CBII : vivement la date d’expiration

Un concours blanc placé sous le signe de l’exaltation l’exhalaison.

L’effrayant, c’est qu’on peut mettre un indéfini devant « concours blanc ».

Le rassurant de la chose, c’est qu’on peut aussi mettre « second » et non « deuxième ».

 

    Mimi nous avait prévenus : ce sera un sujet bateau, il faudra « résister à l’ennui pendant six heures. » L’Europe dans la guerre froide, vous parlez d’une galère. Si déjà on avait pu rendre un sujet bateau… mais non, tout juste une épave bonne à vous couler.
    Et c’est à croire que les professeurs se sont passé le mot. La tortue nous a gratifiés d’une magnifique question existentielle qui, à défaut d’être transcendante, a dû être traitée rudement de manière transcendantale : la politique définit-elle la condition de l’homme ? Ce qui ne m’a inspiré que la problématique de ce présent article : la dissertation ennuyeuse définit-elle la condition du khâgneux ? Et comme chacun sait qu’on peut juger d’un devoir à sa seule introduction problématique, je sauterai jusqu’à la conclusion, qui, comme chacun en a fait l’expérience, est une redite bâclée qui ouvre généralement sur la perplexité du correcteur.

 

6 trucs très 9

   Taguée par Inci, puis rappelée à l’ordre par Bulle, je vous inflige, très chers lecteurs une nouvelle chaîne somme toute peu originale puisque peu contraignante – pas demain la veille qu’une chaîne oulipienne nous fera déplacer les montagnes.

Playlist … fixent pout l’éternité ta sen-su-a-li-té me trotte dans la tête. Je ne sais pas par quels détours cette chanson a fait pop goes my heart dans ma tête, mais elle y a pris ses quartiers. On attend l’expulsion avec impatience. Sangsue alitée.

Mood. Plein d’idées d’article, mais une volonté qui laisse à désirer. L’ordinateur qui soupire comme un bœuf ne m’en insuffle pas plus.

Statistiques. Depuis le dernier concours blanc (inclus), 500 copies doubles ont été enterrées sous des caillots d’encre. Paix à leur âme. Mais pas à la mienne, visiblement, vu que je suis censée les avoir toutes dans le crâne.

A propos. Jamais trois sans quatre. Réadaptation du proverbe dans le cadre d’une dégustation de gâteaux hybrides macaron-cookies.

Remplissage. Voilà.

Not to be missed. Prochain spectacle d’Eleganza à Saint-Tropez jeudi prochain ! La dernière répétition a eu lieu hier. 5 heures pour s’achever les mises au point. Knock on wood.

On râle toujours pour la forme, mais être tagué est toujours plaisant, cela montre qu’on a pensé à vous. Qu’on essaye de vous tirer le vers du nez et un post de plus. Alors rajoutons quelques maillons à la chaîne :

>> Bulle, 6 danseuses à la place de qui tu rêverais de te réincarner, ou 6 extraits de ballets que tu rêves d’interpréter. Si, si, c’est possible, t’es taguée depuis le tag que j’ai reçu d’Inci. ^^

>> Melendili, 6 questions existentielles du moment (c’est-à-dire de toujours), ou 6 concepts perso à développer (avec copyright gratuit pour ma pomme)

>> zED, 6 photos khâgneusement vacancières, ou 6 métaphores filées enfilées.

>> Miss Me, 6 articles avant les prochaines vacances. Non, mais, c’est quoi ce travail ?

>> Dre, 6 écrits pasteurisés à la mode sauce australienne allégée. Le régime étant tout officiel, tu as le droit de relever de métaphores, ce sera plus goûtu.

>> Au glougloutant flan bavarois, 6 bonnes raisons de s’être fait la malle sans laisser de lien.

 

 

Ouverture non exceptionnelle

Nous avons rouvert les failles spatio-temporelles* du samedi matin, celles dans lesquelles s’engouffre et disparaît tout notre quota d’énergie du week-end, pourtant fort riche de promesses en tous genres. Deux semaines où l’enseigne était fermée le samedi : le profit risquait de prendre un coup, et le bric et le broc de notre magasin mental, la poussière. Réouverture, donc, et pour recevoir une commande spéciale, en fonction des options des commanditaires. Sans surprise, ce fut donc pour les « philosophes » (contrairement à lettres modernes ou hellénistes, toujours des guillemets à « philosophes », même à l’oral) le même livreur, l’éternel Aristote. Notre professeur l’appelle « notre vieil ami », « bien oui, on le connaît depuis un moment, on peut l’appeler notre ami ». On voit l’état de notre vie sociale, souligne sans y toucher une khâgneuse. Bref, fournée spéciale de Totor (c’est encore mieux en anglais Aristotle). Inquiétude de voir ce qu’il nous a concocté. Plat du jour : le temps, dont nos prenons conscience à partir du mouvement. Celui de nos stylos est si monotone dans son grattage effréné qu’on ne prend pas conscience du temps qui passe ; la faille spatio-temporelle s’ouvre, aussi longue et essentielle qu’une parenthèse chez Proust. Nous reléguons le temps dans le mécanisme de nos montres, pourtant fers du condamné à nos poignets, hypnotisés que nous sommes par le blues de notre écriture. Abîmés devant une mer de lettres, le temps paraît doux. Les mots prennent leur source à la ligne rose de l’horizon, en marge du monde, puis la houle italique déferle avec la régularité du ressac pour aller se briser aux limites de l’univers – la table en matérialise un autre, celui des dos voûtés, des estomacs qui gargouillent et du cinéma muet des regards éloquents. 12h20 : fermeture de la faille spatio-temporelle – on plie boutique.

