Le spectre du concours blanc

       On en a envie depuis longtemps, on les réclame très fort depuis la semaine dernière, les vacances sont arrivées. Ca fait presque bizarre, de terminer comme ça brusquement sur une épreuve d’allemand (ça me rappellerai presque le bac pour un peu). Pour un peu, j’irai presque lire quelques pages du remplaçant d’Afriques noires [si vous n’avez pas suivi, c’est que vous êtes sourd : rattrapage ici], j’ai nommé La France : permanences et mutations. Presque. Tout est dans la nuance. Au bout d’une semaine de concours blanc, vous maîtrisez la nuance ou du moins les transitions acrobatiques entre des sous-parties, ou plus grave des parties entières in-raccordables. Mais dans une certaine mesure…. Certes, cependant… pourtant il convient de nuancer ce jugement… il n’en va pas de même pour… nonetheless… zwar, aber… sans oublier le mythique non solum sed etiam !

Un bilan du concours blanc ? Bah, on en a vu de toutes les couleurs. Petite décomposition prismique.

Rouge : la couleur de nos visages dans la chaleur estivale de la salle 309. C’est que l’activité intellectuelle, ça dégage, nous rappelle notre cher prof de français. Vous n’ouvririez pas les fenêtres ?
Autres mots-clefs : les yeux rouges à la suite de crises de nerfs ; les boules de Noël du sapin du hall ; le fourrage suspect de la tulipe de saumon au repas de Noël.

Orange : la grande tendance de cette année : la clémentine remporte tous les suffrages. Votre amie pour éviter d’avoir pris 10 kg à la fin de la semaine (du jeudi à jeudi) ponctuée par le repas de Noël. Et qui fout plein de jus sur votre table, mais soyons positifs, ça emporte les miettes de gâteau. [Du trafic de gateau d’ailleurs pendant les épreuves. Eh oui en hypkhâgne, l’économie n’est pas (toujours) monétarisée.] Autres mots-clefs : assortis aux clémentines, le pull et chaussettes de l’as de trèfle ; les « intro » et « ccl » au stabilo de Calliope.

Jaune : Fais gaffe, t’as un truc jaune. Blague désopilante adressée à I. qui portait un T-shirt jaune et si horripilante que Thalie et Erato n’ont pas manqué de me la ressortir avant chaque épreuve pour cause d’élastique jaune dans les cheveux.

Vert : couleur du yaourt de notre prof d’histoire, qui a purement et simplement pique-niqué devant nous. Le déjeuner du Roi, bien installé sur son estrade a comporté par la suite un yaourt mamie nova au miel, un Tupper wear gros comme un bac de salade avec des trucs non identifiés dedans * là tout le monde relève la tête, poussé du coude par son voisin, et se marre… le prof s’arrête la fourchette en l’air et d’un air très stoïque nous intime : « Ne vous laissez pas déconcentrer ». * et enfin de saumon fumé *on se se refuse rien*. Heureusement qu’on n’a pas eu le lever du Roi…
Autres mots-clefs : les bonnets de Noël portés à la cantine, verts. Fêtons Noël écolo.

Bleu : pour l’encre qui a coulé à flots. Je ne vous raconte pas le nombre de cartouches. Et les munitions qui viennent toujours à manquer au moment critique, en pleine transition (voir plus haut) ou en pleine attaque. La guerre des boutons (rayé, quoique…) des mots. « Battez vous avec le texte ! » nous encourage notre coach de latin. Ma crise de fou rire en pleine épreuve n’a pas désarmé le texte et ma voisine n’a bizarrement pas consenti à recevoir un coup de Gaffiot sur le crâne. Véritable épreuve de force, le texte a pourtant fait des victimes et certains se sont déclarés KO. Quelques écroulments sur le ring, le Gaffiot constituant un appui d’une hauteur parfaite pour servir de cale ou d’oreiller. [Mol ou dur, je vous le demande bien – ça, c’est la suite de cette histoire] De toute façon, la vérité et la note qui va avec s’obtient par « la souffrance, la patience et le travail du négatif ». Comme dirait l’as de trèfle ou le ptit génie : « Je souffre, là, je souffre ». A votre avis, pourquoi ça s’appelle une épreuve ?
Autres mots-clefs : le ciel grec en ressortant de l’épreuve fratricide du latin mercredi ou encore le ciel tout plein de brouillard duquel émerge la pointe d’une église…
(en même temps, à Versailles…)
( aaaaaaaaah Proust !)
… éclairée par un rayon de soleil. Le genre de paysage qui vous suggère qu’il existe sûrement une divinité quelque part, même si en l’absence de toute révélation, il n’y aura aucun éclair de génie dans votre copie.

Violet : les cernes, incontestablement.
Autres mots-clefs : la belette !! –> allez donc faire un tour chez Thalie.

Blanc : nos têtes livides, particulièrement après le latin, à l’exception notable d’Incitatus qui a failli se faire lyncher par les pains de la cantine quand elle a déclaré après l’épreuve s’être bien amusée. Tous les goûts sont à la cantine.
Autres mots-clefs : copie blanche. Je n’en ai pas vue…

Noir : y’a plus d’espoir ?
Si, si, c’est trou noir pour ce qui a précédé. Noir cinéma, noir réveillon, noir boîte, noir mascara.

Appelez-moi Rouletabille

There are some days, you tell yourself it’s good, there’s gonna be other days.Different other days.

