ai été bien contente de regarder le film sur tablette, à la fin, lorsque le retour sur image s’est avéré nécessaire pour lever un doute… et installer une ambiguïté prévue par le scénario. En arrêt sur image, j’ai vu ce que je voulais voir : un bras contre un corps ; mais pas ce que je voulais : s’il pousse, protège ou accompagne dans le moment fatidique du passing away.

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The King (Netflix)

Moi au boyfriend :  » Je suis contente de l’avoir vu avec toi, parce que je ne l’aurais pas regardée seule », sous-entendu : il me faut quelqu’un pour me dire quand la guillotine est tombée, que je puisse de nouveau regarder l’écran.

Le boyfriend en réponse : « Je suis content de l’avoir vu avec toi, parce que je ne l’aurais pas regardé seul non plus, c’est trop girly. »

GIRLY.

Les mecs se défoncent en armure au marteau dans la boue, dans un contexte où la politique internationale est un concours de bites géant, mais c’est trop girly. Matez un peu le pouvoir de mon crush de cougar sur le boyfriend : il suffit qu’il y ait Timothée Chalamet (et Robert Pattinson) au casting pour que le film devienne girly. Du coup, pour la rubrique « genre » de la critique de Télérama le jour où le film passera à la télé, je propose : Thimotée Chalamet en armure.

Et sinon, à part ces querelles de mec/meuf et le fait que « Chalamet a la classe quoiqu’il fasse, ce con » ? On a affaire à un souverain dans la veine platoniste, qui hérite du pouvoir alors qu’il n’en a pas la moindre envie, tente de calmer le jeu autour de lui, et s’y trouve embarqué en essayant de ne pas devenir ce qu’il méprise. J’avais découvert ça avec The West Wing, série sur la gestion de la Maison Blanche par un équipe de good guys embarqués en realpolitik : autant je déteste suivre l’actualité politique ou apprendre l’Histoire, autant j’adore observer les tensions entre les impératifs moraux et les enjeux du pouvoir (la politique versus le politique, peut-être).

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Normal People (FranceTV)

Ici aurait du se trouver une série de screenshots de tendresse, main sur la nuque. J’avais besoin de ça en février.

Je suis tombée amoureuse du personnage, ai-je dit à Melendili qui m’a conseillé la série. Elle a renchérit sur son personnage à lui. Je pensais à elle (beaucoup trop de tentations d’identification et d’homo-auto-érotisme avec les premières de la classe maigrichonnes). Leurs parcours sont tracés avec beaucoup de justesse – et de malentendus à base d’auto-sabordage (communiquez, bordel)(et n’attendez pas pour aller chez le psy).

J’ai rarement vu des scènes de sexe-tendresse si belles – même si, à la fin de la série, je me suis rendue compte avec une pointe de déception que c’était très phallocentré : le SM soft existe, la tendresse aussi, mais pas le cunni.

Please Like Me

J’ai dit en mai combien cette série m’avait marquée. C’est la première fois que l’errance d’un personnage velléitaire avec zéro centre d’intérêt ne me conduit pas à l’exaspération (j’ai une grosse intolérance face au gâchis ; autant dire une phobie). Certes, j’ai eu envie de secouer Josh à chaque fois qu’il échouait à manifester le minimum d’empathie qui l’aurait sauvé lui et ses amis, mais j’ai ressenti plus fort encore sa détresse – son cycle éternel de tristesse et d’humour : l’humour pour contrer la tristesse avant qu’elle ne coagule en amertume.

Parmi les dialogues hyper bien écrits, voici quelques répliques qui m’ont fait rire parfois, sourire triste et vrai souvent. Certaines (je ne dirai pas lesquelles) avec une drôle de résonance.

Le mascara qui ouvre les yeux plutôt que le regard


Mascara volume effet faucille

Vous feuilletez un magazine féminin où apparaît cette publicité. Que voyez-vous ? Un regard bien chargé pour vanter la puissance technique du produit (au mascara sont donc ajoutés eye-liner et ombre à paupière) et quelques signes ostentatoires de richesse pour lui donner de la valeur : grosse bague et énorme bracelet en or où l’on retrouve le monogramme de la marque, histoire de bien imprimer, mais aussi piscine où l’on ne nage surtout pas, même avec un mascara waterproof. Tout juste trempe-t-on négligemment la tête en arrière pour mouiller les cheveux.

Cette image du luxe est tellement banale qu’on n’y prête pas spécialement attention. Sauf si un détail retient notre attention : les chaussures d’homme au bord de la piscine, juste à l’endroit où est accoudée le modèle. En y regardant bien, on discerne même un bout de pantalon sur la gauche. Si l’on en croit l’angle de la prise de vue, cela pourrait être le photographe qui surplombe notre sirène. Il s’agit en tous cas du regard d’un homme, qui entre en contradiction avec celui du public des magazines dans lesquels la publicité est insérée. Ce sont en effet des femmes qui se penchent sur ces pages, sur la sirène bardée de mascara, dont les yeux cherchent de toute évidence ceux d’un homme. Cette discordance entre le spectateur ciblé par l’image et le spectateur inclus dans l’image illustre pour moi cette bizarrerie des magazines féminins : les femmes s’y regardent avec un regard d’homme – d’homme fantasmé puisque absent de ces pages.

