Revue de blogs #16

Nous avons fait beaucoup de choses dont nous ne nous souviendrons jamais. Et alors. Alors nous interrogeons le présent et le passé pourquoi parfois on veut tant se souvenir.

Karl, se souvenir de l’oubli, Les carnets Web de La Grange

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Il faudrait deux colonnes à ce journal. L’une pour l’écriture immédiate, l’autre pour l’interprétation, quelques semaines après. Une large colonne, celle-ci, car je pourrais interpréter plusieurs fois.

Se perdre, Annie Ernaux
citée par Karl, êt, Les carnets Web de La Grange

Comme Karl, « je vois une grande familiarité avec mon rythme d’écriture/publication » : les notes lapidaires plus ou moins au jour le jour et la rédaction décalée, quand je sais déjà ce qui a eu lieu dans les jours qui suivent, quand j’ai déjà commencé à oublier, amalgamer, colorer. Je raconte rarement le jour même, davantage celui (d’)où j’écris. Il en résulte un journal inégal, où plusieurs entrées peuvent être colorées d’une même gélatine, un jour particulièrement prolixe d’écriture, et d’autres avoir chacune la leur, de couleur et d’épaisseur variable : légère et peu profonde quand le temps du récit est proche de celui de l’histoire, opacifiante ou éclairante (unifiante) quand le delta est plus important. Il faudrait dater en double, ajouter à la chronologie des entrées celle de leur écriture.

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Ce qu’il y a, dans la vie, c’est que je suis persuadée que j’ai raison. C’est cela, et cela seul, qui m’a permis d’écrire, puis de publier, puis encore d’écrire, et de publier. Puisque j’ai réussi à le faire, malgré tous les obstacles, c’est que j’ai eu raison de m’obstiner, me dis-je. Logique imparable. Le reste du monde, alors, me crie non. Et je n’en tire aucune leçon.
Jamais.

Jamais !

Anne Savelli, Arc et impasses, Fenêtres Open Space

Ce qu’il y a, dans la vie, c’est que je suis persuadée que, si ça se trouve, j’ai tort. Je suis en sursis de faute.

Alors j’admire la ténacité (l’obstination, j’allais écrire avant de me souvenir du terme plus juste choisi par Karl). Surtout si l’on ne coupe pas le paragraphe suivant :

Je me suis bâtie sur le fait de ne pas renoncer, ce qui implique de devoir souvent, très souvent, quasi sans arrêt, effectuer des zigzags, dessiner des arcs de cercle, au lieu de tracer des lignes droites. Pour tendre vers ce que je voulais, il a fallu me contorsionner, m’adapter, encore et toujours, […] créer mon propre métier, ce que j’ai accepté sans jamais me renier.

Mais là, j’en ai marre.
J’en ai marre, c’est tout.

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Juillet, j’ai lu des choses. Pas autant que je le voulais, forcément. Parce que le temps, il faut le défendre comme un territoire attaqué, et parfois, je le laisse m’engloutir.

J’apprends qu’il me faut des temps dédiés pour chaque chose, que je voudrais ne vivre que des choses pour moi à partir de 16 heures et des jours sans rien d’autre que moi.

Mathilde, Des jours & des livres, Tant qu’il nous reste des dimanches

Toujours qui revient dans les conversations, l’organisation très concrète du temps, des repas, des tâches — des jours ordinaires.

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En fait, on n’a jamais fini (de comprendre, de ressentir, d’explorer, y compris un objet unique et répété). Examiner la même chose, même si ça reste la même chose, peut ouvrir régulièrement sur du plus élargi. […] Par contre, il y a du pourrissement, ça aussi ça se répète.

Christine Jeanney, bloc note — restes, Tentatives

Traduction et danse classique, même combat, même plaisir de la variation.

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Il faut lire les livres plusieurs fois.

Dans des circonstances différentes et en extraire des passages. […] Des passages… la lecture est un passage dans les pages. On n’y reste pas. On y emporte ce que l’on y a vu et on s’éloigne aussi vite que l’on s’est approché modelé par le trouble des émotions du maintenant.

Karl, être forêt, Les carnets Web de La Grange

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Si on comprime un brin : tenir un journal / dégoût pour l’organique. Comment ne pas se sentir concerné.

Je me logue, j’imprime, je déplace des octets, je surligne des choses, j’agrafe, je froisse, j’ouvre et je referme, je déplace des objets, je produits du déchet. […] C’est du travail et, à la fois, c’est une preuve de mon travail.

Guillaume Vissac, 080725, Fuir est une pulsion

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Je me suis allongé sur le tronc du bouleau qui se balançait nonchalamment sous mon poids. Je me suis endormi. Au réveil, j’étais surpris de ne pas être tombé. Mes pensées, elles, avaient chuté vers le haut de la cime des arbres.

Karl, être absent, Les carnets Web de La Grange

L’inversion me plaît. Elle fonctionne encore mieux avec la photo en regard — cliquez.

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« Comme » est une alerte dans l’écriture. […] L’usage est correct, mais la rêverie devient soudainement un câblage technique de la langue. […] Je reprends la phrase pour que la métaphore habite la grammaire. Il doit y avoir osmose et non juxtaposition ou enchaînement.

