Baby Driver
Toujours lire Trois couleurs. Je n’étais pas partie pour voir Baby Driver, et puis encensé par […] Christopher Nolan, méchante hype, les gestes gracieux et volatils d’un danseur, l‘air toujours absent… J’ai checké la bande-annonce vite fait, puis je me suis rendue à l’arrache au ciné, dérapage contrôlé, et hop, sur mon siège, où je n’ai peu ou proue pas arrêté de danser – parfois discrètement, du bout des doigts, d’une contraction des muscles, d’une fesse à l’autre, parfois en bougeant carrément les épaules et les pieds dans les passages les plus rythmés. Ce n’est pas une comédie musicale, mais tout est chorégraphié : les déplacements du héros dans la rue, les mouvements de caméra, les courses-poursuites, tout tombe juste, pile en mesure. C’est le rythme jouissif des bons films d’actions – la hargne en moins : Baby piquait bien un peu des bagnoles, c’est ce qui l’a coincé, mais contrairement à ceux qui l’ont « recruté », il n’a pas le goût de la gâchette ni celui du gain. Un manque d’ambition, peut-être. Ou juste le goût du mouvement : le gamin un peu pataud qui ne survit au milieu des caïds que par son mutisme, toujours une paire d’écouteurs dans les oreilles, retrouve une assurance digne des meilleurs agents secrets dès qu’il est au volant, le Jonathan Livingtsone de la course-poursuite – autant pour s’échapper que pour la beauté du geste.
Le casting n’est pas pour déplaire. Kevin Spacey est dans son univers, mais j’ai mis un certain temps à reconnaître Don Draper en malfrat, et il m’a fallu plusieurs jours pour que je trouve à qui me faisaient penser les boucles blondes de Lily James, palme des ressemblances improbables : Hilary Hahn !
Barry Seal
Trente et un ans après Top Gun, on retrouve Tom Cruise dans le rôle qui lui va le mieux : celui du pilote branleur – doué et frondeur. Seulement, cette fois-ci, c’est inspiré d’une histoire vraie, et le savoir donne un tour ubuesque à cette presque non-fiction : il faut bien en faire des caisses et surjouer la fiction pour qu’elle ne se fasse pas rattraper par la réalité, que l’on oublie et que l’on redécouvre passablement ahuris. Plus c’est gros, moins c’est dur à avaler. On a donc un Tom Cruise qui se surjoue, des biftons qui dégueulent de partout et des trafiquants de drogue plus pittoresques les uns que les autres – mention spéciale aux paris qu’ils ouvrent alors que Barry s’apprête à tenter de décoller avec leur cargaison, sur une piste trop courte où plusieurs pilotes ont déjà laissé leur vie (rire jaune quand on apprend que deux pilotes sont vraiment morts sur le tournage du film). L’aplomb se confond avec l’inconscience, et l’immoralité avec l’amoralité tant tout coule de source pour Barry, qui espionne pour la CIA, livre les armes promises ailleurs et rembarque de la cocaïne, pour aider trois business men qui cherchent à écouler leur marchandise, rien de plus normal, les paquets tombent dans la pampa comme des bombes désamorcés (le politiquement correct de la guerre froide en prend un coup au passage). Rien de plus dangereux, mais rien de plus facile aussi, l’argent, les paquets, voler, livrer, voler : the gringo who always delivers. Le rythme, là encore, et le résultat : un concours de bouches bées, d’yeux exorbités et de rires ahuris… jusqu’au générique, une petite ligne avant la dernière liasse d’obligations légales : « Yes, we know it’s not El Salvador. »