Effets secondaires commence par un homme qui sort de prison et dont on sent bien, par les propos qu’il tient à sa femme, qu’il pourrait à nouveau verser dans les malversations financières. Ce n’est pourtant pas autour de lui que se noue l’intrigue mais autour de sa femme, dépressive, qui fait une tentative de suicide. Nul malaise cependant pour le spectateur, car le film adopte rapidement une tournure satirique : pas une collègue de travail qui n’ait un bon plan antidépresseur ; tout le monde a ou a eu sa petite dépression ; les laboratoires pharmaceutiques n’hésitent pas à placarder leur publicité dans les couloirs de la mort du métro ; quant aux psys, ils font leur marché noir auprès de ces grands groupes et se refilent les patients comme des stylos publicitaires, balançant tel ou tel traumatisme à prendre en compte entre deux portes.
Notre héroïne va de plus en plus mal, puis de mieux en mieux avec les cachets, puis de plus en plus bizarre avec ou sans. Jusqu’au moment où l’on arrive aux instants – proprement glaçants – qui précèdent la scène d’ouverture : filmée en silence, une traînée de sang court dans le couloir d’un appartement comme le marquage lumineux au sol dans la travée d’un avion, passant à côté d’un paquet de cadeaux et d’un voilier miniature. La femme qui tue son mari dans une crise de somnambulisme : le paroxysme de l’horreur est atteint, on peut couper là et envoyer le générique, le drame est complet. Sauf qu’on n’en est qu’à la moitié du film, qu’il de n’agit pas d’un drame et que le seul tremblement de terre que cela soulève dans le monde médical est la mise à l’écart de son psy, soupçonné d’être trop mauvais pour ne pas avoir vu venir la catastrophe.
Ce dernier se met lui-même à soupçonner sa patiente et on sent venir le retournement : la dépression ne serait qu’une couverture pour assassiner le mari. Vrai retournement : c’est le psy qui, totalement obsédé par cette mise en échec retentissante, devient fou et perds sa femme en même temps que la raison. La charge contre les industries pharmaceutiques est sans appel : les antidépresseurs rendent malades même ceux qui les prescrivent. Plutôt fort, ce délire. Sauf que ça n’en est peut-être pas un ; peut-être que si, en fait, mais peut-être bien que non, finalement. Effet secondaire : à force d’être tourné et retourné dans tous les sens, le retournement n’en est plus un – seulement un des nombreux revirements du scénario. Lequel n’arrive du coup pas à nous surprendre lors de la soit-disant révélation finale, simple hypothèse parmi d’autres, toutes étudiées une demi-heure durant.
Ce n’est pas mauvais, non, mais cela aurait pu être vraiment bon et ça ne l’est pas. Heureusement, il y a cette ironie anti-dépressive et de très bons (et beaux) acteurs qu’on ne se lasse pas de regarder, à défaut de scruter le visage de leurs personnages pour en deviner les secrets : Rooney Maria est une dépressive très sensible et Jude Law, un psy devant lequel on se mettrait volontiers à nu.