La Bayadère

         Dimanche dernier, Bastille. Du soleil au vent froid, nous nous engouffrons dans la noirceur de la salle de l’Opéra. Ici surgit un nouveau monde, dès que l’on feuillette le programme, exhalaison de lourdes senteurs qui invitent au voyage. En Inde. L’histoire est celle d’une bayadère qui se refuse au grand prêtre mais se laisse courtiser par un bel (évidemment) homme. Ce dernier s’avère être un prince qui doit obéir au Maharadja et épouser sa fille, Gamzatti. Pour se venger de son rival, le prêtre dénonce l’amour de Solor pour la bayadère, ne se doutant pas que le Maharadja va sévir la bayadère plutôt que l’amant. Gamzatti qui a surpris la conversation entre en contact avec sa rivale et tente de la faire renoncer à Solor, sans succès. Le mariage a lieu et la bayadère, danseuse sacrée de son état, doit participer aux noces. Mais sa rivale a caché un serpent dans un corbeille de fleur et la morsure lui est fatale –elle refuse en effet le poison offert par le prêtre toujours amoureux. La troisième partie, l’acte blanc est une plongée dans l’hallucination narcotique de Solor. Lui apparaît en songes la bayadère avec qui il danse et danse…
        Ce ballet est d’une richesse inouïe. Les costumes rivalisent d’étoffes précieuses sans jamais être clinquants, (+ vive les accessoires et le tigre attrapé à la chasse pour le Maharadja, je veux le même !) les décors nous transportent immédiatement en Orient, et que dire de la danse… Mêlée de pantomime, elle est à la fois très lisible et très expressive, accessible, me semble-t-il, même à ceux qui ne sont pas balletomanes. Et, rendons à César ce qui lui appartient, la chorégraphie de Noureev est une merveille. Merveille sublimée par les danseurs… Agnès Letestu était la Bayadère. Délicatesse, maîtrise, finesse, passion, retenue sont autant de nuances à sa palette. Elle s’impose sans jamais en imposer par une seule solide technique. Sa force est toute de présence et d’interprétation, particulièrement dans le deuxième acte (et le premier aussi, dans la danse avec l’amphore –c’est quand même plus poétique que de dire cruche, non ?). Epoustouflante de sincérité elle est en total accord avec Solor, José Martinez, qui se montre non moins splendide que sa partenaire. Il habite le rôle comme la scène et son plaisir de danser est communicatif : il est particulièrement éclatant dans des grands jetés qui semblent être d’immenses bons dans la joie. ( Pour ceux qui n’auraient pas compris, ce couple était woww !)
         Les rôles secondaires doivent avoir leur part de compliment et non seulement être mentionnés. Emmanuel Thibaut est parfait dans le rôle de l’idole dorée qui lors du mariage, danse cette si difficile variation. Il a été, à l’image de son costume, étincelant.

L’esclave de Solor, incarné par Karl Paquette, était d’une grande expressivité. J’ai découvert ce danseur dans un tout autre registre que celui où je l’avais déjà vu, et je dois dire que je suis toujours aussi enchantée et j’aimerais beaucoup qu’il soit nommé étoile (de même pour Emmanuel Thibault, est-il besoin de le préciser ? Mais ce dernier plaît rapidement pour sa technique et sa fougue et je suis sûre qu’il sera un jour reconnu comme artiste, tandis que j’appréhende un peu qu’on ne prenne le talent de Karl Paquette à sa juste valeur – cette parenthèse vous ennuie ? n’ai-je pas le droit, moi aussi, de m’incliner devant mes idoles dorées ?).
Stéphanie Romberg tenait le rôle de Gamzatti. Elle m’a malheureusement parue peu sûre d’elle techniquement. Enfin, remettons les choses dans leur contexte : le rôle est affreusement dur et il n’est pas facile d’être aux côtés d’une danseuse étoile confirmée. Elle s’en sort par sa présence scénique et un jeu qui laisse apparaître une forte personnalité. Je préfère mettre les hésitations techniques sur le compte de la fatigue et garder une bonne image de cette danseuse que j’ai adorée par ailleurs –dans le rôle de la mère de la petite danseuse de Degas, pour ne citer que le dernier…            
           N’oublions pas également les élèves de l’école de danse ni surtout le corps de ballet, toujours d’une précision d’horloger, qui cisèle la musique de sa danse. (mis à part une danseuse qui devait être une remplaçante et copiait ses camarades, parfois au risque d’un retard ; et d’une chute de perroquet dans la danse… des perroquets. ) Mais alors, ce qui était totalement envoûtant était la descente des ombres. Toutes les femmes du corps de ballet s’avancent sur scène en tutus blancs et voiles légers qui donnent une grande fluidité aux bras. Posé, arabesque pliée, posé, cambré en arrière, marche, marche, posé, arabesque pliée, posé, cambré en arrière, marche, marche, posé, arabesque pliée. Cela paraît mécanique dit comme cela mais si vous pouvez vous figurer le moelleux des arabesques, le mouvement des cambrées et l’avancée des danseuses en un long serpent lumineux… vous verriez à quel point ce passage est envoûtant. Hypnotique même, puisque dans la semi pénombre qui règne sur le plateau, le blanc se détache d’une manière particulièrement lumineuse, presque éblouissante, faisant des ombres ( !) des êtres fantomatiques. Hypnotique je vous dis. Et sur cette vision idyllique que je vais vous laisser (comment ça, enfin ?), vous rare lecteur a n’avoir pas zappé la totalité de cette longue note.
            Pour ceux qui ne viennent ici que pour lire la fin, voici le résumé totalement dénué d’intérêt : La Bayadère est le grand ballet classique que j’ai préféré.