Habituée à feuilleter ces magazines depuis que je suis petite (Elle, Madame Figaro, Femme actuelle et Avantages chez ma grand-mère ; Biba, Cosmo puis Marie-Claire chez ma mère) et à sauter les pages mode et maquillage (c’est-à-dire un tiers du magazine au bas mot) pour avaler rapidement les rubriques culture, cuisine et BD, je n’y avais jamais prêté attention. Jusqu’à ce que Palpatine attrape une de ces publications sur la table basse et la feuillette mi-répugné (c’est étiqueté « propagande pour dindes gloussantes » dans sa tête) mi-fasciné : « Tu es sûre que c’est bien pour les femmes ? Parce qu’elle sont toutes à poil, là. » Et d’imaginer illico le potentiel du magazine pour la masturbation. On aurait donc, en schématisant, des magazines avec des femmes dénudées pour les hommes… et pour les femmes (seuls les homosexuels auraient de beaux torses d’hommes pour se rincer l’œil). S’agit-il alors de l’intériorisation par les femmes du regard que les hommes portent sur elles ou de la nature du désir qui se forme par projection dans un cas et par identification dans l’autre ? À moins que la publicité que l’on prend pour un miroir de cette différence n’en soit en réalité à l’origine…

 

Are they (m)ad men or are we crazy women to think so?

La question est tout à fait bien posée par une scène de la saison 3, épisode 2, de Mad men et il n’est pas anodin que ce soit à travers la publicité. Peggy, seule rédactrice de l’équipe, est aussi la seule à douter que le clip d’une midinette bien roulée soit indiqué par vendre du Diet Pepsi à des femmes rondelettes : « I don’t mind fantasies, but shouldn’t it be a female one? » À quoi son boss lui répond, catégorique : « Men want her and women want to be her. » Est-ce une réalité humaine, comme Don a l’air de le penser, ou la vision historique d’une époque où la femme est d’abord la femme de son mari et doit lui plaire pour attirer son attention et mettre un tant soit peu d’animation dans sa routine pavillonnaire ? La question est d’autant moins rhétorique que la série force souvent le trait, comme pour nous rassurer sur le chemin parcouru en un demi-siècle (bouh, ils sont condescendants à l’égard des Noirs et des homosexuels, bouh, ils fument comme des pompiers et pensent que c’est sans effet sur la santé, bouh, ils laissent tous leurs déchets par terre lorsqu’ils vont pique-niquer, bouh, bouh, bouh).
 

 

Ou encore, pour les spectateurs de la série : doit-on considérer Peggy comme une prude, ainsi que le font ses collègues (et elle est indéniablement coincée sous certains aspects, même si elle ne dit pas non à une partie de jambes en l’air), ou comme une femme ambitieuse qui ne sait pas trop quoi imiter, du comportement sans gêne de ses collègues masculins ou de celui sans pudeur des secrétaires ?
 

[Et que penser de ce moment où, devant son miroir, Peggy esquisse quelques poses en poussant la chansonnette et se ravise brusquement : décidément trop tarte pour elle ou déçue de n’être pas à la hauteur du modèle (qui chante affreusement faux, soit dit en passant) ?]

 

Voir rouge
 

 

Après ces quelques considérations, on a vite fait de voir rouge : vernis, ombre à paupière et lèvres surtout, envahissantes au point que la même photographie conviendrait parfaitement pour vendre un rouge à lèvres. Ces lèvres entrouvertes en une pose d’extase maîtrisée se retrouvent dans toutes les publicité. J’en ai presque la nausée, maintenant, lorsque je feuillette rapidement plusieurs magazines. Cette volupté constante n’agace plus, ne donne plus envie : elle énerve, rend mou comme une partie de jambes en l’air que l’on a trop fait traîner au lit ; elle ôte le nerf qu’a une femme ou un homme et qui les rend désirables car vivants – et non figés dans la langueur d’une pose par laquelle ils pensent se substituer au fantasme de l’autre sexe.

Il y a bien quelques féministes qui s’en détournent purement et simplement (au profit d’un mensuel comme Causette, par exemple – chroniquette à venir) et d’autres, plus extrêmes, qui mènent une croisade contre eux (les magazines, pas les hommes – quoique…). Mais c’est oublier un peu vite, d’une part, que tout n’est pas forcément bon à jeter (même dans Grazia : à ma propre surprise, j’ai découvert chez le dentiste une critique de film – L’Apollonide, pour être précise – pas mal rédigée du tout) et d’autre part, qu’il y a un lectorat pour ces publications, et consentant, que je sache. On ne fait pas évoluer une société en en écartant derechef la moitié : ni en s’isolant des hommes, forcément machistes (les apparences des assemblées Tupperwear sont sauves, même si l’on y parle droits des femmes), ni en ignorant toutes ces femmes, les pauvres, qui ne sont pas des intellectuelles et ne-pensent-donc-pas-mais-penseraient-comme-nous-si-elles-en-avaient-la-chance.

Moralité amorale : pour contrer le désir narcissique qui tourne à vide, je vote pour la réintroduction des hommes dans les magazines féminins. Que les femmes puissent baver sur des têtes bien faites et des corps pas trop faits plutôt qu’en baver à coups de régimes et nœuds aux cerveau. Au fait, pas que des Musclor, hein, y’en a aussi qui aiment les gringalets (tant qu’à prêcher pour sa paroisse…).