Si vous êtes intelligents, vous avez compris (qu’il n’y a rien à comprendre mais tout à apprendre)

       Les jours s’enchaînent tout en nous enchaînant à nos agendas qui fourmillent de mots, d’abréviations claudicantes, de traits railleurs et d’obligations criantes. Ca déborde en un flot joyeux ; inutile d’essayer de le retenir entre ses mains, sautons plutôt dedans à pieds joints et éclaboussons-nous de pronoms latins, aspergeons-nous de poésie, passons aux april showers jusqu’au raz-de-marée pantagruélique final.

       Ce qui déroute n’est pas tellement la quantité (on nous a tellement brandi le spectre du Travail in the flesh, qu’on y était plus ou moins préparé), mais le degré de concentration ciguë aigu que cela demande. Autant dire que l’on ressort plutôt hagard le lundi soir – le terme de soir prenant ici sa pleine signification ; 19h.  Grande concentration mais aussi humour, bonne humeur ou franche rigolade : j’ai enfin compris pourquoi ce sont les prépas qui font le plus de bruit au CDI et qui passent d’un air mi-shooté mi-victorieux à la cantine…

 Quelques instantanés rieurs ou risibles : 

         une leçon absolument incompréhensible de philosophie (pléonasme dirons certains – ne partons pas avec des préjugés… non, vérifions-les avant de les adopter définitivement). C’est-à-dire que vous entendez des sons qui forment des mots connus et répertoriés dans le dictionnaire, le plupart du temps connus de vous (mais pas tout le temps) mais que, mis bout à bout, ces mots ne deviennent pas des phrases intelligibles. Des phrases mutantes. Compliquées. Vides. Ou peut-être trop pleines. Nous étions donc depuis une heure trois-quarts (pas de pause entre les deux heures, nous avons fait le choix de l’intellect, les purs esprits n’ont aucun besoin de se dégourdir les jambes) en train de nous filer mal au crâne, mi-par concentration, essayant vainement de saisir une idée d’ensemble, mi-par désespoir, la main en étau autour du front. Et là, la phrase qui tue : « Si vous êtes intelligents, vous avez compris. » C’est dit, je suis conne. Et là, la précision qui tue : « Intelligents au sens de qui cherche à comprendre ». Les petits rires jaunes qui ont fusés n’étaient que la coloration policée d’une envie primitive de meurtre par étranglement. (oui, moi aussi je peux faire des phrases longues là où une onomatopée aurait été parfaitement à sa place grrrrrr)

         La révision du vocabulaire anglais. Là où on regrette de ne pas avoir plus savouré the dog, the cat, the bedroom. Sean is in the kitchen… Là où l’on regrette vraiment que le mauvais temps anglais soit proverbial = plein de proverbes. Remarque de ma mère engagée comme répétitrice : mais pourquoi tous ces mots ? avec rain et fog ça suffisait. Au point pour parler de la pluie et du beau temps.

         Le one man show du professeur d’histoire. Parce que vraiment ça le démangeait de nous imiter le mode de vie bourgeois de 1870. Vous voyez, le père qui a acheté un piano, un affreux truc, une casserole pour que sa fille en joue… et le prof est pas terrible non plus… la môme a pas envie * mains sur le bureau, position crispée version chat qui vient de se prendre un saut d’eau sur la caboche * … la, la làààààààài, la, la, la, schroupf, troum *les mains s’abattent avec une douceur éléphantesque*… vous voyez –on est surtout pliés en deux. Il a failli recommencer, a replacé ses mains comme pour débuter un nouveau morceau, puis a abandonné. Faut pas abuser des bonnes choses.

 
     L’hypokhâgne, c’est aussi une curieuse transformations des littéraires, non seulement parce que tous ne sont pas littéraires – oui, on sait, avec un [bon] bac S on fait ce qu’on veut-, mais parce que, par un phénomène inexplicable, l’on se met à compter.
Les mots d’anglais = 490 (estimation de Clara)
Les marches pour monter jusqu’à notre tour d’ivoire = chiffre à s’enfuir en courant venir, à débattre. Ne fait pas encore l’objet d’un consensus pour cause de trajets et de marges (faut-il ou non inclure les deux marches de la cour d’entrée ?).

Et l’hypokhâgne, c’est aussi publier cet article inutile entre la misère africaine à mettre en fiche et le radotage british de mots que l’on ne connaît pas forcément en français. Car, soyez honnêtes, combien d’entre vous (qui est le sharped-tongued qui insinue qu’il n’y a personne ?) connaissent la signification profonde d’un chemin de halage (Ephreet, pas le droit de jouer), ou des rouflaquettes ?

8 réflexions sur « Si vous êtes intelligents, vous avez compris (qu’il n’y a rien à comprendre mais tout à apprendre) »

  1. Je constate que tout est délicieux, en ces lieux maudits ! (et je compatis, pour l’anglais – 800 mots chaque semaine, tous plus affreux les uns que les autres – et avec un magnifique devoir de vocabulaire tous les jeudis matins – ont failli me laisser pour morte sur le bord du chemin). Bonne continuation, en tout cas !

    1. Je constate cependant que vous semblez avoir vertigineusement muri. Ce pourrait-il que le travail visible n’ait pour fonction que de produire sur les élèves un travail invisible ?

    2. pour le chemin de halage, je vois ce que c’est, mais qui donc utilise encore ces fameux chemins? qui donc utiliserait encore un cheval de trait pour remorquer son bateau le long de la rivière ou du canal? auourd’hui, ces fameux chemin ne servent plus guère qu’à se promener… alors de là à en parler avec des anglais! c’est comme de parler d’un éclatement de la rate… c’est fort sympathique tout ça, mais pas vraiment utile… *bourage de crâne*
      en tout cas, j’aime bien ta façon de voir les choses, et ton imitation du prof d’histoire est bien plus proche de la réalité que la mienne… je dois avouer que quand il s’y met, ce prof est vraiment à mourir de rire (et le coup des berger des landes… bêêêêê!)

    3. rassure-toi, dans d’autres classes les profs sont pas moins cinglés… ^^ voilà ce que mon prof de grec a sorti hier à une élève qui réussissait pas à répondre à une question : « fermez les yeux et plongez au plus profond de votre subconscient… vous êtes étendue au milieu d’un champ de bettraves, et une petite méduse vous grimpe sur le nombril en chantant l’internationale et vous souffle la réponse… »
      XD

    4. Contente de voir que tu survis…
      Effrayée de lire ce à quoi tu survis.
      Je suppose qu’être intelligent et apprendre à l’être encore plus rime avec souffrir hein?

    5. Fleur => Syndrome de Stockholm, on n’échappe pas à un ravisseur qui nous ravit !
      Koan => Mûri ? J’espère n’être pas trop proche du pourrissement !
      Incitatus, Teckel => Tous dans le même bateau ! Ca chavire, ça chavire…

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