* le concept de faille spatio-temporelle est une propriété de Melendili – ses cours et polys y tombent régulièrement.

 

Le poids du luxe

Etre classe… pour les marques de luxe, il semblerait qu’il s’agit de ne pas l’avoir, mais d’avoir leurs produits à eux. Vous n’êtes plus classe grâce à ce tailleur Chanel que vous portiez divinement, mais grâce à ce sac Dior où les CDs sont plus nombreux que les disques sur les étagères d’un mélomane. D’une marque qui était un certain repère, on a fait un poinçon qui estampille une classe… sociale, bien plus que le charme de l’élégance. Du coup les marques s’affichent par leur sigle plus que par la coupe ou le dessin, et leurs clientes prennent des poses sans avoir l’attitude requise. Sentiment d’imposture ? Les dos s’arrondissent. Les épaules se voûtent. La clef de l’énigme ? Peut-être se trouve-t-elle dans la publicité desdites marques. Puisque le style ne se vend pas avec la marque et que cette dernière signale à des effluves à la ronde que cela pue le nouveau riche, la nouvelle tendance semble être de minorer ce luxe. Au lieu d’être en osmose avec les richesses et d’y trouver un écrin, on est bien décidé à montrer du dédain pour cette richesse qu’on a tant convoitée.

 

chanel

Coco mademoiselle la joue mutine pudique. La classe du chapeau melon sans la vulgarité des bottes de cuir. Coquine sans être aguicheuse. Savant mélange, mais pas si bien assumé –ou trop joué. Et que je t’arrondis les épaules.

 

Lorsque le pathético-lyrique prend le devant de la scène au théâtre, c’est encore pire. Elle a beau décrocher une étoile, la Juliette de Guerlain languit à la façon d’une jeune fille pulmonaire. Le romantisme éthéré se veut langoureux, il est surtout avachi, et la traîne n’a jamais aussi bien porté son nom. Juché sur son escalier de secours Art nouveau, l’oiseau de la nuit traduit par la courbe de son dos le point de votre interrogation. Où est passé le port de reine ? Les courbes sont belles lorsqu’elles sont naturelles, pas négligées. Un dos voûté ne remplacera jamais une belle chute de reins.

 

 

Quant à Miss Dior (décidemment, si la jeunesse coûte cher, elle ne vaut rien), on est au ras des pâquerettes –rendues invisibles par un gazon tondu si ras qu’on pourrait jouer au golf dessus. Miss Dior vit dans une maison blanche en miniature, un jardin taillé au cordeau, elle est belle, a une robe ravissante, un coup de pied de malade, a ôté ses chaussures comme pour gambader follement sur la pelouse (certainement pour fêter les découvertes de sa virée shopping – ce qui expliquerait aussi le mal aux pieds), et non – elle est tassée comme la petite vieille qu’elle deviendra et arbore déjà une gueule d’enterrement. Toute la misère du monde pèse sur ses épaules. Pas facile d’être riche – ni de porter une robe vaporeuse sans avoir l’air habillée d’un rideau (seule un mannequin de Givenchy peut alors être hot couture). Soit chérie et tais-toi redresse-toi.

 

Fée d’hiver : un danseur écrasé par un molosse

 
Fée séchée - Brian Froud
 
Illustration : Les fées séchées, de Brian Froud * 
 

    Exceptionnellement, j’arrive en avance à la gare. Exceptionnellement, parce que plus vous êtes proches, plus vous courrez, ayant toujours l’impression que vous y serez en un saut de puce. En avance, donc, je vais faire un petit tour au Relais de la gare pour échapper aux effluves chimiques et alléchants des boulangeries pour voir les nouvelles parutions des journaux de danse. Cette espèce précise de magazines est particulièrement difficile à localiser, souvent à côté de la musique, mais pas toujours, toujours caché derrière d’autres revues, en revanche, de sorte qu’en deux millimètres de couverture, vous devez  deviner le D de Danser ou Danse ( noms d’une folle originalité, j’en conviens), à ne pas confondre avec le B de Ballet 2000 (qui me fait irrésistiblement penser à une vieille enseigne de produits surgelés Gel 2000 –vive Picard au passage- et qui paraît encore plus ridicule depuis que nous avons dépassé l’an 2000, un peu comme un film de science-fiction qui aurait mal vieilli).
    Je fouille donc du regard les étagères du relais à la recherche d’une trace de danse, puisque tel est mon dada (et mon sujet, ne l’oublions pas après une digression fort peu à propos – comme toute digression, me direz-vous, et vous aurez raison). Je recule de quelque pas pour avoir une vue d’ensemble de la mosaïque de titres. Encore un pas, puis je m’arrête, sentant une présence derrière moi. Une espèce de molosse trône immobile derrière mes mollets. S’il était en faïence, il ferait un presse-papier admirablement  proportionné au tas de journaux sur lesquels il siège. Mais il est bien en chair et en os (surtout en os dentaires, si vous voyez ce que je veux dire), et écartelé sous sa patte, le danseur en grande sissonne de la couverture de Ballet 2000 ressemble à un insecte écrasé. J’ai trouvé ce que je cherchais, mais comment dire… il est l’heure d’attraper mon train qui entre voie G comme Gérard (il faudrait d’ailleurs que la SNCF pense à une petite mise à jour – quoique déjà, on n’a pas voie C comme Françoise).

 * c’est à ça que m’a fait penser le danseur écrabouillé