Les rares fois où je consulte le programme TV, c’est sur le site de Télérama. J’ai conscience de la boboïtude du geste, mais je ne peux tout simplement pas résister aux descriptions acerbes de leurs journalistes. Le tout début des résumés me réjouit en particulier, avec l’énoncé d’un genre qu’il viennent d’inventer. Genre inoxydable pour une comédie de Funès. Pour Eva, je les imaginerais bien… Genre : Isabelle Huppert. Parce que c’est vraiment ça : un film où Isabelle Huppert fait de l’Isabelle Huppert, aka la meuf qui n’a peur de rien parce qu’elle se fout de tout, et joue ce rien sans qu’on ait l’impression qu’elle brasse du vide. Les bizarreries du personnage qui, jouées par n’importe qui d’autre, seraient ridicules ou perverses lui passent tellement à cent pieds au-dessus de la tête qu’elles est paraissent naturelles. Pendant tout le film, on se dit pourquoi pas ; quand ça s’arrête, on s’arrête au pourquoi.
Enfin, je sais bien pourquoi, pour qui je suis venue : pour Gaspard Ulliel, qui me fait plus d’effet que n’importe quel acteur — et bon, le bougre, parce que j’avais assez envie de mettre des claques à son personnage. Son duo avec Isabelle Huppert est improbable mais fonctionne très bien : dans le genre taiseux qui donne de la profondeur à la moindre platitude, il n’est pas mal non plus. On peut le vérifier avec la pièce que son personnage tente d’écrire à partir de conversations réelles : incarné, ça va ; sur le papier, bonjour les dégâts. Mais t’es intéressé, tu veux savoir la suite, hein, fait remarquer le dramaturge de mes deux à son mécène, que le sujet de la pièce laisse dubitatif mais qui voudrait bien voir le développement. Pareil pour le spectateur : on doute que tout cela mène quelque part, mais on n’est pas contre faire encore un bout de chemin. On n’est pas déçu du voyage à la fin : de la très belle eau de boudin. Eva là le travail.