8 raisons de tomber amoureuse de Véra Pavlova
1. Elle porte le nom d’Anna Pavlova.
2. Sa photo sur la quatrième de couverture.
3. Elle a écrit ce poème, qui m’a décidée à emporter L’Animal céleste avec moi alors que je le feuilletais debout dans le rayon, hésitante :
Et Dieu vit
que cela était bon.
Et Adam vit
que c’était excellent.
Et Ève vit
que c’était passable.
3. Elle écrit en musicienne, la métrique rigoureuse et a-logique, pleine de dash. Le compte n’y est jamais, mais il est toujours bon :
Pour un quart — juive.
Pour moitié — musicienne.
Pour trois quarts — ta moitié.
Et tout entière — qui ?
En hiver — un animal
Au printemps — une plante
En été — un insecte
À l’automne — un oiseau
Le reste du temps je suis une femme
La balance
Sur l’un des plateaux — la joie.
Sur l’autre — le chagrin.
Le chagrin est plus lourd.
Voilà pourquoi
la joie est plus haute.
4. Elle fait tourner les têtes, a l’art de rendre les syllogismes vertigineux :
Si tu as de quoi désirer
tu auras de quoi regretter
si tu as de quoi regretter
tu auras de quoi te souvenir
si tu as de quoi te souvenir
c’est que tu n’avais rien à regretter
si tu n’avais rien à regretter
c’est que tu n’avais rien à désirer.
Si tu as peur d’oublier — écris.
Si tu redoutes d’écrire — souviens-toi.
Si tu crains de te souvenir — écris.J’écris. J’ai peur.
5. Rien d’aride dans sa pensée, son esprit est plein de sensualité, et sa sensualité pleine d’humour.
La pensée est imparfaite
si elle ne tient pas en quatre vers.
L’amour est imparfait
s’il ne tient pas dans un seul ah !
[…] La vie est incomplète
si elle ne tient pas dans un seul oui.
Ils s’aiment. Ils sont heureux.
Lui :
— Quand tu n’es pas là,
c’est comme si
tu t’étais retirée
dans la pièce voisine.Elle :
— Quand tu t’en vas
dans la pièce d’à côté,
c’est comme si
tu n’étais plus là.
Il m’a regardée
à pleine bouche
et m’a embrassée
sur le bout du nez.
Debout devant le miroir
j’apprenais à dire non.
Non. Non. Non.
Mais le reflet disait :
Oui.
Andreï et moi, on se promène en barque.
Andreï et moi, on nage vers l’île.
Andreï et moi, on s’allonger sur l’herbe.
Andreï et moi, on regarde le ciel.Soudain — son visage à la place du ciel.
Au lieu du soleil — des lèvres rouges.
[…]
(Rien qu’à la répétition, aux actions, on sait où ça va mener
dénouement sûr mais retardé
— prescience du désir qui le fait advenir.)
6. Elle est magnétique d’assurance lorsqu’elle joue à la poétesse fatale, désinvolte.
Oiseaux, cessez de piailler à mes oreilles
Sapins, cessez d’agiter vis bras vers moi
Anges, cessez de m’épier par le trou de serrure des étoiles —
Je ne puis rien faire pour vous !
L’inversion est magnifique !
J’ai brisé ton cœur.
Maintenant je marche pieds nus
sur ses débris.
Border le dormeur dans son lit,
poser un baiser sur son front
et percevoir soudain sur l’oreiller
sa barbe et ses cheveux bouclés
selon le point de vue de Salomé…
[…] Au demeurant, fais comme bon te semble :
c’est à celui qui pleure de commander la musique.
7. Le jeu n’est jamais si futile qu’il ne soit contrebalancé, ancré dans quelque tristesse qui justifie d’en rire pour en sortir.
S’asseoir au bord de la rivière
et jeter dans l’eau ses tourments,
en jeter encore
et les voir voguer
au fil de l’onde
trop légers
pour couler à pic.
Si l’on regard longtemps une fleur
sur le papier peint,
on finit par voir autre chose,
par exemple — une silhouette.
Notre vue nous aurait-elle trompé ?
Ou bien la silhouette serait-elle lasse
de faire semblant d’être fleur ?
Si l’on se regarde longtemps dans le miroir
on peut voir une image
qui n’est pas du tout la nôtre.
Notre vue nous aurait-elle trompé ?
Ou bien la mort
nous a-t-elle approché de si près ?
Ne pas aller en prison
ne pas se couvrir de dettes
ne pas se survivre…
Merci, Seigneur
s’il y a tant de choses
à te demander.
Rêves malpropres, songes creux,
avilissant babil…
Merci, Seigneur
de ne pas m’écouter.
En écrivant un poème
je me suis coupé la paume
avec une feuille de papier.
L’éraflure
a prolongé d’un quart
la ligne de vie.
8. Elle est indéniablement russe.
[…] Chez nous, si tu t’approches d’une fenêtre
et regardes longtemps à travers,
tu es sûr de pleurer.
Le poème est un répondeur téléphonique.
L’auteur s’est absenté. Il y a peu de chances qu’il revienne.
Le cas échéant, laissez un message
après avoir entendu le coup de feu.