Quelques jours de mai 2022

1er mai

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2 mai

La pièce classique que nous devions faire n’a pu avoir lieu pour des raisons (de manque) d’organisation et de budget ; nous avons été de facto mis avec les contemporains. Quand la chorégraphe nous a remontré la vidéo déjà visionnée une première fois avec ennui, j’étais en plein down hormonal,  j’avais le dos qui menaçait de se bloquer suite au travail au sol de la veille, et passer une vingtaine d’heures à apprendre et travailler ces mouvements, semble-t-il faits de comptes plus que d’énergie, m’a semblé au-delà de mes forces. Sur cinq danseuses classiques, nous sommes trois à être allées demander à ne pas participer au projet ; la direction a compris notre déception de ne pas travailler notre discipline, s’est excusée pour le cafouillage, mais a aussitôt retourné la situation en nous culpabilisant. Quelle conception de la danse classique pouvions-nous bien avoir… On n’allait pas l’enseigner comme il y a cinquante ans, tout de même… Préférer ne rien faire plutôt que de monter sur scène, elle s’interroge… Cela m’a fait douter, énormément douter, de ma décision de ne pas participer au spectacle, bien sûr, mais surtout de ma présence dans la formation, de ce que je foutais, là.

Alors que mes deux camarades ont été soulagées d’obtenir gain de cause, j’ai passé plusieurs jours dans un état lamentable, me remettant à tout instant à pleurer sans comprendre pourquoi, avec l’impression d’avoir fait une erreur  monumentale, d’avoir manqué de respect à un tas de personne, de m’être mis à dos la direction… Je crois avoir atteint à ce moment le point de dissonance ultime entre mes réflexes de bonne élève docile et ma réserve d’adulte critique. Devant mon état, Mum, qui passait le week-end chez moi, est restée quelques jours de plus en télétravail ; j’ai dû redevenir une enfant pour me souvenir être adulte.

J’ai aussi pris conscience de l’urgence de changer de pilule ; les phases dépressives ne sont pas possibles, même quelques jours par mois – il suffit qu’il y ait une décision à (ne pas) prendre ces jours-ci pour que ça vrille.

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3, 5, 6, 9, 10 mai

Le calme, à trois dans le studio. N. lance une musique et chacune invente pour soi son exercice à la volée. On dégouline comme rarement. Ensuite, on chorégraphie, et ça prend forme, petit à petit. On remet même les pointes, ce qu’on n’avait pas fait depuis septembre.

Chacune propose une partie, l’apprend aux autres ; on effectue quelques modifications pour simplifier et harmoniser l’ensemble, mais personne ne remet en question les trouvailles des autres ; travail de groupe efficace et agréable comme rarement.

Je rase les murs dans les couloirs et j’ai l’impression d’être une outlaw réac à la pause déj, mais je me sens bien dans le studio, dans mon corps qui retrouve au quotidien une gestuelle qui le maintient et l’épanouit, malgré la chaleur.

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7, 8 mai

Même si elles ont lieu tous les quinze jours, maximum trois semaines, les retrouvailles sont toujours intenses – et les départs difficiles. Pourtant, je ne serais pas certaine de vouloir troquer cette attention brûlante contre une présence forcément plus distraite d’être continue.

Le boyfriend me montre l’épisode Be Right Back de Black Mirror, et je me retrouve cramponnée à lui comme si j’allais le perdre ; je suis trop petite pour regarder Black Mirror toute seule. Le recours à un droïde, programmé pour être conforme à l’être aimé et perdu, matérialise la perte avec plus de violence que toute représentation du vide. On assiste à une prolongation inhumaine du deuil, rendu impossible par cette résurrection de synthèse.

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10 mai

J’essaye de me faire toute petite dans la rangée des places réservées par la formation, pour le spectacle litigieux. La pièce est moins éprouvante en live qu’en vidéo, même plaisante quand il s’agit de voir comment mes camarades se la sont appropriée. Je me demande encore si mon refus n’était pas exagéré, mais je n’éprouve aucun regret à ne pas être en scène, et cette tiédeur, au lieu de m’inquiéter, me rassure : je constate avoir bel et bien fini le deuil de mon rêve d’interprète ; je ne serai pas un professeur jaloux de ses élèves.

S’ensuit une pièce proposée par les élèves de l’école (dont certaines sont à la fac avec nous), et je retrouve la danse contemporaine que j’aime, avec des danseurs pris dans l’ivresse du mouvement. J’ai même un petit moment d’émotion lorsque les danseurs se sautent dessus et s’accrochent à leur partenaire, comme mus par un désir impérieux (je me rends alors compte qu’il n’y a à peu près aucun contact physique entre les danseurs dans la première pièce).

Parce que le cafouillage d’organisation n’a pas été assumé, on en est arrivé – ce qui n’aurait jamais dû arriver – à se poser la question de la participation au spectacle sous l’angle du goût.

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11 mai

Premier cours de « progression technique » de l’année, aka le cours où on apprend à donner cours, à construire les traditionnels exercices de la barre et du milieu en fonction d’un objectif à définir, et à « passer commande » de la musique au pianiste, aka le moment où l’on découvre que l’exercice soigneusement préparé et répété à la maison ne tombe pas du tout juste. C’est assez fou que cela n’arrive qu’en fin de première année, et c’est un soulagement : le voilà enfin, cet espace pour développer le savoir-faire du métier auquel on se forme, au-delà de la seule acquisition d’un savoir, sans avoir à craindre encore le faire (n’importe quoi) dans le grand bain.

