« C’est toujours un petit combat entre le bout de moi qui adore explorer de nouveaux endroits et celui qui anticipe tout ce qui pourrait mal se passer et est-ce qu’on ne serait pas bien roulée en boule sous la couette, par hasard ? »
« Par un de ces hasards hasardeux qui font la vie, je me suis trouvée à faire interprète entre l’agente d’accueil néerlandaise (à l’anglais parfait) et un couple d’italiens qui ne comprenaient pas que tous les billets pour aujourd’hui étaient vendus, qu’il n’y avait pas de place avant lundi. Eh bien soyez épatés, avec mes 221 jours de Duolingo, je leur ai dit que Non ci stanno biglietti per oggi, solo da lunedi. J’espère que ça vous en bouche un coin parce que moi, oui. »
Il doit y avoir un truc avec Duolingo, l’italien et les billets. C’est également dans un contexte de billetterie que j’ai pris conscience que le hibou vert avait déteint dans la vraie vie : avant même de demander confirmation au vendeur anglais, j’ai su qu’il n’y avait plus de billets pour visiter le Christ Church College jusqu’à mercoledi, comme l’annonçait dépitée une Italienne en revenant vers son mari.
« Anne Frank, donc. […] Il y a un phénomène dans cette visite, petit à petit, les enfants se taisent et les adultes pleurent (on s’est échangé un hug amical avec une étrangère de passage en même temps que moi). »
Sacrip’Anne, Dans les rues d’Amsterdam
« C’est toujours impressionnant de regarder des livres tandis que les éditeurs ou les écrivains ou les traducteurs vous observent ou s’appliquent à ne pas vous observer à quatre-vingt centimètres de l’autre côté de la table. Pour lutter contre la gêne ou la timidité, je me suis appliquée à regarder chaque livre comme si j’étais seule au monde. Cela a pris du temps. »
Petit salon du livre grec chez Alice du fromage
C’est précisément la raison pour laquelle, à rebours de la plupart des « grands lecteurs » je préfère les grandes surfaces du livre (Fnac, Gibert, Furet du Nord…) aux petites librairies, où je me sens observée et rapidement coupable de ne rien acheter. Quant aux salons, je crois que la dernière fois que j’ai bravé mon inconfort, c’était pour Lou Sarabadzic.
« […] plus personne ne veut prendre le temps de faire les bons choix. Tout le monde est maintenant programmé pour la satisfaction immédiate (donuts, chocolat, réseaux sociaux, gabarits, etc.) plutôt que la projection dans le futur (apprentissage, progression, compréhension, etc.). »
Chantier, Les Carnets Web de La Grange
*éloigne la tablette de chocolat de vingt centimètres*
(Je le sens, le redoute en moi, ma persévérance qui se délite, les gratifications qui deviennent frustrations immédiates.)
« Toujours, toujours sourire en les accueillant. »
[les élèves]
Parfois je suis tellement happée par le tumulte de ce qui se passe, vient juste de se passer, à analyser, et de ce qui doit ou ne doit pas arriver, à anticiper, que j’oublie, et soudain je me souviens que j’oublie de sourire. Que c’est plus important pour les enfants que bien montrer l’exercice, marquer les comptes ou donner des corrections judicieuses. Alors je souris.
« se rend-on bien compte de la quantité d’énergie et de vitalité qu’il faut mobiliser pour jouer cette délirante partition ? »
Non. Enfin si, on imagine ce qu’implique d’enseigner. Quand on le vit, c’est différent, on comprend dans son corps la nécessité de s’économiser. (Et encore, j’ai peu d’heures et un public qui a priori a choisi d’être là.)
[à propos de son dentiste] « Il est beau gosse, décontracté, sympa et très loin de ses patients. Je pense qu’il vous a oublié dans la seconde où vous quittez le cabinet. »Reprise chez Alice du fromage
La dernière phrase, c’est tellement ça. Meilleur portrait de dentiste ever.
12 mois, 12 photos : j’aime toujours beaucoup lire le bilan annuel de Chloé Vollmer-Lo, photographe et autrice.
