Quand « ça va ? » est une question rhétorique

      J’ai un accent aigu sous l’œil gauche, un grave sous le droit et un circonflexe inversé au-dessus. J’ai du avaler par mégarde une râpe trop grande pour être digérée et trop petite pour demeurer en place sans m’écorcher la gorge. Mes yeux paraissent irrésistiblement vouloir précéder ma tête, mais je n’ai aucun sujet d’admiration ou de désir toonesque. Mon nez dégouline autant que le mois d’août a été pluvieux. Encore heureux que vous n’ayez pas le son : la toux viendrait rythmer mes plaintes.

     Je n’ose ouvrir mon agenda de peur de me faire mordre par quelque impératif hypothétique à forte tendance catégorique, l’enragé DS de philo de 6h de samedi, par exemple.

J’ai rangé un 4/10 dans l’onglet rouge « anglais » de mon trieur sans broncher. Ni en être particulièrement émue. Y’a du progrès. Car il n’y a manifestement pas que ma prof de latin de terminale que j’ai traumatisée puisque Mr. Of The Bridge a annoté comme suit : « Pas de panique ! Il faut le temps de s’y remettre… ». D’une manière générale, nous somme passés de l’angoisse au désespoir. La conscience s’est mise en veilleuse, la culpabilité a reçu congé et la résignation a pris ses quartiers après le départ de ces derniers occupants.

 

 

     Mais je m’en fous comme de l’an 40 – et même plus, à vrai dire ( puisque le prof de latin a émit le souhait de nous faire apprendre notre histoire romaine et que j’ai souvenance d’un événement de guerre des Gaules aux alentours, en 48.)

 

 

Je suis dans les petits papiers de la prof de français.
J’ai du boulot et le moral – attention asyndète !

Et les cartes de cantine sont oranges.

La vie est belle.

20 sept. 07 Télégrammes du front

    Télégramme : version rédigée du SMS qui vous fait revoir ce qu’est une asyndète.

 

Musée dimanche –STOP- dîner à Paris avec Eleganza mardi – STOP- Mercredi : retrouvé le temps perdu plaisir de finir une dissertation à minuit – STOP-Apprendre son latin – STOP- Bâcler une ccl merdique à la hauteur du devoir après la cantine –STOP- S’estimer heureux de ne pas avoir fait une nuit blanche.

 

Philo : si pas de tendinite, miracle –STOP- Lever le coude pour secouer sa main douloureuse : vous avez manqué trois phrases.

 

Je confirme, le K participe activement à la déforestation –STOP- Je prends les paris : quand la photocopieuse explosera-t-elle ? combien de recharges d’agrafes dans le budget des fournitures ?

 

Propose le surnom de Baccante pour notre professeur de français –STOP- besoin de l’accord des susnommés : Elendili – Le vates lyricus – Inci.

 

Mr. of The Bridge fidèle à lui-même –STOP- just wanna jump off it.

 

Pas d’omelette sans casser des oeufs –STOP- la métaphore est culinaire, la pensée est bonne –STOP- vous expliquerai –STOP- humour khâgneux.

 

Fous rires nerveux et larmoyants, alors que pas encore novembre –STOP-

 

STOP aux cernes et à l’organisation digne d’une putain sans pratique (expression familiale à l’origine non identifiée)  [Ca ne vous rappellerais pas la pub pour le déodorant Narta ?]

 

 

Khrônique

    Entrée en khâgne, en plein dans l’âpreté du cas K. Envolée l’insouciance  de cheval fougueux hypokhâgneux. Cheval de somme pour commencer :

Cheval de trait, car cette année débute sous le signe du déméngament. Non solum j’ai passé la journée dans les cartons et la poussière, sed etiam il a fallu transbahuter tables et chaises et pour écouter le discours si novateur de notre cher proviseur (à croire qu’ils n’avaient pas tout le monde sur leur liste) et pour aménager notre salle (la khâgne ulm est extraordinairement peuplée par rapport aux années précédentes : nous avons du aller piller la salle voisine des hec pour que tout le monde ait une place assise –ce qui est préférable pour écouter les blagues de Mimi, fidèle à lui-même, toujours une petite référence à l’Estonie en passant) ;

Somme mathématique, car il me faut vous faire réviser votre géomètrie littéraire, à vous, lecteur, potentiellement ignorant des vocables prépaïens. La mosaïque se compose d’une vingtaine de carrés khârrés, i.e. nous autres, ex-hypokhâgneux, et de six cubes khûbes, qui ont le privilège de commencer leur seconde khâgne et ce faisant d’explorer une nouvelle dimension. Qui ne semble pas outre mesure exaltante pour nous, humbles kharrés : les khûbes n’ont pas l’air drôles et les profs le leur rendent bien. « Je vous préviens, les khûbes, si jamais personne n’a fait de commentaire la semaine prochaine, vous passez en improvisé, et ça ne me dérange pas que ce soit Montaigne. » En bon khârré, vous vous aplatissez ; le khûbe a sûrement l’esprit plus volumineux.