Soulagement aussi d’avoir comme nouvelle directrice cette formatrice qui s’adresse à nous comme à de futurs collègues, même si nous avons encore  tout à apprendre, et non comme à des élèves qui voudraient jouer au prof. La direction précédente, plus paternaliste, déplorait que nous ne montrions pas la responsabilité qu’elle nous incitait à prendre… tout en la découragent par des manières infantilisantes. La position d’étudiant futur professeur n’est décidément pas facile à déterminer dans un monde où le danseur reste élève toute sa vie.

Premier printemps dans mon nouveau chez-moi : je découvre les espèces et le calendrier de floraison du jardin sur lequel je donne.

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14 mai

Faire visiter la ville à quelqu’un et la découvrir à cette occasion. Déjeuner à l’ombre des immeubles ; promenade à l’ombre des arbres. Le Vieux-Lille est minéral, toute la verdure concentrée en lisière, dans le parc de la citadelle. C. et moi en faisons le tour sans la voir, que ses murs et la forêt, une étoile en pleine ville.

Première glace lilloise à l’italienne, en heure creuse, plusieurs tours de cadran avant le goûter, et c’est un glacier validé par sa pistache.

On rentre on sort des boutiques, j’ai perdu cette habitude, n’ai envie d’aucune babiole, que j’anticipe poussiéreuse. C’est bobo, je répète ça à tout va. C’est ci ou ça par rapport à Paris, aussi. Les référents ont la vie dure. Le Vieux-Lille est le Marais, on a trouvé la bonne comparaison pour la densité de population.

Croquettes de crevettes samedi, Welsh dimanche.
Parc de la citadelle samedi, parc Barbieux dimanche.
Ceux qui sont du coin auront résumé : Lille samedi, Roubaix dimanche.

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15 mai

À force de s’interroger pendant ses randonnées, C. commence à avoir quelques notions de botanique. Elle reconnaît plusieurs espèces lors de notre promenade au parc Barbieux, et nous cherchons ensemble le nom d’autres auxquelles je n’avais pas spécialement prêté attention et qui soudain nous intriguent. Une pancarte suspendue en collier au tronc d’un arbre devance nos questionnements et nous introduit à ce hêtre commun à marges roses, tandis que Google Lens confirme myosotis et pensées, précisant leur teneur. C’est étonnant comme nommer élargit le réel. Le redonne à voir : voilà que ce hêtre pourpre pleureur n’est plus rachitique, mais nativement dépressif, probable admirateur des saules locaux, dont il ne saurait toutefois égaler la splendeur.

Le parc Barbieux plaît à mon amie, et cela me réjouit plus que de raison, c’est-à-dire vraiment. D’avoir pu partager mon parc.

Après avoir déposé-abandonné C. au musée de la Piscine, j’assiste au spectacle de fin d’année de l’école des ballets du Nord. Je suis venue un peu pour faire acte de présence, un peu par curiosité, plus ou moins prête ou résignée à devoir le regarder comme future prof de danse, et non comme spectatrice. Dès le premier tableau, pourtant, je suis soufflée par la présence d’une élève avec qui j’ai été en cours, et que j’estimais très solide, sans lui imaginer une telle envergure artistique. Me voilà remise à ma place de spectatrice.

Probablement ai-je encore des réflexes de jugement à désactiver pour devenir une bonne prof. Probablement aussi mes a priori sont-ils moins ancrés que je l’aurais cru : à plusieurs reprises, le regard de la future prof se confond avec celui de la spectatrice – avec les grandes, techniquement avancées, mais pas seulement. Je me surprends par exemple à apprécier ce tableau où le bruit des machines à tisser transforme les gestes raides des petits en gestes mécaniques relevant d’une véritable proposition artistique. Si la chorégraphie du professeur est assez inventive pour gommer les maladresses des élèves, ceux-ci, montrés à leur avantage, proposent un spectacle qui ne s’adresse pas uniquement au public tout acquis des parents. À la limite, il n’y a pas de mauvais enfants-danseurs, il n’y a que de mauvais professeurs-chorégraphes (no pressure).

Bonne nouvelle, donc : la schizophrénie entre mon moi perplexe-méprisant et mon moi enthousiaste-encourageant n’est pas incurable. J’entrevois néanmoins pourquoi nombre de professeurs de danse sont des spectateurs de ballet très occasionnels : il est difficile d’ajuster ses attentes si l’on alterne rapidement de l’un à l’autre. Le revers du ballet gracieux, c’est un apprentissage fort ingrat, et on ne saurait tenir indéfiniment ce grand écart.

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17 mai

Suivre un cours sur la communication non verbale face à un miroir, c’est tout un concept. Je nous aperçois toutes bras croisés, renfrognées sur nos sièges, N. les sourcils froncés de défiance – bullshit incoming. Mais j’ai beau soigner ma posture et essayer de me composer une mine attentive, je surprends régulièrement mon reflet qui rechigne. Le corps ne ment pas : je m’ennuie.