 

P.S. Je viens de trouver un article sans prétention, pas mal pour ceux qui éprouveraient le besoin de jeter un coup d’oeil rapide sur une part du monde chorégraphique actuel : ici.

Je suis fille de Pascale… quelques pensées.

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J’ai découvert que le blanc pouvait déteindre : le bac blanc peut entraîner nuit blanche et copie blanche. (J’exagère, bien entendu, mais je trouvais que ça sonnait bien). Bonnet blanc et blanc bonnet que tout cela.

Rien de tel qu’un grand récipient de couleur immaculée pour comprendre enfin le vrai sens de l’épicurisme. Le plaisir de s’asseoir au soleil après l’épreuve de l’histoire-géo… C’est tout bonnement sublime.

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Le soulagement d’avoir accompli sa tâche masque toute inquiétude quand au résultat. « Le bonheur n’est pas le prix de la vertu, il est la vertu même » Spinoza… qu’en dirait Kant ?

 

Mimy au musée Marmottan – expo Camille Claudel

      

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      Nous –ma mère, le toc-toc et moi- y sommes allés pour l’exposition des sculptures de Camille Claudel. L’occasion de voir celles qui ne sont disponibles qu’en 2D dans les livres puisque les originaux appartiennent à des collectionneurs particuliers. Le volume est toujours étonnant. Comment arrive-t-on à un rendu si expressif, détaillé mais doux comme la Petite châtelaine à partir d’un cube de marbre brut ?  Mais les sculptures de Camille Claudel sont bien plus fascinantes qu’époustouflantes. Pas figées comme les marbres antiques. Vivantes, vibrantes, presque parlantes. Et pas seulement les Causeuses. Elles semblent suspendues aux lèvres de la conteuse. Le secret de sa révélation reste inconnu, mais toujours dévoilé, suggéré par l’expression de ses auditrices. Ces conversations nous parlent, sans cesse re-imaginées. Pour moi, c’est ça. Une œuvre me plaît quand elle me parle, quand elle imprime une impression en moi. Alors, la sculpture que j’ai préférée est la Valse. Peut-être parce que je suis danseuse. Une salle entière consacrée à cette valse ; leurs dispositions dans la salle recréait presque la chorégraphie. Chaque moulage est particulier, et pas seulement de par sa composition. Ici, le couple fusionne, joue contre joue, corps à corps ; là, ils sont légèrement medium_claudel-valse1.3.jpgécartés. La tête du danseur effleure la nuque de la femme. On sentirait presque son souffle au creux de notre cou. Une voix murmure… on ne peut entendre. Le secret ne se dévoile pas dans une salle d’inconnus qui tournoient eux aussi autour du couple ; qui se baissent, commentent, qui jouent au jeu des 7 différences entre les 8 moulages.
Aller au musée devrait toujours être un jeu.  Au sous-sol, dans la galerie Monet, une maman a tout compris. Elle accompagne sa fille d’environ quatre ans avec son cahier et ses feutres. Etalée par terre, elle crayonne joyeusement. Voici le meilleur moyen de former une future amatrice d’art. Rien de tel que d’aller au musée, voir les peintures en grandeur et couleurs nature. (A Chypre, la guide nous a expliqué que pour remonter le niveau des enfants en histoire, l’état a décidé que les cours se dérouleraient sur place, dans les musées. Est-il utile de préciser que le niveau a sensiblement augmenté ? ).
    J’aime toujours autant les tableaux de Monet. Ils re-capturent un instant, une impression fugitive. Ou indistincte. Et prennent un relief surprenant si l’on s’en écarte. La gare St Lazare exhale ses fumées droit sur nous, le clapotis de la Tamise reflète les derniers rayons du soleil couchant et les célèbres nymphéas n’en finissent pas de flotter sur une eau doucement changeante et bruissante.