“[…] i’ll continue to champion for writing about one’s failures and shortcomings in public. not because it is an attempt to rebel against the mainstream propensity to display only success and positivity, but simply because failures, flaws, shortcomings, negativity – they are simply part of life and part of the norm. am just advocating the fullest possible spectrum of life be shared, within one’s personal comfort. i do have my skeletons, but everything else i would like to share, because i think reality and life deserves to be whole.”
because reality and life deserves to be whole, Winnie Lim
“I first started using the word “uneventful” when my traditional chinese medicine physician asked if I had any symptoms between my visits: there were rare times when I would tell her I didn’t have any symptoms in the couple of weeks since I last saw her, and she would respond, “oh so it was uneventful?” – that was when I learnt that having an “uneventful” time was actually a good thing.
[…]Like my bouts of health that were “uneventful”, I have personally come to realise it is precious to have days when nothing much is happening. In the world we are in now, being able to go about our days without much pain, anxiety, worry or sadness is almost like a miracle.”
2025: may I have an uneventful year, Winnie Lim
L’ataraxie en 2025.
« Les pierres aussi se fanent quand on les sort de l’eau. »
galets, les carnets Web de La Grange
« Je lis les deux premières phrases et m’arrête. « Stella s’était précipitée dans le jardin. Elle l’avait vu s’effondrer au sol. » J’ai pensé « une histoire de tremblement de terre ». […] Parce que c’est plus facile à faire qu’à défaire, je vois ça comme une faute. Je dois être trop scientifique. Je n’utilise une variable dans une phrase que si elle est d’abord instanciée. »
(J’ai si spontanément postulé une personne dans le L apostrophe que j’ai dû relire pour comprendre l’incompréhension.)
« L’idée : nous vivons le plus souvent la terre plate (ou vallonnée, voire montagneuse). La terre sphérique est alors perçue comme une narration. Être platiste, c’est donc remettre en question la narration dominante plus que réellement croire que la terre est plate. »
Thierry Crouzet, Décembre 2024
« Certaines [rencontres] ne durent que quelques secondes, d’autres ne nous lâcheront plus jamais. Il y a les gens avec qui on ne se souvient même pas comment ça a commencé, et ceux dont l’histoire même du premier contact est tellement fondatrice dans la relation qu’elle en devient une sorte de légende.
Le père de Cro-Mi, je l’ai rencontré sur internet à une époque où ça faisait un peu peur de voir en vrai quelqu’un issu du monde virtuel. C’était une très jolie histoire, très « You’ve got mail ». Enfin sauf que je ne suis pas Meg Ryan et qu’il n’est pas Tom Hanks. Bon, et qu’il n’était pas complètement la personne qu’il semblait être. C’est probablement toujours un peu le cas, pour tout le monde. C’est aussi quelque chose de très caractéristique chez lui, mais on s’en fout, c’est du passé. Disons que, pour toujours, j’ai une jolie histoire de rencontre à raconter. »
Des rencontres, Sacrip’Anne
J’ai connu cette époque. « Vous vous êtes rencontrés comment ? » Ça faisait tellement wierdo de répondre « sur Internet » que je précisais toujours « par blogs interposés ». Les sites de rencontre avaient des relents d’agence matrimoniale pour freaks.
Il n’y a pas que l’époque. Y’a aussi l’histoire à raconter. Et la partie à taire, la personne qui n’est pas uniquement celle qu’elle semble être.
« Tout – de travers – la journée passe et la sensation de tout manquer se dresse entre moi et le monde. […] Je virevolte entre le chaud, le froid, j’entends le compliment puis le non, j’aperçois un rictus puis un sourire et me demande ce qui est ou n’est pas vrai. Je suis perdue face à l’autre. »
« […] je pose des couleurs sur l’ennui, je colorie le gris de l’hiver, j’invente des planètes, des espaces secrets pour porter mes rêves. Et garder mon espérance, mon enthousiasme, ma confiance, intacts. »
Cocon sur le blog Accrocher la lumière
Emmitouflée dans mon plaid comme dans un cocon géant devant mon écran, la lecture de ce billet m’a provoqué une détente physique dans les trapèzes, un apaisement à l’idée d’un retour à soi et à une pratique artistique qui préserve.