L’intervenante rappelle des généralités sur l’espace en danse : l’espace de son propre corps, et celui du studio ; le haut : le ciel, aérien, léger ; le bas : le poids, la terre, la mort… La mort ressort de ce flot de banalités que je m’apprêtais à balayer d’un revers de la main, me retient : et si ma difficulté à travailler au sol en contemporain avait symboliquement à voir avec ça ? Les os qui bleuissent la peau quand ils sont écrasés de manière répétés contre le sol, les muscles qui refusent de se relâcher s’il faut encore bouger… toujours cette histoire de lâcher-prise, d’abandon, devant laquelle le professeur de contemporain ne cesse de me replacer. Lorsqu’il imite ma manière de faire, en grossissant le trait pour appuyer son propos, on croirait à une crise d’épilepsie, contraction nerveuse sur contraction nerveuse.

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18 mai

Il fait tellement chaud dans les studios que je suis habillée pour la danse classique comme pour un cours de pole dance.

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20 mai

Devant nos camarades, les élèves de l’école, leur directrice et la nôtre, nous dansons la chorégraphie classique pour laquelle nous nous sommes battues (preuve s’il en fallait une que les larmes, fussent-elles versées à notre corps défendant, sont une arme).

Le rideau n’a pas été tiré devant le miroir : on se retrouve avec soi-même comme public, le regard par-dessus les élèves assis par terre. Peut-être parce qu’elle est assise sur une chaise, ou plus sûrement parce que son visage paisiblement rayonnant est encourageant, je m’accroche un peu trop au sourire de la directrice – comme une élève soucieuse d’avoir bien fait qui oublie la classe lors de son exposé.

Je ne me suis pas écoutée sur le temps de préparation que je savais qu’il me fallait, j’ai conséquemment paniqué et abordé notre morceau de bravoure cardiaque avec le souffle déjà trop haut placé de qui ne sait plus expirer. Tandis que le pilotage automatique prend le dessus, j’habite mon corps haletant plutôt que l’espace, percevant par fragments : rien, le miroir, un sourire d’élève, le regard du prof de contemporain, N. dansant avec moi – des bribes comme enregistrées par la lumière d’un phare, intermittente depuis un point fixe, depuis ma tour de contrôle qui ne contrôle plus rien. Je me trompe dans le manège, rate mes fouettés à l’italienne, soit la difficulté technique que je peux habituellement me targuer de passer. J’en oublie tout le reste, la chorégraphie qui roule, rodée, synchronisée ; les brefs moments que je savoure, même, quand je me ressaisis et que je marque les accents, les épaulements – quand je danse.

J’avais oublié ce que c’est de se regarder quand on danse, de se soutenir mutuellement du regard face à l’œil du public ; le regard qui, au quotidien, nécessite d’être soutenu est ici soutien, on y plonge avec une confiance habituellement réservée aux amoureux (l’intrusion toujours repoussée du public crée l’intimité). Cette réflexion me dépasse par la tête quand je plonge dans le regard de M., une tête de moins que moi mais prête à (me) guider dans une valse mal maitrisée. Une valse à trois temps, comme c’est troublant (ce décalage avec le couple d’à côté), comme c’est charmant (espérons).

En racontant cet épisode, il me semble me souvenir d’un plaisir que je n’ai pourtant pas perçu dans l’instant d’après : le temps de raccrocher les costumes et de récupérer mes affaires éparpillées, notre public était en cours, les couloirs vides, nos badges pour l’accès aux studios rendus, et les dernières de notre promotion en route vers le métro, que je suis la seule à ne pas emprunter. Contrecoup de solitude et d’indécision, je m’empêtre dans mes maladresses, incapable sur le moment de décider de la joie et du soulagement auquel m’enjoignent mes camarades. Deux jours plus tard, je le vois : we did it. Je peux retenir le regard de la directrice de l’école ou bien celui de la directrice de la formation, une vision anguleuse à la serpe ou une vision ronde de joie ; il ne tient qu’à moi d’emprunter l’un ou l’autre, c’est comme un chemin, je peux choisir le regard que je porte sur ce moment, sur tout moment en réalité.

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21 mai

Promenade sur le chemin de la médiathèque

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22 mai

Après floraison et fanaison, la clématite des montages s’est mise à faire de grosses boules blanches duveteuses…

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24 mai

Avez-vous participé à une activité artistique de médiation culturelle ? Si oui, quel bilan en tirez-vous ? 

Que rassembler 80 enfants dans une même salle n’est pas une bonne idée.
Que l’on est en permanence sur le qui-vive.
Que les dynamiques de groupe peuvent être redoutables.
Que cela n’a pas grand-chose à voir avec la danse. Que peut-être ce n’est pas grave, que c’est même mieux comme ça. Mais que ce n’est pas pour moi.

Voilà ce que je n’ai pas répondu au questionnaire de satisfaction lancé par la formation, où pourtant je n’ai pas mâché mes mots (je les ai remâchés, pour être le plus honnête et le plus poli possible). Je n’avais jamais autant mesuré la difficulté de faire des remarques sans donner l’impression de râler.

…25 mai

Officiellement en vacances. Quand je suis rentrée la veille, le salon était baigné d’un soleil tamisé par les voilages ; il m’a semblé beaucoup plus spacieux, aéré. Désencombré : des choses, mais surtout de ce que j’y trimballais dans ma tête.

Je suis soulagée de ne plus avoir à me sentir nulle. Je saisis ce qu’il a de violent et d’absurde à formuler les choses ainsi, mais c’est en ces mots que cela me frappe. Suspens de toute comparaison, analyse, évaluation : soulagement. Tant pis pour ce que cela implique de relation à soi à régler dans le futur ; on verra ça plus tard.