      C’est officiel, je hais non cordialement les marches du lycée. Le contentieux est particulièrement fort avec celles de la cantine, que je considérais pourtant jusqu’à présent avec une relative clémence au regard de leur position antérieure à celles du bâtiment scientifique qui m’achèvent chaque jour.
      Alors que je descendais ces fameuses marches, je n’ai même pas glissé mais je me suis retrouvée à faire un roulé-boulé sur les marches, un peu comme les gamelles effet boule de neige au ski. Surtout que dans ces cas là, on se voit tomber. On voit la marche qui se rapproche au ralenti, comme dans les films –sauf qu’en général c’est pour une cascade héroïque ou un baiser, ce qui est autrement plus attractif. On a le temps de se dire Oh non, non, je veux pme casser la gueule. Surtout qu’en tombant en avant, tu ne retombes pas sur ton postérieur. (Douée en anatomie, je sais.) D’ailleurs fait étrange, j’aurais du tomber sur l’arrière-train, vu que le sac à dos aurait du jouer en corrélation avec la pesanteur. M’en fous, après-demain, je ramène mon Gaffiot. Un peu d’ordre dans ce monde de brutalité *chuis une vraie adepte de Lindt oui. Leur chocolat pâtissier est autrement meilleur que le Nestlé* Résultat des courses du riz au lait au chocolat : un avant-bras éraflé malgré la couche de protection pull-manteau <presque aussi poétique qu’une couche de sédiment de géologie africaine, non ?> et une bosse qui selon le point de vue apparaît soit comme un deuxième genou, soit comme une ébauche de mollet de l’autre côté de l’axe du tibia.
       Heureusement, voyons le point positif de la chose, ce n’était pas une heure d’affluence, donc pas de regard moqueur pour cette cascade de haut bas vol – <dash power !> juste un visage effaré. Et d’avoir la tremblote jusqu’à poser mon séant sur une chaise de la cantine. Réjouissons-nous, les carottes rendent aimables, peut-être un jour arrêterai-je de ma plaindre. Ou peut-être pas.

 

[Les jours se suivent mais ne se ressemblent pas.]
[Encore heureux.]

Pause – tableau historique.

Avance rapide. Les copies tournent autour des anneaux du classeur, comme soufflées par une bourrasque de vent. 25 copies doubles où se balance une petite écriture serrée, fine, dense, noire. 4 chapitres d’histoire. Tout un quart de programme. 

Rembobiner.

Lecture. Action ! Ca tourne, ça mouline. Ca dérape ; je patine :

Ralenti. Idée par idée. On est loin du 24 images à la seconde.

Lecture. Relecture. Récapitulation… c’est re-parti : capitulation. Je dépose les armes.

Pause. Goûter [à l’image suspendue ; Blanqui bien au chaud derrière les barreaux]. Je repars à la charge.

Lecture. La bande est raillée. Un trou de date.

Retour arrière. Lecture. Avance rapide. Lecture. Je change mon fusil d’épaule.

Pause. C’est de bonne guerre.  

[Lecture (du dernier chapitre) : futur.] [Arrêt. Fin des hostilités.] [Eject. L’armistice]

 

On a perdu pied, c’est à y perdre son latin

    J. de son ton le plus docte nous fait l’explication du texte d’Ovide*
Le poète des métamorphoses de l’amour est en exil et envoie son livre pour le représenter dans les lieux qui lui sont chers (l’amour du prochain, c’est pour une prochaine fois) : « Contigam certe quo licet illa pede. » = « J’y penetrerai au moins du pied qu’il m’est permis » Immanqueblement, ça devait mal finir, et pas que pour Ovide qui est mort en exil.
[…] et puis vers 16, il y a le jeu de mot sur « pede« . Ca suffit à ce qu’une partie de la classe le prenne, son pied. Après un coup d’oeil vers ses pairs, J. se mors la langue et poursuit. A son tour de s’emmêler les pieds. Non, on ne lui donnera pas de coup de main, trop heureux de rire les doigts de pied en éventail. C’est vraiment bête comme ses pieds un hypokhâgneux ! *heureusement que je fais de la danse*

* Les références pour les amoureux du Gaffiot : Ovide, Tristes, I, 1, vers 1-22 [je suis déjà morte de rire à l’idée de la mine déconfite que risque de faire celui qui aura tapé ces références pour obtenir bien tranquillou une petite traduction en tombant  sur cet article affligeant.]

D’Hegel : le dégel

           Dire que je ne suis plus en froid avec ce philosophe… peut-être pas. Mais la glace à été brisée et c’est en plein hiver que s’amorce le dégel. 

 

         Relu un peu de Hegel, conscience oblige. Je n’irai pas jusqu’à dire que j’ai compris, mais j’ai suivi. Le fil du raisonnement m’est entre apparu, alors je me suis précipitée dessus et je l’ai agrippé. Surtout ne pas le lacher ; c’est mon fil d’Ariane, sans lui, perdue. Alors il reste toujours une petite hésitation, une fébrilité, à tourner la page, ou simplement à récapituler mentalement ce que l’on a parcouru : même en ayant trouvé le fil, on n’est jamais à l’abri de le laisser s’emberlificoter en pelote de laine. Vive les nœuds (au cerveau) ! C’est à s’arracher les cheveux de la tête ! 

       Plongée dans les méandres d’Hegel, c’est en ressortant que je suis en apnée. Surprise de m’apercevoir dans cet aquarium qu’est le miroir rectangulaire de l’entrée, je me coule à nouveau dans l’obscurité des profondeurs abyssales. Se laisser couler dans la fluidité de la pensée… *c’est le plaisir de se noyer dans un verre d’eau*.