Miss Hokusai

On pourrait dire que Miss Hokusai est l’histoire d’O-Ei, l’une des filles d’Hokusai, avec laquelle il a peint à quatre mains, mais ce ne serait pas tout à fait exact. Keiichi Hara raconte moins une histoire qu’il se complaît dans une évocation historique et surtout esthétique, en témoignent les clins d’oeil aux tableaux les plus célèbres du peintre : le cou extensible d’une geisha qui invite O-Ei à la peindre rappelle l’estampe du spectre aux assiettes ; Hokusai exécute le dragon commandé par un riche client ; et il faut bien une immense vague pour traduire le plaisir des remous ressentis par la petite sœur aveugle d’O-Ei lors d’une promenade en barque.

Au-delà de ces références directes, on s’immerge avec plaisir dans l’Edo (aujourd’hui Tokyo) du début du XIXe siècle1, charmé par le mélange de poésie, de prosaïsme et d’onirisme avec lequel le quotidien est croqué. Sous l’oeil du maître, on apprend, avec les autres disciples, à voir : la neige qui dégringole des arbres, le fantastique dans le quotidien, la sérénité de trois paires de sandales alignées, mais aussi les émois retenus d’O-Ei, le respect qu’elle a pour son maître et le ressentiment qu’elle nourrit envers un père qui se rend plus aveugle que sa fille condamnée à la cécité. Sans Hokusai, pas de Miss Hokusai et pourtant, ce n’est pas là que réside l’intérêt de l’animé. Si on nous montre O-Ei vivant dans l’ombre de son père, c’est moins comme une disciple qui n’aurait pas eu la reconnaissance qu’elle mérite2, que comme une jeune femme qui ne se décide pas à embrasser ses faiblesses. Plus qu’un portrait d’artiste, au final, c’est un portrait de femme, paradoxale, à la fois dotée d’un caractère bien trempé et fidèle servante de la tradition, sociale et artistique, représentée par son père.

 

Mit Palpatine


1
 L’animé est adapté d’un manga historique d’Hinako Sugiura.
2 J’ai même lu le mot de « jalousie » et me demande dans quelle mesure ce n’est pas dicté par notre regard occidental qui méconnaît la relation maître-disciple, ou plutôt (si on veut bien penser aux ateliers de la Renaissance comme le rappelle Keiichi Hara en interview) l’envisage sous l’angle de la rivalité davantage que celui de l’émulation.