Journée de rangement, préparation, ménage, dans une perspective d’avenir rouvert, désencombré lui aussi : pour la première fois depuis longtemps, je fais les choses à faire sans les ressentir comme des corvées (toujours à rattraper d’être repoussées), préparant au contraire le terrain pour profiter du temps à venir. Je suis presque contrariée, le lendemain, de quitter mon chez moi pouponné pour rallier Paris. J’avais envie d’aller de l’avant dans ma solitude, de reprendre le blog, l’écriture, mes petits projets. Je le dit au boyfriend lors de notre visio quotidienne : mon but, cet été, c’est de reprendre et de finir l’écriture de mon bouquin sur la danse. Il s’étonne que je cours de but en but, et que sitôt l’un atteint, je m’en fixe un autre. Je ne pourrais pas, une fois de temps en temps, me laisser aller ? Profiter de ces trois mois sans rien m’imposer, sachant que le laisser-aller est borné, qu’en septembre la rentrée m’obligera à reprendre les rênes ? Tout à mon sentiment d’inaccomplissement, je n’avais pas vu les choses ainsi. Il m’a rappelé tous les changements opérés en un an.

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26 mai

Rapide photo des roses du jardin avant de les quitter jusqu’à l’année prochaine

La soirée n’est pas de trop pour se retrouver – soi, à deux. J’ai beau savoir, j’oublie à chaque fois la déferlante des bras, de la chaleur, de la tendresse, comme il importe moins de réussir (et quoi ?) quand on est déjà aimé.

…27 mai

Ayant du mal ces temps-ci à éprouver une joie toujours aléatoire, je me rabats sur la satisfaction, plus sûre, et me découvre de surprenantes envies de ménage (qui passent rapidement, après un premier shoot de satisfaction facile).…

28 mai

Journée à ne rien savoir quoi faire, rachetée in extremis par un épisode de Black Mirror (Nosedive).

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29 mai

Lors d’un déjeuner, mon attention est digne d’une focale 50 mm : soit je fais la mise au point sur mon interlocutrice, et chaque fourchetée a le même goût, soit elle se fait sur ma salade, nimbant la conversation de flou. // Très bonne salade composée de bobo, quinoa, saumon, avocat, pamplemousse, avec pour twist la sauce aigre-douce qui, dans mon enfance, allait forcément avec du riz et du poulet. // Conversation traînant un peu de tristesse, puis s’illuminant peu à peu à mesure qu’on quitte les sujets sociaux et le travail pour revenir à la sphère intime et artistique, que je n’aurais jamais songé à quitter.

Gaufrettes légères au chocolat, Dinosaurus, cookies Granola, palets bretons : moisson d’enfance et d’huile de palme. J’ouvre presque tous les paquets pour le goûter. Cela fait plusieurs jours que j’ai des fringales de sucre et de réconfort, discrètement beurré (fantasme de Millie’s cookies crousti-fondants, mais les boutiques ont fermé). Je crois pouvoir les satisfaire avec des cochonneries industrielles comme les appelait mon grand-père. Après plusieurs gâteaux, je n’en suis plus sûre, cela continue ; j’ai envie de manger quelque chose d’autre de précis sans savoir exactement quoi, ni si cela me nourrira ou me remplira.

Journée de frustration sans objet. Cela fait plusieurs jours que j’ai du mal à éprouver de la joie ou des envies véritables – je n’ai pas l’énergie adéquate pour les seules que je pourrais avoir. Je ne me repose pas vraiment, je ne me distrais pas vraiment non plus. Je m’ennuie, je crois ; je n’avais jamais perçu la vague parenté de cet état avec la déprime. C’est probablement l’équivalent temporel dans tensions que l’on ressent au moment de s’allonger dans son lit, le soir, alors même qu’on se met en position de les faire disparaître. Il faut le temps que l’année écoulée se dépose dans le champ de la vacance.

Zappant, on se retrouve à regarder Polisse à la télé : je laisse passer toutes les horreurs et me mets à sangloter sur un pan de mur rempli d’unités centrales avec leurs étiquettes de saisie. Après le film, le boyfriend me presse contre lui pour faire sortir ce qui reste ; il vient me chercher du retrait où je constatais me rétracter, et peau à peau, me ramène à moi et à lui. Je ne distingue plus la gratitude de l’amour.

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30 mai

Seule pour la journée, avec la perspective d’une soirée à deux : c’est vraiment la formule que je préfère, parfaite pour me retrouver puis m’oublier, et pouvoir partager sans m’agripper. Je ne sais pas (encore) vivre à deux le quotidien ; le silence me manque trop.

Grande promenade à pieds dans Paris, articulée autour d’un arrêt ciné pour voir Downton Abbey II : aucune attente, doux plaisir. J’ai versé ma petite larme et avalé (enfin) un cookie aux noisettes et chocolat blanc.

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31 mai

Je finis d’écrire et de mettre en forme ce journal rétrospectif (les entrées sont datées du jour concerné, mais écrites en fin de mois). J’avais oublié le plaisir de choisir et publier des photographies ; de les voir en plus grand que sur l’iPhone avec lequel elles ont été prises, aussi.

Question bonus à ceux qui auraient lu – ou scrollé – jusqu’ici : est-ce que le format de journal mensuel est agréable à lire, ou ce serait mieux scindé par jour ou par semaine ?

