Histoire de la sexualité, de Michel Foucault – I La volonté de savoir

A / Ce que le livre n’est pas

Où je laisse entendre que ça va être long et laborieux et m’en excuse

 

[j’ai essayé de raccourcir, mais voyons que ça n’enlevait qu’une page word et ne changeait pas le problème fondamentale d’une longue lecture, j’ai abandonné… Je rappelle à toutes fins utiles qu’un des droits fondamentaux du lecteur est celui de ne pas lire]

 

Entre Engels et Gouhier, le titre de l’ouvrage de Foucault détonne dans le rayon de philosophie de chez Gibert. Attire un peu, aussi, forcément (d’autant que j’ai un radar à étiquettes jaunes là-bas). Mais je vous arrête tout de suite, il ne s’agit pas de l’histoire d’un quelconque Kâma-Sûtra occidental. Ce n’est pas le propos de ce livre. Ce qu’il est, en revanche, on met un certain temps à le définir. Le livre entier en fait.

Comme il s’agit d’un premier tome, on peut supposer qu’il s’agit d’une sorte d’introduction géante. Un peu laborieuse à mettre en place son sujet. Cela m’a rappelé le reproche que m’avait fait Mimi dans ma copie sur le cléricalisme (que j’ai mis la copie à désarticuler de la croyance), où l’on voyait certes la pensée en train de se faire tout au long du devoir, mais où l’on était agacé de voir arriver seulement à la fin ce qui aurait du être une réflexion préalable au brouillon. Comme souvent, c’est en arrivant à la conclusion que l’on comprend l’enjeu du sujet. C’est ce qui se passe ici : on est brinquebalé un long moment sans savoir où l’auteur veut en venir, et l’on patauge dans des termes quelques peu abstraits avant qu’ils finissent par prendre chair (vu le sujet, il serait temps). D’où que je ne sais pas trop par où prendre la chose : par le début revient à céder en partie à la pulsion du fichage, et par la fin, à exposer une certaine théorie sans sa formation et donc sans les problèmes auxquels elle se heurte. Alors je vais couper la poire en deux et commencer par le milieu, c‘est-à-dire les pépins.

L’histoire qu’entreprend Foucault n’est pas celle des couples dans l’intimité de la chambre à coucher (voyeurs s’abstenir), mais celle des discours qu’on a pu tenir sur le sexe et donc des rapports entre pouvoir et savoir du sexe (les lecteurs du marquis peuvent se retirer, they’d be very Sade). Une histoire de l’histoire du sexe en somme – la réflexion commence toujours avec un redoublement de ce style.

Entre sexe et pouvoir, le lien n’est pas immédiat, vous me l’accorderez, et dans la soupe qu’on veut nous faire avaler, on trouve comme cheveux la peine de mort, le racisme, Machiavel, Aristote ou bien Hobbes. La quatrième et le cinquième partie s’ouvrent comme une dissertation sur le pouvoir avant d’en venir aux relations qu’il entretient avec la sexualité : le détour qui semblait là pour éclairer un aspect de la question fait prendre un tout autre chemin et la sexualité, objet central à expliquer, prendrait une valeur d’exemple – certes paradigmatique, mais tout de même.

« Cette histoire de la sexualité, ou plutôt cette série d’études concernant les rapports historiques du pouvoir et du discours sur le sexe, je reconnais volontiers que le projet en est circulaire, en ce qu’il s’agit de deux tentatives qui renvoient l’une à l’autre. » L’auteur en a donc pleinement conscience, ce qui est formidable ; ce qui l’est moins, c’est qu’il met 119 pages à nous l’annoncer. C’est le problème avec les raisonnements circulaires, il faut bien commencer par un point donné du cercle sous peine de prendre la tangente. Que fait-il alors pendant les cent premières pages ? Un mélange de tangentes qui esquissent en creux le cercle à venir, dont on n’a que des arcs-de-cercle pas forcément reliés, et de ronds concentriques qui se resserrent de plus en plus autour du sujet, jusqu’à ce que le lasso étrangle le sujet avec son nœud.

 

(vous pouvez en rester là, ou sauter directement au C/)