Bonne surprise de découvrir au dernier moment que j’avais bien une place pour la générale de La Bayadère (c’est la séance de travail qui était complète). Bonne surprise aussi de retrouver mon homonyme et le Petit rat, qui me met à jour niveau ragots. J’apprends donc en avance la nomination de Josua Hoffalt prévue pour le lendemain, et en retard qu’il est en couple avec Muriel Zusperreguy – ce qui a beaucoup chagriné Palpatine, mais je l’ai consolé en lui faisant valoir qu’avec un compagnon étoile, elle serait peut-être un peu plus distribuée. J’apprends également, mais de la feuille de programmation cette fois-ci, que Nikiya est dansée par Aurélie Dupont et Gamzatti par Dorothée Gilbert. La suite confirme la distribution de rêve : Emmanuel Thibault dans l’Idole dorée (il s’est réservé, donc je le suis aussi), Mathilde Froustey dans la variation à la cruche (un message de la direction ? Sérieusement, quand arrêtera-t-on de la cantonner à des rôles de chipie ?), et Héloïse Bourdon dans le troisième, entre autres.
Sans compter que La Bayadère est peut-être mon ballet classique préféré. J’y aime tout : la descente des ombres, les cambrés et le costume orange de Nikiya, bien sûr, mais aussi tout le kitsch, la peau peinte des esclaves qui dégueulasse la scène en moins de deux, le cliquetis des couteaux en plastique sauvagement brandis, les couleurs qui ne vont pas ensemble et qui ne jurent pas parce qu’on y a ajouté des tonnes de paillettes dorées, le tigre en peluche qui fait oui-oui de la tête tandis qu’on le trimballe les pieds liés à une broche, les perroquets qui ont le mal de mer attachés aux poignets du corps de ballet, l’énorme éléphant à roulettes chevauché par un Solor qui tente de rester majestueux, ou encore la tapisserie du décor enroulée autour des pendrillons comme chez un marchand de tapis. Une exception : la nouvelle tenue de l’idole dorée. Après Faust power-ranger et l’Amour de Psyché, l’opéra a trouvé une nouvelle façon d’écouler son stock de tissu doré. On dirait que l’idole est allée s’acheter un legging chez American Apparel, remarque le Petit rat.
Aurélie Dupont est fantastique, comme d’habitude. Il n’y a qu’elle pour danser avec le dos bloqué une variation qui repose sur des cambrés ; les bras achèvent le mouvement tout naturellement et font sentir la souffrance du personnage sans rien laisser soupçonner de la sienne. Il faudra attendre le troisième acte et la confirmation du Petit rat pour s’apercevoir qu’effectivement, les arabesques sont un peu plus basses que d’habitude, et le visage un peu plus fermé (agacement envers son partenaire fringant qui lâche l’affaire au milieu de son dernier manège ? Ou simple logique du rôle, une ombre n’étant pas franchement censée être rayonnante ?). Autre ombre au tableau : à côté de l’aisance de Charline Giezendanner, Héloïse Bourdon tendait à perdre de sa superbe face aux difficultés techniques dont elle se sortait pourtant bien. Je ne suis plus si certaine d’avoir envie d’aller me battre pour la voir en Nikiya ; à la réflexion, le rôle de Gamzatti, moins sensuel et plus hiératique, lui conviendrait sûrement mieux.
Il va en tous cas parfaitement à Dorothée Gilbert. La façon dont elle toise Nikiya et la tient à distance par la seule puissance de son torse bombé… Gamzatti est un rôle d’étoile, pas de sujet. Il faut l’assise que donne le statut pour tenir tête à l’étoile du ballet, pour que l’humilité de Nikiya soit perçue comme une feinte du personnage et non comme celle de la danseuse qui essaye de s’effacer derrière une partenaire qui n’a pas la carrure nécessaire pour l’éclipser. Et ce n’est pas affaire de taille, même si les Gamzatti sont souvent plus grandes que les Nikiya (pour faire face à Agnès Letestu, on était allé chercher Stéphanie Romberg…) : on ne demande pas à une étoile d’arrêter de briller… La piquante Dorothée Gilbert et la sensuelle Aurélie Dupont, voilà qui fait des étincelles. Égale puissance, égale légitimité, passion du pouvoir, passion d’un homme, l’affrontement est réel, on dirait qu’elles vont s’étriper. Le spectateur aussi se roulerait bien par terre de plaisir devant cette confrontation explosive. Là, on comprend parfaitement le poignard de Nikiya et la serpent vengeur de Gamzatti…
Et puis Josua Hoffalt augure bien. Avec sa grande silhouette longiligne, ses arabesques déliées comme celles d’un danseuse, ses attitudes renversées renversantes et la puissance de ses sauts précis, il a une belle gueule, certes, mais surtout, il a de la gueule. Laissons mijoter à feu doux.
Avec tout ça, je n’ai pas eu trop de mal à faire abstraction de la myriade d’obturateurs au parterre, dont j’ai d’abord pris le bruit pour celui d’une grande bâche qu’on froisserait en coulisses…
Inutile de vous battre et de vous fatiguer pour trouver une place afin d’assister à la matinée du 24.. ! Trop tard. La salle est over -bookee . D’autres amateurs, plus curieux quant au travail de nos jeunes espoirs, dont on dit déjà en coulisses qu’il est exceptionnel, se sont mobilisés avant vous. C’est bête, pour quelqu’un qui aime autant ce divin Ballet…..allez, un petit effort, vous trouverez bien encore un petit strapontin pour accueillir votre auguste séant que surmonte un cerveau inquiet pour la Bourdon ! Détendez- vous, elle est parait- il tout simplement…. sublime!
Mon cerveau intranquille pensait plutôt poser l’auguste séant qu’il surplombe sur un fauteuil du parterre, grâce à un éventuel Pass jeune… Allez, un petit effort, vous trouverez bien à vous aigrir encore un peu en allant chez Musicasola, par exemple, qui a le plaisir sévère. Et si vous êtes un brin anglophone, allez donc troller chez Palpatine, vous découvrirez à quel point vous pouvez être conforme à votre pseudo. Vraiment, je ne vous retiens pas.
Mon cerveau embrumé ne comprend pas le premier commentaire ? « Inutile de vous battre et de vous fatiguer pour trouver une place » vs « vous trouverez bien encore un petit strapontin » ?
Du coup, tu dois y retourner ou non ?
Sinon, je t’ai fait une petite listounette des musiciens du Concertgebouw que tu apprécierais : il y a du contrebassiste ébouriffé, de l’Adonis au violoncelle et du hautbois évanouissogène.
Et du Leonidas olympien.
(j’ai failli avoir un autographe)
Oh, ça, c’est de l’inventaire à la Prévert comme j’aime ! Cela ne figurait pas dans ta chroniquette (haute en points d’exclamations), dis-moi… Et pourquoi l’autographe t’a-t-il finalement échappé ? Tu as laissé tomber programme et stylo avec tes bras ? *s’assoit en tailleur pour écouter l’histoire*
Il était une fois..
bon, promis, j’écris la chroniquette demain. Oui. Demain.
(non, ils ne vécurent pas heureux et eurent plein d’enfatns à la fin. Mais ils eurent plein de beau Sibelius)