(Home) cinéma, fin 2021

Julie (en 12 chapitres)

(Spoiler alert) Le taux d’humidité de mon masque l’a probablement rendu inefficace à la sortie du cinéma. La larme à l’œil, je connais, je suis très bon public pour les mélos ; la catharsis fonctionne à plein régime. Mais lors de la scène de rupture, ce n’est pas une larme à l’œil, ce sont des sanglots qui me prennent par surprise : à cet instant, je ne me projette plus dans un élan d’empathie fictionnelle, je me souviens. Ça m’a secouée, ça et le reste, toujours étonnamment juste, avec des résonances troublantes dans le caractère et le type de relation noué avec l’ex (cette entente intellectuelle qui restera probablement inégalée mais aussi une certaine sécheresse dans l’attention portée à l’autre). Ce film est probablement la raison pour laquelle je n’ai toujours pas résilié ma carte UGC, payée à perte ces derniers temps.

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The Talented Mr. Ripley

Pardon, mais les fossettes de Matt Damon

The Talented Mr. Ripley ou comment la fascination pour un être et son mode de vie aisé peut faire passer un jeune homme fauché du mensonge à l’usurpation d’identité, de Jude Law à Matt Damon (incroyable dans ce film), et de l’arnaque au thriller. Le malaise s’installe rapidement, durablement, et ne cesse de croître, même lorsqu’on pense qu’il a atteint son paroxysme. Je ne soupçonnais pas en lançant ce film sur Netflix qu’il serait aussi glaçant – ni aussi virtuose.

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Sex Education

Un soir que je menaçais de partir en vrille, le boyfriend en visio m’a intimé l’ordre d’arrêter de travailler et de regarder une série. J’ai objecté que je n’avais plus de série en cours, mais il n’a rien voulu savoir, et c’est comme ça, dans un pifomètre orchestré par l’algorithme de Netflix, que je me suis mise à regarder Sex Education. J’imaginais ça comme un teen movie délayé, dont je me lasserais vite. En réalité, la série, du moins dans la première saison, est extrêmement bien écrite, et tout un tas de sujets délicats y sont abordés.

Je me suis notamment prise d’amitié pour le personnage de la mère, thérapeute sexuelle à l’air pincé qui est aussi ouverte sur le sexe qu’elle est frileuse sur tout ce qui serait engagement amoureux, et celui de Maeve, la meuf badass qui, inspirant autant la peur que l’admiration et le mépris, entretient cette peur et embrasse la manière dont on l’a stigmatisée pour n’être ni ostracisée ni approchée, mais en souffre aussi car elle en a sous la pédale, tant émotionnellement qu’intellectuellement (comment ça, j’ai un kink pour les meufs brillantes en minijupe ?).

L’épisode quotidien avec un bol de soupe Brighton (pomme de terre, carottes et cheddar, chez Picard – le plaisir décadent de la fondue sous l’appellation raisonnable de soupe) et une petite crème au chocolat est vite devenu le point d’orgue réconfortant de mes journées, au point que je me suis heurtée début décembre à l’absence de saison 4. Même s’il faut bien admettre que la saison 3 est un cran en-dessous des deux premières, les personnages ont fait leur boulot, on s’y est attaché et on veut voir la suite, le scénario fût-il moins travaillé.

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Klaus

Klaus, ce sont des mines impayables et des décors magnifiquement éclairés pour revisiter de manière décalée la légende du père Noël. Tout y est, mais rien comme on l’attendait, l’esprit de Noël bien caché derrière les mesquineries individuelles et collectives.

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Don’t look up

Comment un film intrinsèquement démoralisant, qui se finit franchement mal, peut être une comédie si réussie ? Vous avez 2h25, une pléiade de bons acteurs et Adam McKay, le réalisateur du tout aussi trépident The Big Short, pour répondre à cette question. Puisqu’on va tous mourir, autant rire.

Leonarda DiCaprio et Jennifer Lawrence <3, le duo central
Meryl Streep en présidente irresponsable des USA… sachant qu’il y a aussi Cate  Blanchett en présentatrice télé sans scrupule et une apparition de Timothée Chalamet sur la fin, pour ne rien gâcher.

Skillshare #07 : stippling

 

Imaginez Seurat faire du tatouage, et vous obtenez le stippling : du pointillisme qui n’a rien d’impressionniste, et se veut au contraire extrêmement précis. Le cours Skillshare d’Alice Rosen s’ancre dans la tradition de l’illustration botanique et zoologique – des visuels en noir et blanc à l’origine conçus dans un esprit de rigueur scientifique pour illustrer des manuels où l’on fait l’économie de la couleur. Cela devrait être austère, et ça a pourtant un charme à soi – quelque chose de poétique, même. La thématique a beau ne pas m’attirer, la vibration de ces images m’a fascinée, et ça m’a titillée, j’ai voulu essayer à mon tour. Essayer quelque chose vers quoi je ne serais jamais spontanément allée sans traîner sur Skillshare. 

Le crabe qu’Alice Rosen dessine devant nos yeux ébahis.

Alice Rosen préconise de commencer par un sujet qui ait une texture lisse, pour ne pas ajouter la complexité du toucher à celle du volume. J’ai cherché autour de moi, et je me suis décidée pour ma théière arabisante (dans laquelle je fais tout sauf du thé à la menthe) ; elle accroche bien la lumière, et les reflets dessinent facilement des volumes. J’ai été bien inspirée de tracer une structure pas bien grande : certes, le dessin est d’autant plus impressionnant que les points (disp)paraissent petits, mais ménager mon impatience me semblait prioritaire, et il y a déjà fort à faire pour avancer point par point.