Volumineux (plus aucune maîtrise des transitions, comme vous pouvez le constater) est aussi le travail donné. L’imminence de la dissertation de français et du commentaire de philo recommanderait d’arrêter ces khrôniques. Le prof de philo a réussi à me traumatiser en nous demander de préciser quel était notre rythme de lecture, combien d’ouvrages philosophiques nous lisions en une semaine ou un mois (de mon côté, on serait contraint de rajouter l’échelon annuel). Et nous ne sommes que six en option philo – qu’Aristote ne soit pas loué. Par conséquent,  j’ai ressemblé les deux premiers jours à une pile électrique – angoisse panique- trop d’exigences en électrons libres. Rentrée dans le circuit, câblée à mon Gaffiot et alimentée en conversations (dans cette bonne bonne vieille cantine, où nous avons eu le droit à un nouveau mélange de légumes : chou fleur croquant, haricots verts, carottes et tomates – on a les scoops qu’on peut), le courant passe à nouveau et fait redémarrer le moral – ne reste plus que la volonté de se remettre dans le bain. Parée aux étincelles !

 

Des finitions à peaufiner

        Le masochisme est une seconde nature qui vous rattrape au galop – et vous piétine de ses sabots en hennissant de plaisir. J’ai fait six heures de philosophie aujourd’hui et me suis éclatée, au moins pendant les trois premières (rédiger la fin d’un commentaire le remue-méninge calmé n’est plus aussi exaltant). Comme nous sommes encore au début de l’année, j’ai pris soin de rechercher les textes référencés en notes, comme demandé. Et pour faire option philo, il faut être soit philosophe, soit fort en devinettes : parce que si Métaph. me semblait assez évident, qu’Eth. Nic. ne demandait qu’une vérification orthographique, Top. l’était nettement moins et je n’ai toujours pas trouvé le sens de An. Post. (anthologie ou annales posthumes ?). Parmi ces abréviations de connaisseurs, j’ai trouvé un extrait Top. des Topiques d’Aristote, texte qui devrait (conditionnel de souhait/regret et non hypothétique, ne rêvons pas) intéresser le rédacteurs du Larousse :

 

« § 12. Il y a trois lieux pour prouver qu’on n’a pas défini par les choses antérieures.
[…] § 14. Un autre lieu, c’est quand on se sert dans la définition du défini lui-même. On ne s’en aperçoit pas, du reste, quand ou ne se sert pas du nom même du défini. C’est, par exemple, si l’on a défini le soleil, un astre qui paraît dans le jour; car si on se sert du jour, c’est se servir aussi du soleil. Il faut, pour découvrir cette erreur, substituer la définition au nom même; et ici, par exemple, dire que le jour est le mouvement du soleil au dessus de la terre. Alors il est évident que, quand on a dit le mouvement du soleil au-dessus de la terre, on a nommé le soleil; de sorte qu’en se servant du jour, on s’est servi aussi du soleil. »

 

 

En allant un peu plus tard vérifier la définition d’un de ces mots dont on connaît grossièrement le sens mais qu’on n’est jamais fichu de définir clairement  (d’accord ce « on » a une très forte valeur personnelle) dans le dictionnaire, « inductif » m’a été défini par son substantif « qui relève de l’induction ». Thanks, but I could have worked it out myself.

La vraie vie d’une (hypo)khâgneuse pendant le mois d’août

[réponse quasi copiée-collée à zED]

     La différence profonde entre ces deux mois estivaux de congé, c’est qu’en juillet, vous êtes en vacances, tandis qu’en août, vous êtes un (hypo)khâgneux en vacances. Un mois pour oublier, un mois pour se rappeler (à l’ordre), un mois pour s’y remettre. Et comme nous n’avons pas trois mois, nous sommes obligés de sacrifier ce beau rythme ternaire et de s’affoler les quinze derniers jours. Car en quinze jours, c’est bien connu, on peut lire et comprendre les Physiques d’Aristote, les Essais de Théodicée de Leibniz, ceux de Montaigne, le Roman comique, les Mots latins et la Recherche – « on va étudier le Temps retrouvé, alors ce serait bien que vous lisiez ce qui précède. De toute façon, la Recherche, ça se lit comme un roman. » – parce que ce n’est pas un roman ?
Bref, autant vous dire qu’à ce niveau là, ce n’est même plus du retard.

     Comme je ne peux pas décemment vous faire croire que je travaille, voici à quoi ressemble un mois d’août (hypo)khâgneux :

    Penser à faire un album des photos d’Australie et s’arrêter devant la sélection vertigineuse des clichés : kangourous en folie et Opéra de Sydney sous toutes les coutures. Dre et moi avons tant mitraillé que les touristes japonais n’ont qu’à bien se tenir.

    Faire la crêpe sur une plage au soleil et en manger (des crêpes).

    Fêter son anniversaire à la crêperie, en famille.

    Dresser une étude comparative de toutes les glaces disponibles sur le marché. Ajouter dans la catégorie « autre » la fougasse et les chichis.

    Acheter des robes qu’on mettra peu pour cause de soleil récalcitrant.

    Ecouter Mika en boucle, chanter à l’unisson et s’étonner après cela qu’il pleuve des cordes.

    Traîner sur la blogosphère désertée.

    Faire les magasins en région parisienne et serpenter dans le no man’s land des rayons, en éviter plus ou moins adroitement l’attaque de vendeuses désemparées.

    Retrouver Thalie, autre hypokhâgneuse et passer une excellente après-midi.
Devenir nostalgique de l’HK comme si on l’avait quittée depuis des lustres. Se  remémorer les soirées en boîte, les moments mythiques et les phrases cultes.