CBII : vivement la date d’expiration

Un concours blanc placé sous le signe de l’exaltation l’exhalaison.

L’effrayant, c’est qu’on peut mettre un indéfini devant « concours blanc ».

Le rassurant de la chose, c’est qu’on peut aussi mettre « second » et non « deuxième ».

 

    Mimi nous avait prévenus : ce sera un sujet bateau, il faudra « résister à l’ennui pendant six heures. » L’Europe dans la guerre froide, vous parlez d’une galère. Si déjà on avait pu rendre un sujet bateau… mais non, tout juste une épave bonne à vous couler.
    Et c’est à croire que les professeurs se sont passé le mot. La tortue nous a gratifiés d’une magnifique question existentielle qui, à défaut d’être transcendante, a dû être traitée rudement de manière transcendantale : la politique définit-elle la condition de l’homme ? Ce qui ne m’a inspiré que la problématique de ce présent article : la dissertation ennuyeuse définit-elle la condition du khâgneux ? Et comme chacun sait qu’on peut juger d’un devoir à sa seule introduction problématique, je sauterai jusqu’à la conclusion, qui, comme chacun en a fait l’expérience, est une redite bâclée qui ouvre généralement sur la perplexité du correcteur.

 

En avoir plein le dos

Levée plus tôt que la déesse procrastination, j’ai décidé de la prendre de vitesse. Sans ouvrir les volets, ni la porte, j’ai subrepticement attrapé un tas de polys, mais, compromis matinal, je me suis glissée sous la couette pour les lire. Just imagine…
    Dos contre le mur, calé avec l’oreiller. Naissance du problème israélo-palestinien. Aux accords Sykes et Picot, vous réalisez que ça vous picote dans le dos, vous vous êtes enfoncé dans de sombres problèmes, et le coccyx vous sert de postérieur. Tant que vous y êtes, faites le mort, allongé sur le dos. Vous vous réveillez à la passe du problème de la Grande-Bretagne aux Etats-Unis : la patate chaude vous a échappé dans un court assoupissement. Vous vous étalez à plat ventre dans la région, révoltes à en avoir froid dans le dos et plus de sang dans la main qui vous chuchote à l’oreille que son petit doigt ne lui dit rien qui vaille. Prise en main sérieuse, on ne joue plus à Peel ou face, vous vous dirigez à votre bureau. Pied à terre dans des chaussons, dos calé contre le dossier, bien droit. Après dix minutes à lire comme une bigleuse corsetée jusqu’au cou, essayant de déchiffrer le titre de son programme de spectacle tombé par terre, et que les pays Arabes y sont aussi, vous vous prenez la tête dans les mains. Lorsque la feuille s’est curieusement rapprochée de votre nez, que l’imbroglio ethnique s’est brodé sur l’imbroglio religieux, et que vos nerfs sont aussi emberlificotés que la situation, vous décidez de passer à la position du moine bouddhiste – une confession qui manquait. Un cercle est un carré, un carré est un cercle. Chaussons abandonnés comme les décisions de l’O.N.U., mains qui portent la situation explosive à bout de bras, le dos peut enfin se redresser. Pas pour plus longtemps que la paix avec l’Egypte. Tellement agaçant que vous en assassineriez bien un – pas de chance, Sadate, y est déjà passé. Les tensions se font également sentir dans les cuisses, changeons de camp dans le cadre de la guerre froide. L’époque est au compromis – position du lotus effeuillé, une jambe sous soi, l’autre à terre. Le dos tordu comme une énième proposition de partition de la Palestine mandataire. Vous sentez la guerre du Golfe approcher, mais justement, ça sent le roussi. Vous jetez la pierre en croyant que c’est l’éponge. L’intifada commencera après le petit-déjeuner ; vous allez poser votre dos sur la chaise de la cuisine – dépaysement absolu.

Culpabilité et procrastination

Prostré – professionnel – ocre – crasse – hippocras – croustillant – indignation

 Indigestion de volonté. J’ai du la vomir par erreur. C’est bête, on met bien plus de temps à la forger que le corps à former des protéines. Assez de me ronger les os pour découvrir un peu de substantifique moelle à l’intérieur. J’ai arrêté les os, mais justement, il y en a toujours un : c’est qu’à présent, je ronge mon frein. Remis le travail à demain, mais demain, c’est tous les jours aujourd’hui. Je n’en finis pas de remettre, et par conséquent d’en remettre une couche. Mon bureau croule sous les papiers, alors pour le décharger un peu, le pauvre, j’ai colonisé le sol. Il y a eu quelques rencontres avec des sauvages locaux, comme des paires de pointes puantes, mais aucun n’a mordu, c’est à peine si le papier a coupé. Les polys ont décidé de faire lettre morte. Le khâgneux n’habite plus à l’adresse indiquée. Mais on mène l’enquête. La culpabilité s’en charge, sans peur et avec reproches. Elle frappe à tous les neurones engourdis – coups réguliers. Mais c’est comme le robinet qui fuit, l’arrière-plan sonore dégoûte, on n’entend plus que la goutte, même lorsqu’elle ne tombe pas, on entend que la goutte va tomber, elle tombe, elle va tomber, elle tombe, elle va tomber, elle t…, pourquoi ne tombe-t-elle pas ? Ca a arrêté de fuir, je vais pouvoir dormir. Et alors qu’on tombe de sommeil, elle tombe, la traitresse, elle va tomber, elle tombe, elle va tomber, silence qui précède la décision du khâmikaze, la bombe explose avec à peine plus de légèreté que les chutes du Niagara.