Premier exercice pour aborder les dégradés. J’ai essayé sur tablette, mais impossible de trouver une brosse qui permette un point assez régulier.
Deuxième exercice pour appréhender le volume.

Le stippling est presque un exercice de développement personnel pour intégrer et accepter que les grandes choses sont une juxtaposition de petites ; on ne peut avancer que pas par pas, point par point. Un accès d’impatience et le point se déforme en trait ; un excès de découragement et le dessin se suspend. Il faut garder le but en tête sans se focaliser dessus, et laisser la main continuer dans un mouvement mi-méditatif mi-mécanique. Peu à peu, les volumes apparaissent. Il faut passer et repasser pour augmenter le contraste, et noircir plus qu’on ne l’aurait imaginé pour faire surgir la lumière.

Mon premier dessin en pointillés

J’ai été agréablement surprise par le résultat, mais n’ai pas récidivé, par envie de découvrir d’autres techniques auxquelles je n’aurais pas songé à me frotter il y a peu, mais aussi par perplexité : comment conserver à cette technique son effet poétique, et ne pas en faire un truc qui se décline en réalisations certes impressionnantes par le temps qu’on y a passé, mais vides du regard qui pourrait les faire vibrer, de la délicatesse qui permettrait de les animer ?

La mise en scène Instagram
La mise en scène qui serait correcte au niveau des reflets représentés sur le dessin…

(À quand le cours Skillshare sur comment photographier ses dessins papiers et gérer la balance des blancs ?)

Skillshare #04 #05 #06

… cueillir des cerises. Enfin, dessiner des personnages. Ca ne rime pas, mais c’était le but de ces trois cours Skillshare : apprendre à dessiner des personnages. Parce que je ne sais pas dessiner des bonshommes et des nanas, juste des souris ; et je regarde avec un peu d’envie parfois toutes ces dessinatrices du dimanche ou de la semaine qui se mettent en scène avec deux bras, deux jambes, un nez et des cheveux fous.

 

Drawing simple yet expressive portraits, par Karla Alcazar

Ce premier cours n’en était pas vraiment un : un live, c’est plutôt un atelier, un moment partagé. Venez dessiner avec. Sauf que je ne l’ai pas immédiatement compris, parce qu’il était en replay, présenté comme les autres cours. On a donc les défaillances du moment (on n’est pas dans du pixel perfect), sans forcément la spontanéité (plus de question en direct).

Ce qui me déçoit surtout, c’est que la jeune dessinatrice fait davantage une démonstration qu’un cours.

(Ce qui ne me déçoit pas, en revanche, c’est son interviewer choupi comme un nounours.) (Bah quoi, on n’a pas le droit aux parenthèses photographiques ?)

Je me lance quand même dans l’exercice du portrait stylisé – éliminant d’emblée l’auto-portrait qui était donné comme consigne : passées mes lunettes, je n’ai plus aucune idée de quelles peuvent être les main features de mon visage. Tant pis, je prends une amie pour cobaye, et c’est le fantôme de Melendili qui essuie mes plâtres (d’où l’intérêt de l’autoportrait – personne auprès de qui s’excuser pour l’avoir malmené).

Le visage est trop neutre, trop rond, et à chaque trait que j’ajoute pour l’individualiser, je le vieillis. Aucune idée de comment styliser sans déformer ni neutraliser la personnalité. Il n’empêche : ma Melendili a forme humaine. Avant que de vouloir faire un portrait ressemblant (à quelqu’un), il serait déjà bien d’apprendre à dessiner quelque chose qui ressemble à un visage, quel qu’il soit.

La seule chose qui vraiment me plaît là-dedans vient de la consigne de colorisation : une palette restreinte de trois couleurs seulement et une brosse type peinture (aquarelle à la base, mais comme je ne suis pas à l’aise avec celle de Procreate, j’ai pris la gouache et diminué l’opacité). J’ai été surprise de la douceur des tons et des mélanges d’opacité.

J’ai ensuite re-tenté l’expérience avec des traits et aplats noirs qui m’étaient plus familiers…

… et cédé à la tentation de décalquer la forme du visage à partir d’une photo (ci-dessous JoPrincesse, pour varier les cobayes). Bref, toute à mon impatience, j’ai voulu brûler les étapes et me suis fourvoyée.

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Character illustration: a beginner’s guide to drawing fun & expressive faces, par Vijaya Aswani

Je comprends qu’aussi tentant soit le portrait, je veux apprendre à dessiner des personnages, pas des personnes. Je décide donc de pousser beaucoup plus loin le curseur de le stylisation en suivant le cours de Vijaya Aswani. Son man bun man hilare est dessiné pas à pas sous nos yeux, avec forces détails sur le positionnement des éléments dans le visage.

Les proportions, très floues dans le live précédent, se précisent : le visage devient une grille. Une grille unidimensionnelle, en revanche. Je m’aperçois durant l’exercice final que le cours, focalisé sur un visage de face, n’explique pas comment l’orienter de trois-quarts à des hauteurs différentes. Je tâtonne et j’y vais au pifomètre, en me rappelant que l’important est ici d’exagérer les expressions ; c’est cette exagération qui m’éloigne de la tentation du réalisme (raté) et me conduit de la personne au personnage.

Au final, j’ai adoré réalisé cette planche d’expressions à partir des photos de son visage très expressif (de fait, le cours, bouille et bonne humeur, est marqué par sa bonhommie).