    J’ai bien pris plaisir à barboter dans l’atmosphère de cet hôtel particulier devenu le musée Marmottan et j’y retournerai sans marmonner. S’il vous plaît d’y faire un saut, dépêchez-vous, l’exposition Camille Claudel est temporaire et n’est prolongée que jusqu’au 31 mars.

Expo Klimt, Schiele, Moser et Kokoschka (mais surtout Klimt)

Impressions d’une sortie dominicale au Grand Palais.

Il y a beaucoup trop de monde. Heureusement que l’on avait réservé mais même à l’intérieur, c’était la cohue, en particulier devant les tableaux de… Klimt. Et ce n’est pas un hasard.

     Kokoschka… à part le nom drôle à prononcer, je dois avouer que je n’aime pas grand-chose. Si, la signature si incongrue que l’on dirait un tag d’un visiteur mal intentionné.

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        Schiele… un jeune homme pour le moins torturé. A force de voir ces corps anguleux et surtout ces mains tordues, j’ai fini par avoir mal au petit doigt (assez stupide comme douleur, j’en conviens). De lui, j’ai aimé 1 tableau, un grand-père et observé un dessin autoportrait. En fait pour ce faire une idée de l’optimisme fou véhiculée par ce peintre –en dépression ?-, il suffit de comparer le titre : Pre-printanier à la toile : une terre, trois squelettes d’arbre – noir – marron- terne. Ma mère : « Il faudrait lui expliquer qu’entre deux couleurs, il faut laver son pinceau ! »

        Moser… une belle maîtrise de la lumière, surtout dans le tableau des sapins, mais c’est peu comparé à…

         KLIMT … Ce pour quoi je suis venue et ce pour quoi je ne regrette pas d’être venue. C’est esthétique. Sans rien connaître aux règles de l’art, on peut se dire : « Waouh ! C’est BEAU. » Les couleurs sont vivantes, harmonieuses. Les paysages à la limite de l’impressionnisme. Devant la toile d’une façade de maison, on rentre dans le tableau ; les feuilles semblent bouger, des voix lointaines s’en dégager !                                                  

Et les visages ! Le seul portrait d’homme de Klimt présenté est d’un réalisme tel qu’on dirait une photo.Et les visages ! Le seul portrait d’homme de Klimt présenté est d’un réalisme tel qu’on dirait une photo.

Et est-il utile de présenter les figures féminines ? Danaé, Judith, Musique, Amour… Les visages sont magnifiquement expressifs, les étoles vaporeuses, tout est délicat et fort à la fois de par les motifs géométriques et l’or. De quoi rester sans voix et planté devant les chefs-d’œuvre. Enfin pas trop longtemps, on est loin d’être seul ! Même pas de lassitude après le TPE de l’année dernière (d’ailleurs, on aurait du le commercialiser à la sortie, ^^’). Voir les tableaux en vrai est indispensable. La taille joue, la brillance aussi (surtout chez Klimt) et les détails ! On repère plein de détails qu’on néglige sur les reproductions… voile sur le nez d’Holopherne, carré d’or en haut à droite de Danaé, « boule de peinture  » (pas blanche) qui, dans le corset d’une dame devient diamant étincelant … La liste est trop longue. Un vrai régal en résumé, auquel participent les cadres  (dans le portrait de l’acteur, la partie de droite on discerne à peine un magnifique visage féminin). C’est vrai, on y accorde généralement peu d’importance mais ils sont ici totalement justifiés, faits par l’artiste.

Seul bémol (je ne discute pas le choix des artistes, je n’aimais pas les compagnons d’expo de Klimt, mais les goûts et les couleurs sont dans la nature) : le monde (qui a dit que la culture n’intéressait personne ?) et la taille des commentaires à déchiffrer à la loupe (quand il y a foule, c’est d’un pratique…)