« Donner aux mômes des supports. Un château de conte de fées, Colette, l’intérieur d’un journal au XIXe siècle. Je suis souvent effaré – sans aucun mépris – du fait que les élèves n’ont aucune idée de quoi parle un texte, parce qu’il leur manque des représentations. […] leur donner un vocabulaire précis. Parce que c’est l’un des premiers discriminants sociaux. […] Ce à quoi j’aspire, c’est à leur donner de quoi s’emparer de la réalité. Qu’ils la subissent moins. »
« Des jours, j’écris trop peu, d’ailleurs je lis trop peu, d’ailleurs je tout trop peu, à mon goût, trop de jours d’affilée. »
Interfacécrire chez Joachim Séné
j’ai vu mes proches perdre le peu de raison qui leur reste
par exemple mes tantes, kabyles et athées, disent ‘les arabes’ et ‘les musulmans” pour parler d’elles par exemple, mon père dit des choses comme : “avec tout ce qu’il se passe on va pas en plus s’engueuler”
c’est vous dire
un ami me dit : j’aime bien penser qu’être vivant c’est influencer la vie des vivants, comme mon père m’influence, il est encore en vie
en 2024 – apprendre à renaître (1) chez Selmakovich
je dis à L. : j’en reviens pas qu’à notre âge, on soit pas mort.e.s.
Alors pour 2025, je nous souhaite :
-de continuer à porter nos mort.e.s sur nos épaules -de fabriquer de toutes petites choses avec nos doigts -de renaître de renaître de renaître.
en 2024 – apprendre à renaître (2) chez Selmakovich
« Reste à savoir évidemment si lire Proust, aimer Proust, ce n’est pas toujours vouloir écrire. »
Roland Barthes cité par Thierry Crouzet
« […] mon cœur est allé cogné toutes les parties de mon corps comme une bille de flipper.
Et depuis, ma vie est un long fleuve tranquille… Je vis d’amour et d’eau fraîche, des papillons dans le ventre et des étoiles dans les yeux.
En fait, absolument pas, j’ai l’impression d’être en chute libre, sans parachute et j’attends de m’écraser au sol. Pendant que lui, se laisse porter, plane, serein, confiant, c’est une évidence m’a-t-il dit. Pour moi, c’est une évidence que ça va foirer à un moment. […] J’ai l’impression que ma vie est vide et n’a aucun sens alors qu’avant lui, elle était chouette, je l’aimais bien. […]
Je vais mal parce qu’un homme est gentil et ne joue pas avec moi… c’est dingue et ce constat me rend encore plus triste. »
Comédie romantique, sa mère la p*! chez les Sisters Cia
« Mon pantalon est gris, alors aujourd’hui je porte des chaussettes roses. Je sens bien que la fatigue de la grippe est encore là blottie. »
Rose, Les Carnets Web de La Grange
“This is how modern oligarchs work. They don’t burn books—they bury them in content. They don’t silence the news—they reframe it as entertainment.”
Citation d’un article de Joan Westenberg
sur Les Carnets Web de La Grange
« Au coin d’une rue, je trouve un magasin de imagawa-yaki (今川焼き) juste cuisiné, bien chaud, avec de la pâte de haricot rouge à l’intérieur. Voici le bonheur retrouvé de l’enfance des marrons chauds sur les trottoirs de Paris quand de Rouen, nous venions voir les vitrines illuminées et animées des magasins Le Printemps et les Galeries Lafayette avant le jour de Noël près de la gare Saint-Lazare, ou encore la vingtaine de croustillons chauds […] vendus dans un sac papier vite coloré de tâches de gras mais qui brûlait la paume de la main et que l’on mangeait avec les dents pour éviter de se brûler les lèvres et la langue tout en aspirant l’air froid. […] Au moins, ce froid là, aujourd’hui, m’aura fait revivre ces lieux « inoubliés » de mon enfance, à défaut d’être inoubliables. »
Traversée sur Les Carnets Web de La Grange
“I have also always thought that compassion is an emotional quality, but in recent times I think of it as an intellectual quality. We don’t have to feel for the other, we can simply intellectually believe in doing what is right for the person.”
Winnie Lim on learning the definition of endodontist, and compassion
“The Thai language has a wonderfully playful, almost childlike, pronunciation. On this trip, I decided to try imitating it. To be honest, it feels both unnatural and strained, as if I’m making fun of their language.
But the response has been absolutely fantastic! I get answered in Thai (talk about shooting yourself in the foot, since I have no idea what they’re saying), they praise my pronunciation, ask how long I’ve lived here, and so on. This despite using the same phrases I have used for years.
[…] Suddenly, as if overnight, she had incredibly good pronunciation. Everyone noticed it. How could she have improved her pronunciation so suddenly?She explained that she thought Swedes sounded like they were singing when they spoke. With that in mind, she took courage and started « singing » in Swedish. To her ears, it sounded completely crazy, but everyone around her thought it sounded fantastic.”
Don’t hold back de Robert Birmingblog