 

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Drawing faces: a beginner’s guide, par Ira Marcks

La clé est dans les proportions ; à ce stade, cela ne fait plus de doute. Encore faut-il réussir à les retrouver et à ne pas les perdre dans le mouvement. Et pour cela, le cours d’Ira Marcks est parfait. J’avais un peu repoussé parce que ça semblait un peu costaud, et j’avais à la fois tort et raison : c’est un peu costaud, mais très pédagogique – exactement ce qu’il faut pour apprendre.

Autant certains cours Skillshare ressemblent à des visio de regardez comment je fais, autant là, on sent le dessinateur qui a condensé plus d’une décennie d’expérience en un cours bien pensé bien agencé (thought through) pour mettre son expertise à la portée de tous. Bien sûr, il n’y a rien de magique : son trait hyper fluide et assuré ne s’acquiert pas en quelques jours ; il faudra s’exercer et s’exercer. Mais il n’y a rien de magique : il y a des proportions à bâtir, à retrouver et respecter méthodiquement, tant qu’on ne les a pas intégrées, ingérées presque, et qu’elles ne font pas partie de nous et de nos dessins de manière organique.

On commence par les expressions des key features

… qu’on apprend ensuite à placer au sein d’un visage de face…

Je vous présente un gourou de méditation soudain inquiet, Heidi-Anne sans la maison aux pignons verts, et un semi-rebelle vener.

… sur des corps pré-dessinés (dans un livret PDF qui sert à la fois de support d’entraînement et d’aide-mémoire, parce que Super Pédagogue a pensé a tout)…

… pour ensuite dessiner des visages de profil, avec les « petites roues » du guide…

… pour enfin se jeter à l’eau et dresser la fiche d’un personnage.

Skillshare #03

Draw this in your style. Les illustrateurs proposent régulièrement des challenges de ce type sur Instagram, et je suis toujours assez fascinée par l’évidence avec laquelle certains y répondent et transposent, quand mon réflexe serait d’imiter (avec la déformation pour seul espoir de relecture). Quand c’est réussi, on reconnait d’emblée l’auteur du dessin, sans soupçonner qu’il l’a emprunté à quelqu’un d’autre, et j’observe fascinée les transpositions effectuées : un nez arrondi devient un triangle ou une patate, les motifs d’une écharpe sont troqués contre d’autres, les volumes au crayon de couleur s’ornent d’un épais trait noir traçant le contour d’aplats de couleur sans plus de nuance.

Parfois, j’ai l’impression que ce style si manifeste est une caricature de lui-même : au lieu d’être cette manière qui transparaît et survit aux techniques utilisées, il devient une combinaison de brosses et de couleurs – la brosse Watercolor Inc. de bidule chouette, avec une palette d’ocres qui rend si jolie la mosaïque du compte Insta, et une certaine forme pour chaque partie du visage (car les challenges sont souvent des portraits). Cela me rend perplexe… et un brin envieuse : si j’ai par commodité trouvé une manière récurrente de dessiner mes souris, je ne sais pas du tout m’attaquer aux figures humaines ou aux décors – je ne peux pas jouer.

Quand je dis que j’ai envie d’apprendre à dessiner, c’est de cela dont il est question : de style et d’illustration. Des cours de dessin anatomique et de perspectives ne seraient sans doute pas du luxe, mais le dessin réaliste dans lequel ces savoirs s’inscrivent et s’enseignent m’indiffère. Du coup, le cours de Stephanie Fizer Colemann sur Skillshare m’a fait de l’œil : il consiste à décliner une même illustration selon 6 techniques différentes, de manière à trouver ce avec quoi l’on se sent le plus à l’aise, afin de pouvoir, pourquoi pas, utiliser telle ou telle technique pour traiter tel ou tel élément d’un dessin.

 

Develop you digital art style: draw one illustration in six ways
Les 6 escargots du tutoriel

Avant de se construire une identité qui puisse tourner à la recette, soyons versatiles, soyons des commentateurs Marmiton qui font la même recette en remplaçant le pastel par de la gouache, et les noix par des pépites de chocolat, parce qu’après tout, il n’y a que le plaisir qui compte. A force de faire et d’adapter les gâteaux des autres, on finira peut-être par avoir un bon gâteau à soi.

Parce que l’intérêt est moins de copier que d’apprendre à transposer, j’évite de reprendre l’escargot du tuto ; mais comme j’ai zéro idée, je pioche dans mes photos : mon prétexte sera un cliché de New-York, qui me semble avoir à la fois assez de plans et pas trop de détails dans chacun. C’est parti pour gribouiller sur Procreate !

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Technique 1: trait épais et couleurs décalées 

Première transformation de la photo en illustration. J’ai l’impression de tricher au début, à « décalquer » sans dessiner, mais rapidement des problèmes indépendants du dessin se posent : quel niveau de détail conserver (l’arbre est particulièrement retors) ? Et surtout, comment agencer les couleurs de la palette limitée proposée par Stephanie Fizer Colemann ? Je multiplie les calques et les combinaisons. Le sol orange donne l’impression d’une journée ensoleillée, mais les plans ne semblent pas juste – même en passant l’arbre en orange lui aussi. Je finis par trouver un équilibre en inversant les valeurs, et en mettant la couleur la plus lumineuse sur ce qui constituait la partie la plus sombre de la photographie. C’est contre-intuitif, mais ça marche, je crois. Même si rétrospectivement, le résultat global est un peu plat.

