Montagne et bête au vent

Jeudi était un concert en demi-teinte. Ce n’est certes pas l’adjectif que l’on attendrait pour du Beethoven, mais outre que la Consécration de la maison a domestiqué toute velléité d’apothéose par ses dix petites minutes d’ouverture et que la quatrième symphonie n’était pas du genre bourrine, celle-ci était précédée par le concerto pour violon « à la mémoire d’un ange » : on n’en fera pas une montagne, juste un Berg. Tout comme pour Wozzeck, je suis bien incapable de savoir si j’ai aimé ou pas et ne puis aller au-delà du « malaise harmonique qui lui confère une poétique singulière ». Imaginez le doux brouhaha des instruments qui s’accordent dans la fosse avant un opéra : c’est comme cela tout du long et, si j’adore entendre cette effervescence un brin nerveuse avant que ne débute la soirée, cela me laisse assez perplexe lorsqu’elle en tient lieu. Par contrecoup, toute symphonie qu’elle soit, la quatrième de Beethoven, claire et haute (comme on parle à haute et intelligible voix)1, me plaît bien. Sans compter que j’ai un faible pour ce qui, n’étant ni tragique ni héroïque, est souvent délaissé – on n’a rien à dire du bonheur qui n’est pas allègre ou hystérique, et c’est tant mieux. Le voyeurisme des journaux télévisés est restreint aux malheurs ; les critiques ont disparus depuis que Kundera écrit en français, en bref, s’amuse ; le seul moment où la punition du « degré zéro des symboles », comme dit Sollers à propos de Fragonard, est déplorable, c’est lorsque le « pas d’interprétation » ne s’applique plus aux théoriciens mais aux artistes – pourquoi ne jouerait-on cette symphonie « que rarement » (par rapport aux autres, j’imagine, plus que par rapport à du Fauré ou du Arvo Pärt ) ?

1C’est amusant comme, à propos de Beethoven, on ne peut manquer de trouver le vocabulaire du massif : même quand le sourd n’est pas lourd, on souligne une certaine « carrure beethovénienne ».

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