La magie, blanche ou noire, des costumes : métamorphoser des choristes sans âge en un groupe d’élèves ; transformer des servantes en soubrettes ; tirer l’opéra vers l’époque de sa composition.
Les surtitres, eux, révèlent une composante essentielle du Nain : le personnage éponyme ne sait rien de son apparence. Cette ignorance est le pivot qui fait basculer le comique (le regard des autres) dans le tragique (le regard sur soi, dépouillé de ce que l’on pensait à tort être). Le dédoublement final de la marionnette et du chanteur qui l’animait s’en trouve chargé de sens : à l’un, l’apparence moquée, à l’autre, la personne qui comprend soudain qu’elle était considérée comme un jouet ridicule et que, décidément non, on ne souriait pas avec bienveillance partout où elle se montrait.
On finit par ne plus très bien savoir où réside la véritable cruauté : est-elle dans le rire de l’Infante, totalement méprisant de la personne mais franc envers le compagnon de jeu, ou dans la révélation de la gouvernante, qui précipite l’anéantissement du nain pour avoir mis fin à l’hypocrisie générale ? Le miroir dont il est question n’est finalement pas tant celui que l’on dresse devant le nain, persuadé d’y trouver l’ennemi qui l’espionnait furtivement depuis la lame de son épée, que celui que l’on nous tend, à nous, hypocrites qui savons et faisons semblant de n’en rien savoir.
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Sous le coup d’un sortilège qui l’affuble d’affreuses chaussettes jaunes et d’une perruque qui le rend bouffi, l’enfant est devenu un garçon. Le genre est censé être affaire de construction, je sais bien, et le travestissement, une constante de l’opéra, mais je préférais le carré bouclé et tressautant de la chanteuse en répétition. Mis à part les volants colorés qui font flamboyer les flammèches (l’enfant joue avec le feu), les costumes escamotent la poésie des personnages plus qu’ils ne les caractérisent. Ils sont tantôt redondants, comme l’horloge en pyjama numérique, tantôt peu explicites dans la transposition qu’ils opèrent (l’oiseau en aviateur, on voit encore, mais y’a certaines bestioles pour laquelle je donnerais ma langue au chat – ou pas, vu la pilosité du matelot de gouttières).
L’enchantement des décors et des voix, en revanche, est intact, même si ce ne sont plus les mêmes personnages mystérieux, résultat d’un anthropomorphisme imprévisible, qui y circulent. Le fantastique a reculé devant la fable, qui, moins fascinante, déclenche toujours un concert de miaou réjouis à la sortie.
Mit Palpatine.
Un nain et deux sales mômes en répétition.