Chaque dessin va comme ça produire des variantes. Je fais des choix tout au long de la construction de l’illustration, puis vient un moment où j’hésite et ne parviens plus à trancher – cela peut être pour une broutille, mais vient un moment où je ne vois plus rien, où je ne sens plus ce qui tombe juste et il me faut un œil extérieur pour infirmer ou confirmer mes soupçons. (Merci JoPrincesse !)

Pour mémoire, je noterai les brosses Procreate utilisées : ici, encre sèche.

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Technique 2 : simili-collage avec texture charbonneuse

Je duplique la première illustration pour travailler sur la deuxième et comme je suis un boulet, je ne désactive pas le bon calque et repart sur le premier agencement de couleurs qui fonctionnait moins bien. Heureusement, avec la couleur qui se fonce à chaque passage, ça ne passe pas si mal.

L’effet d’estompe à la base de la skyline est obtenu par hasard, juste parce que j’ai repassé pour avoir les découpes les plus nettes possibles. J’aime assez la douceur que cela confère à l’image (en n’ajoutant aucun détail, on obtiendrait presque une promenade près d’un lac plus sauvage – cf. la variation à droite), mais ce fog londonien ne colle pas trop à New York. Je me rattrape comme je peux, en ajoutant des détails en blanc, comme si on avait gratté la matière – cela fait dans l’arbre de petits éclairs qui m’amusent (mais altèrent la texture initiale).

Brosse Procreate : Copperhead (mode de fusion Multiply, dans le rendu)

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Technique 3 : pastel

La première illustration fonctionnait par aplats de couleur ; la deuxième, par couches successives de la même couleur qui se fonçait au fur et à mesure ; dans celle-ci, les différentes couleurs se mélangent au sein d’un même élément (les personnages, les buildings, le sol…) ; elles se superposent et se devinent par transparence. Je commence à comprendre l’intérêt de repasser pour des touches à peines perceptibles prises une à une mais qui, cumulées, donnent du relief à l’image. Les buildings de la skyline prennent du relief, et j’aime assez l’effet discrètement ensoleillé que l’orange produit sur les branches des arbres.

La combinatoire limitée des couleurs me pousse également à créer pour les personnages une ombre plus claire qu’eux – contre-inuitif, encore, mais ce halo de couleur les ancre davantage (tandis que la barrière et le sol gondolent à gauche de l’image – je ne sais pas comment j’ai fait mon compte).

L’ensemble ne me déplaît pas, bien qu’un peu triste.

Brosse Procreate : morceau de fusain

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Technique 4 : crayons de couleur

De loin mon illustration préférée de la série. J’ai intégré la leçon de superposition des couleurs, et j’ai pris le temps de (et beaucoup de plaisir à) passer et repasser avec tous mes crayons. Parfois je me demande si le plaisir qu’on prend à une image n’est pas proportionnel au temps qu’on y a mis – pour celui qui dessine comme pour celui qui découvre le résultat (je pense par exemple aux mandalas ou aux portraits réalistes, qui m’impressionnent toujours sans provoquer aucune émotion – le temps, la patience, la persévérance qui s’y trouvent !).

L’illustration a pris un tour qui m’a vraiment plu quand, en manipulant studieusement les modes de fusion des calques, j’en ai découvert un qui transformait mes ombres en rehauts lumineux et mes personnages en fantômes (l’ombre de l’arbre s’est retrouvée du mauvais côté, du coup, mais osef).

(Variation inutile au niveau de l’image globale mais qui me plaisait en zoom : des nez droits et traits esquissés pour mes personnages de BD.)

Brosse Procreate : crayon Procreate (mode de fusion Cd – Densité couleur)

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Technique 5 : motifs folkloriques

On sent que je n’y croyais pas ? La familiarité avec mon sujet a commencé à virer à l’overdose. Et les motifs naïfs me restent étrangers. Je vois bien qu’ils sont trop grossiers, qu’il faudrait recommencer avec une pointe plus fine, mais je me contente d’aller au bout de l’exercice  sans faire de zèle : déjà que j’ai du mal à ne pas bâcler…

J’ai beau me rappeler que c’est le principe de l’expérimentation – se lancer dans des choses vers lesquelles on ne serait pas spontanément allé – j’arrive ici aux limites de l’exercice… ou à la frontière extérieure de ce qui pourrait être mon style ? Ces motifs, ce n’est tellement pas moi.

(Couleurs sombres pour faire ressortir les motifs + suppression de la barrière qui, trop grossière, rend l’image encore moins lisible + vague tentative de dégradé au pied des buildings et dans les jambes des personnages pour les ancrer.)

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Technique 6 : aquarelle et encre

Comme je n’arrivais pas trop à me débrouiller de la brosse aquarelle, j’ai triché : j’ai pris la brosse gouache et j’ai diminué l’opacité. Pas vu pas pris. Le truc intéressant à explorer me semblait surtout être le contraste entre les couleurs translucides et la légèreté de la plume. Les personnages sont ratés, mais les branchages et les esquisses de la skyline ont de loin (de très loin, genre loin de l’autre côté de l’Atlantique) un petit côté Sempé-like qui me rend guillerette (puis les variations de pression rendent enfin la ferronnerie coton-tige de la barrière).

Brosse Procreate : gouache + encre Gesinki

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Pas mécontents que ça se termine, pas vrai ? Si vous avez scrollé jusqu’ici, je serais curieuse de savoir quelles sont les variations qui vous parlent davantage.