Par la fenêtre,
les couleurs et leur absence ne laissent aucun doute :
le train file vers le mois de novembre.
Ma veste en polaire, de trop à l’aller,
manque au retour d’une fine doudoune pour doublure.
J’épluche ma première clémentine de la saison
en pensant aux dernières prunes,
de part et d’autre des vacances.
À l’arrivée, à Roubaix,
les températures n’en attestent pas, mais ça y est,
l’air est froid
la ville ouatée d’un calme
qui ne s’explique totalement
ni par le retour en province
ni par le dimanche
le parc Barbieux a plongé dans l’automne
comme on plonge une plante à rempoter dans la terre
une plante desséchée dans une bassine d’eau
la pointe des cheveux dans une solution décolorante
la cime des arbres dans le henné
au sol des halos de feuilles lumineuses
matérialisent les aires d’influence de chaque individu
soleils projetés depuis un ciel uniformément absent
fentes de timidité inversées en diagrammes de Venn
grosse feuille marron-orange au milieu des petites jaunes
pardon si je vous ai marché sur les pieds
une petite jaune éclatante perdue en lisière des marron-orangées
pardon si j’empiète sur votre territoire
une frousse rousse surgit derrière un sapin sempervirente — bouh
du rien (une espèce de paille) où il y avait du plein : les roseaux ont été fauchés (moissonnés ?)
du plein où il y avait du rien : un petit conifère planté à la place d’un adulte déraciné
ils sont beaux, ces canards, s’extasie une mère derrière sa poussette
et ce n’est même pas à destination de l’enfant
ce sont juste des canards, je pense blasée,
mais je voudrais que ce soit elle qui ait raison
alors je m’applique, ce n’est pas très difficile
ils sont beaux, ces arbres
ces textures fluffy, cramoisies, boa froufrouteux
plus douces et plus riches que les plaid à carreaux
qui pendent autour des cous sous couvert d’écharpes
je marche sur le bord invisible du chemin pour que ça fasse
frouch frouch
une dame entend
frouch frouch
et sous le hêtre pourpre, présentement de toutes les nuances du non-pourpre, me sourit
moi aussi je suis une dame
c’est le monsieur pourtant pas tout jeune qui photographiait les perruches à col vert qui l’a dit
merci madame
quand je lui ai appris qu’il photographiait des perruches à col vert
de rien toute la recherche en revient à Mum
se demandant un jour quelles herbes avaient bien pu infuser dans son thé
pour voir ainsi voler une bestiole vert fluo
au petit-déjeuner
(de fait, je me suis trompée : ce sont des perruches vertes à collier)
sur le retour
les pensées diluées dans la marche et les feuilles
refont surface
comme le cacao mal dissous dans le mug de lait chauffé au micro-ondes
obstruent un peu le paysage
brouillé dans son camaïeu couleurs chaudes ciel froid
quand soudain, les marshmallow :
un arbuste aux petites boules violettes
qui n’a pas reçu le dress code automnal
Google Lens identifie cet original
comme un callicarpa bodinieri
dit arbuste aux bonbons violets
le bien-nommé