Karl, résolument dans l’onde, Les carnets Web de La Grange

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Après que j’ai tâché méticuleusement (mais inconsciemment, mais méticuleusement) de l’attirer dans l’un de mes trous noirs mentaux dont j’ai le secret, T. me dit de ses trous noirs qu’ils sont grosso modo les mêmes que les miens, ce qui est une façon j’imagine de me dire sans le dire ne t’en fais pas, tout va bien. […] Quand il me dit de quoi qu’il arrive continuer, c’est aussi à lui qu’il le dit.

Guillaume Vissac, 220725, Fuir est une pulsion

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Et quand je pense trop à cet état de chose, je me sens profondément abattu. Le compteur tourne. Il reste peu de temps à vivre. Et je me dis souvent que c’est du gaspillage. Quand sommes-nous passés à une société où notre temps de rêve/rêveries se soit échappé de nos mains, de notre contrôle ? 3 heures dans une journée, 21 heures pour le reste. 86% du temps en forme de contraintes.

[…] J’ai la chance d’aimer mon travail la plupart du temps. […] Mais tout cela reste du temps programmé. Pas du temps indécis, sans but, sans objectif. Ce temps là je le chéris plus que tout.

Karl, Le temps libre, Les carnets Web de La Grange

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Ce que je fais n’a pas vraiment d’importance, du moment que je le fais. Sauf que c’est ce que je ne fais pas qui concentre la majeure part de mon attention, et j’ai envie de dire de mon énergie.

Guillaume Vissac, 260725, Fuir est une pulsion

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 Avoir tant de désirs qu’il ne reste plus d’espace pour les désirs des autres.

Karl, nuit de Tokyo, Les carnets Web de La Grange

(Ou pourquoi j’ai le désir de ne pas avoir d’enfant.)

Dans ce même post, je découvre qu’il était possible de faire un service d’objecteur de conscience à la place du service militaire !

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I think that liking someone, or a group of people, or the concept of humanity, is something you do. It’s an active choice.

It means moving through the world and being conscious of the strangers around you, and of the many small ways in which you could make their lives better, or they could make your life better, or you could just enhance each other’s day without even having to try all that hard. It’s a choice you make again, and again, and again, and that you keep making because faith is something you practice, not merely a dormant part of your brain.

Being social is something I had to purposely learn, like swimming or enjoying vegetables. Maybe that’s why I’m so attached to it; it feels good to have become proficient at something that once felt so entirely alien.

Even the most minor of pleasant interactions with a stranger can lift my mood and turn my day around, because I choose to let it do that to me.

After I finished school I moved abroad and that gave me an opportunity to try on a new life, like it was an outfit […].

She laughed and I giggled and I scratched the spaniel’s ears and when she left we said bye to each other like we were friends.

I love people and maybe, deep down, I always did, but them loving me? I don’t think I’ll ever get used to it. I hope I never do.

Marie Le Conte, A Pro-Human Manifesto, Young Vulgarian

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Je ne suis pas prête de me lasser des déclarations d’amour mensuelles de Winnie Lim à sa compagne.

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[…] une tarte courgettes comté cuit au four (pour compenser le manque de comté, j’ai fait ce que n’importe quel narcotrafiquant aurait fait à ma place en coupant le comté avec du gruyère)

Guillaume Vissac, 280725, Fuir est une pulsion…

La pile à lire nous rassure-t-elle sur un futur rêvé où nous prendrons le temps de lire, ou vient-elle nourrir notre culpabilité de ne pas lire assez ?

Marion Olharan Lagan, Consommateurice ou lecteurice ? Word Economy

Venue pour la lecture, restée pour l’humour :

« […] de la SF sur fond d’invasion de plantes vertes extraterrestres. Cette lecture distrayante m’a convaincue que je faisais bien de flatter mes plantes à chaque arrosage et confirmé la justesse de ma méfiance envers la salade. »

« […] typique de ces romans récents qui ont un vernis féministe en mode bingo enfonçage de portes […]. À la fin, l’argent amour triomphe, c’est ce qu’on appelle un conte de fée chier. »

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Dans le journal de juillet de Thierry Crouzet :

[…] l’écriture produit en moi un déplacement, sans que je sache si c’est vers mon centre ou un monde extérieur.

Citant La Splendeur des Amberson d’Orson Welles […] : « Quand on a peur du changement, on a le changement et la peur. »

Je suis coincé dans un interstice de la vie.

Je ne suis pas le roi de l’empathie, mais j’ai trouvé mon maître dans l’incapacité de prendre en compte autrui. Et plus il m’agace, plus je me dis que moi aussi j’agace les autres.

Retrouver un défaut à soi chez quelqu’un d’autre le rend toujours très agaçant.

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À la médiathèque, un puzzle de 1500 pièces est posé sur deux tables, chacun y va de sa pièce, en passant. J’adore l’idée, j’ai un peu participé, forcément.

Dame Ambre, Un peu de rien (ou de tout), Carnets

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J’aimerai tant être plus libre, moins craintive, plus sécurisante, plus sécurisée.
[…] J’aimerai tant retrouver ma capacité au courage, à l’insouciance.

Latmospherique, Condensé d’égocentricité, Accrocher la lumière

Une réflexion sur « Revue de blogs #16 »

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