La culpabilité n’en démord pas. Elle s’indigne avec une jubilation perverse de notre procrastination. On ne peut même pas savourer la satiété, elle nous refile toujours les mêmes plats à re-mâchouiller. Froids, comme toute bonne vengeance. Du coup, on fait une indigestion de n’avoir rien ingurgité. Ecœuré du vide : la crise de foie sans le plaisir du chocolat. Alors on s’en gave a posteriori. Mais à vouloir justifier la crise de foie, on s’en créé une nouvelle. Ingurgitation de films, de blogs débiles, de secondes de néant, des gâteaux, de blogs débiles, de sommeil sans matière à grâce, de minutes de néant, de pages web, et d’heures de rien. Je n’ai rien fait. Rien de répréhensible. Mais rien. C’est-à-dire rien pour le khâgneux. Mais je suis khâgneux. Alors tout le reste, films sans pop-corn, gâteaux, miettes de blogs et rien en barre, c’est sans commune mesure, ça vaut zéro, nada, pas un clou. La culpabilité se charge de vous l’enfoncer dans le crâne. C’est très dur de faire du rien : ne rien faire, encore, il suffit de faire diversion, mais faire rien demande une très grande dépense d’énergie. Et pour cause, il faut clouer le bec à la culpabilité, toujours assez babille pour que vos efforts n’aient servi à rien. Un rien exaspérant. Vous aurez beau (ne rien) faire, la culpabilité ne vous laissera même pas enterrer l’irréel du présent : elle a prévu  cet asile de fous qu’est l’irréel du passé.

 Moralité : à trop chercher dans le futur l’indicatif présent, le conditionnel passé nous tombe dessus, et le seul moyen d’effrayer ce fantôme, c’est le subjonctif présent. Il faut que je travaille.

 

PS : un peu de nettoyage dans les liens à gauche. Si jamais vous étiez dedans, no offence meant, je garde les liens en marque-page – c’est juste que les mises à jour n’étaient pas très régulières et que c’est toujours énervant de cliquer sur des blogs dont on se demande s’ils ont été ou non abandonnés. Si jamais vous réapparaissez, faites-moi signe, je remettrai votre petite vignette. ( J’ai même gardé les codes html, en bonne feignasse optimiste que je suis).

Unum est

    Le professeur d’histoire avise le tableau où se sont attardées quelques phrases de thème latin de la veille. Et s’empare du tampon pour effacer : « … pas d’antisèches ! ». J’aurais bien vu quelque chose comme « Credere, parere, pugnare ». On y pensera la prochaine fois.

Khâmikhâgne

        La khâgne révèle le khâmikhâze qui est en chaque khâgneux. A son insu. Un bras qui se lève, en pleine proclamation d’indépendance vis-à-vis de l’esprit qui est censé le régir. Mais comme il n’est pas de bon ton de laisser voir cette schizophrénie du corps et d l’âme, le khâgneux oblige sa bouche à esquisser un sourire (curieusement, les zygomatiques obéissent sans rechigner) et à articuler « Oui, bien sûr, je veux bien présenter le texte mardi prochain. Catulle ? Oui, j’aime bien Catulle. » Bien sûr, la réponse du Vates supporte des variantes, comme par exemple : « Oui, je veux bien présenter le texte vendredi prochain. Hum, oui, c’est Vanity Fair. » Deuxième erreur stratégique de ma part, après avoir mis en scène mon propre drame en français. Qui a préparé cette scène de Phèdre ? J’ai levé la main, sans un regard préalable pour vérifier furtivement si d’autres pulsions khâmikhâzes battaient leur plein.

« – Ta prép ?
         Hum je ne l’ai pas finie…
        

        
Mais je peux passer quand même. »

Voilà, le ventriloque inconscient en moi vient de parler. Encore plus fourbe que le chantage exercé par certains professeurs qui réclament, larmoyants, de ne pas avoir à recourir au volontaire désigné. Le genre de situation où le silence pesant pousse le Vates au martyr à prendre l’explication de Saint-John Perse. Oui, le Vates a beaucoup de pulsions suicidaires. C’est qu’il est un véritable khâgneux, qui se lance vers le Graal de la normalité avec toute l’abnégation d’un baron de Charlus. « En khâgne, il ne faut pas réfléchir, il faut aller tout droit. » En priant pour qu’un mur ne soit pas notre dernière mission-suicide dans la connaissance, aurait pu ajouter Mado.

 
Moralité : pensez à antidater vos arrêts de mort, vous aurez peut-être une chance de vous en sortir vivant.